Skander Mestiri, directeur général de l’hôtel Dar El Marsa
Sa passion pour son travail n’a pas uniquement changé sa destinée mais l’a distingué dans le monde du tourisme et du business. Skander Mestiri, directeur général de l’Hôtel Dar El Marsa, un nom et un parcours qui ne passe pas inaperçu dans le secteur. Il a côtoyé les grandes enseignes, telles que Hyatt, la chaîne Accor et le groupe Rezidor qui gérait la marque Radisson, avant de lancer son propre projet qui est l’Hôtel Dar El Marsa. Skander Mestiri a mis son expérience au profit de sa marque. Depuis son ouverture en 2014, cet établissement 5 étoiles situé à la Marsa, en Banlieue nord de Tunis et classé dans la catégorie des hôtels d’affaires et de ville, n’a pas cessé de présenter une expérience unique à une clientèle haut de gamme. Ceci lui a valu le Prix Traveller’s choice de Tripadvisor dans la catégorie « Meilleurs hôtels de luxe » (2016), le Trophée 2017 dans la catégorie « Hôtel d’affaires et de ville » par Traveltodo lors de la 1ère édition des Travel d’Or Tunisie et notamment le premier hôtel labélisé QTT (2017) par le Label Qualité du Programme d’Appui à la mise en place d’un dispositif de promotion de la qualité dans le secteur touristique. Des distinctions qui cachent une vraie philosophie et une expérience inégalée dans le domaine touristique et que Skander Mestiri a accepté d’en parler ouvertement à notre magazine Le Manager. Interview.
Combien représente le tourisme d’affaires dans votre chiffre d’affaires ?
Je voudrais d’abord préciser que dans la catégorie «Tourisme d’affaires » nous identifions le segment Corporate et le segment Business Group. L’année dernière, par exemple, ils représentaient ensemble 60% du volume de notre activité et plus de 50% en chiffre d’affaires.
Pour plus de précision, le segment Corporate fait référence aux contrats conventionnés que nous avons avec des sociétés locales ou étrangères, ambassades, ONG… Le segment Business regroupe, quant à lui, les clients qui viennent travailler et veulent souvent associer travail et loisir. C’est ce qu’on appelle « Businsess Leisure ». Une grande partie est canalisée à travers ce qu’on appelle les Online Travel Agent (OTA) dont notamment les Booking.com, Expedia, Hotels.com…
Pour ce type de tourisme qui a une clientèle assez exigeante, est-ce que vous rencontrez, en tant qu’hôtelier, des difficultés ?
Je dirais que j’essaie plutôt d’adapter mes produits aux besoins de ma clientèle. A ce titre, je me souviens d’un client-affaire allemand que j’ai rencontré au petit déjeuner pour lui demander si tout se passait bien à l’hôtel. Il m’a dit : « Vous savez, nous les chefs d’entreprise, nous avons besoin de simplement 3 éléments : bien dormir, internet — parce qu’on travaille — et une chambre simple, agréable et reposante».
C’est en fonction de ces besoins que j’essaie d’adapter mes produits. J’ai donc investi dans la connectivité, dans la literie et dans la formation des équipes. Nous avons une clientèle spécifique pouvant arriver tard le soir et partir très tôt, donc ayant besoin d’une offre de restauration qui correspond à leurs horaires.
Dans le secteur touristique, les ressources humaines sont-elles préparées à ce type de clientèle ?
On entend souvent qu’en Tunisie il y a un problème au niveau du service et de la formation. Je suis convaincu qu’il est de notre responsabilité, les managers et hôteliers, de préparer nos équipes. C’est à nous de les former, de les gérer, de leur montrer les objectifs et de leur expliquer nos attentes en matière de services.
Je pense, que sur la zone de Tunis, le problème des ressources humaines spécialisées dans le tourisme d’affaires n’est pas marquant. En effet, le marché sur Tunis est essentiellement axé sur le business et les affaires, ce qui fait que les équipes qui tournent beaucoup dans le secteur bénéficient de formations de différents établissements. En ce qui me concerne, je me déploie à fidéliser mes équipes. Un autre enjeu aussi important que j’ai réussi à relever est en l’occurrence la fidélisation des équipes. Suite à quelques difficultés au début, je suis parvenu à créer un noyau dur qui permet au client, quand il revient, de trouver les mêmes personnes et les mêmes habitudes.
Visiblement cette rotation n’a pas que des inconvénients ?
