“L’Algérie, la Tunisie ainsi que le Maroc disposent des atouts nécessaires pour l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030. L’éventualité d’une candidature commune est en cours d’étude”, c’est ce qu’a affirmé le ministre algérien de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Hattab. Serait-ce une bonne opportunité économique? Un article publié par World Economic Forum (WEF) essaie de nous fournir des éléments de réponse.
Les enjeux sont grands et les organisateurs de la Coupe du Monde de football 2018 avaient prédit l’impact économique que générera ce grandiose événement. Ils estiment qu’il coûterait aux alentours de 30 milliards de dollars. Une somme à la mesure des investissements consentis. En outre, la même source a dévoilé que l’organisation de ce type d’événement pourrait générer plusieurs externalités positives pour le tourisme, l’infrastructure, et même les affaires.
Coût d’opportunité
Les sommes investies dans la modernisation et la création d’infrastructures sont susceptibles de stimuler la croissance économique à court terme et pourraient apporter des avantages économiques à long terme pour l’économie russe. Certains économistes estiment, cependant, que des dépenses destinées à des améliorations durables du niveau de vie seraient plus judicieuses.
Toutefois, selon le WEF, une infrastructure dédiée aux événements sportifs est coûteuse et l’est encore plus quant à sa gestion, alors que la fréquence de son utilisation ne permettrait de couvrir ses coûts d’entretien. Un investissement qui s’avérera, en somme, pas très utile, puisqu’il n’est pas primordial pour le bien-être d’un travailleur moyen.
Dans ce sillage, le WEF a pris l’exemple de l’économiste Andrew Zimbalist. Ce dernier a mis l’accent sur les habitants de classe inférieure qui logeaient près du stade et qui étaient chassés et dispersés pour ne pas ternir l’image de l’Afrique du Sud lors de la Coupe du Monde de 2010. N’aurait-il été préférable d’investir ces sommes au profit des plus démunis?
Il a été cité, dans ce contexte, que les dépenses consacrées à l’événement en question au Brésil (2014) ont été estimées entre 11 et 14 milliards de dollars. Des sommes suffisantes pour payer deux fois le projet de loi annuel Bolsa Familia, un projet de sécurité sociale, à en croire la Cour des comptes du Brésil.
Evolution du mode de consommation du tourisme
Bien que les grands événements sportifs attirent certainement des milliers de fans de sport, le WEF dépeint une autre version de l’histoire. Ce genre d’événements peut perturber les flux touristiques établis et finit par conduire la circulation loin des sites touristiques et des attractions. Ces événements peuvent même réduire le nombre de touristes, a-t-il été indiqué.
Illustrant leurs propos, les rédacteurs du WEF ont cité le cas de Pékin et de Londres où les visites d’année en année ont diminué pendant les Jeux Olympiques de 2008 et 2012. Le musée le plus populaire du Royaume-Uni, le British Museum, par exemple, a enregistré 22% de visiteurs en moins.
Les autorités britanniques ont estimé, “qu’en raison des Jeux Olympiques, il y avait eu un déplacement des visiteurs réguliers qui ont été dissuadés par les facteurs d’encombrement, de perturbation et de hausse des prix”.
Ils ont montré que même lorsque le nombre de touristes augmente, cela ne se traduit pas nécessairement par un surplus de recettes touristiques, car il y a des dépenses engendrées par l’attraction des visiteurs. Et pour preuve, pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud, 450 000 touristes étaient prévus. À la fin, seulement les deux tiers se sont présentés. Le pays aurait pu payer les salaires de toute la population en âge de travailler pendant une semaine.
En effet, il est difficile de déterminer où atterrira l’argent que les touristes ont dépensé. Les prix des hôtels augmentent généralement lors des ventes à guichets fermés, mais les salaires des employés n’augmentent pas au même rythme.
Quant à la Russie, les analystes anticipent que les bénéfices économiques de l’organisation de la Coupe du Monde 2018 profiteront principalement à l’industrie du tourisme. Cependant, ils sont perçus comme négligeables.
Le revers de la médaille
Toutefois, cela ne signifie pas que l’organisation de la Coupe du Monde est complètement inutile. Les grands événements sportifs sont l’une des rares choses qui réunissent vraiment la planète. Les derniers Jeux Olympiques d’hiver ( 2018/ Pyeong Chang — Corée du Sud) ont démontré la capacité du sport à rapprocher des frères ennemis lorsque les athlètes de Corée du Nord et du Sud ont défilé ensemble.
Les tournois ont eu des histoires inspirantes de succès permettant d’inciter les enfants et les adultes à s’initier au sport. Goldman Sachs a même montré que l’indice du marché boursier augmente à la fois dans le pays hôte et dans le pays qui remporte la Coupe du Monde… à court terme du moins.
Ainsi, a été introduite une étude démontrant que les nations accueillant des Jeux Olympiques connaissent une amélioration de leur commerce. Même les pays hôtes qui ne réussissent pas à gagner voient leur commerce s’intensifier, impliquant qu’ils sont ouverts aux affaires, plutôt qu’au tournoi, et c’est ce qui est économiquement