Oui certainement ceux qui ont été formés dans des enseignes internationales apportent toujours un plus dans la qualité de la formation et dans la renommée de la destination. Aujourd’hui, Tunis se targue d’avoir un Four Seasons, des chaines comme Mövenpick, comme Sheraton, un projet tel que The Ritz Carlton qui est en discussion et Hilton qui va également revenir… Ces chaines ont des offices en Europe, aux Etats-Unis ou ailleurs où ils vont vendre leurs établissements sur des segments d’affaires et de business.
En ce qui vous concerne, quelle est votre stratégie pour les années à venir ?
Le marché de Tunis est essentiellement voué au business et aux affaires. Mon hôtel s’y prête encore plus de par sa localisation et sa proximité de l’aéroport… A vrai dire dès le début, le concept de l’hôtel a été bien cadré même si nous avons dû faire des erreurs. Nous avons alors investi et corrigé le tir. Ma stratégie pour les années à venir sera essentiellement axée sur la consolidation du marché d’affaires. Je continue à focaliser sur la formation et à investir 5% du chiffre d’affaires pour maintenir la qualité dans l’établissement. Mais je pense qu’on peut aussi travailler sur le marché du tourisme de ville.
En quoi est-il différent du tourisme d’affaires ?
Quand j’évoque le tourisme de ville, je parle des « weekendeurs ». Il y a un segment que j’aimerais développer c’est ce qu’on appelle « le segment des weekendeurs ». Aujourd’hui, tous les hôtels de Tunis, font de 70 à 80% d’occupation à l’année concentrée du lundi au vendredi. Le taux d’occupation diminue considérablement les samedis et dimanches et généralement même les prix baissent. Il s’agit bel et bien du tourisme d’affaires.
Ce marché du weekend, là où on parle du parisien, du londonien, qui vient le vendredi soir et repart le lundi matin. Ce dernier, sur une destination comme Tunis a l’opportunité d’excercer plusieurs activités dont le culturel, le bien-être, le by night … et c’est un tourisme totalement différent du tourisme de Resort qu’on a classiquement sur les destinations tunisiennes.
Comment vous-vous différenciez des nouvelles enseignes qui sont en train de restructurer le secteur ?
Indéniablement, je ne suis ni un Four Seasons, ni un Mövenpick. Justement, je suis totalement autre chose et nous valorisons notre spécificité. C’est dire que les clients-affaires cherchent, de nos jours, du « Business Leisure ». Ils sont parfois fatigués des hôtels standardisés et sans âme. Ils veulent plutôt associer Business et divertissement. Ainsi notre mission à Hôtel Dar El Marsa sera de permettre au touriste de profiter de la vie en ville, de la proximité avec les locaux… Notre hôtel est une sorte de prolongation de sa maison, une petite maison d’art avec des services de cinq étoiles de luxe basés essentiellement sur la proximité, la chaleur humaine, le sourire, la volonté de lui faire plaisir. C’est le fondement de notre métier. L’avantage d’être indépendant est la flexibilité et la réactivité par rapport aux attentes du marché.
Qu’attendez-vous de l’ONTT pour que le secteur reprenne des couleurs et que le site devienne attractif aux étrangers ?
Les autorités sont appelées à redessiner les normes hôtelières, à mettre plus en avant les notions de services et d’expérience. Il faudrait qu’elles s’investissent plus dans le « Software » que dans le « Hardware ». Il faut avouer que la communication institutionnelle est perçue un peu « Old School ». Je crois qu’on gagnerait plus à moderniser nos outils de communication et à segmenter le secteur par niche : tourisme de ville, tourisme culturel, tourisme Resort… et être plus ciblé sur la communication. C’est également la responsabilité des managers de communiquer différemment, de créer des produits différents et, notamment, de continuer d’investir.
Je voudrais insister sur un autre volet qui va forcément développer l’attractivité de la destination, c’est l’Open Sky. Il faut savoir que quand bien même le voyageur européen est prêt à payer cher son expérience hôtelière, il ne veut plus payer cher son transport.
Vous avez un message à faire passer?
Ce que j’ai envie de dire c’est qu’on aborde souvent le secteur d’une façon négative : des problèmes d’infrastructure, de formation, de sites culturels qui ne sont pas mis en valeur… Je dirai plutôt qu’on a un magnifique pays, un grand potentiel, une bonne infrastructure et d’énormes produits hôteliers et il n’y a aucune raison pour ne pas réussir nos challenges dans ce secteur.
C’est à nous, les hôteliers qui connaissons parfaitement le marché, de changer nos produits sans attendre que les autorités le fassent pour nous.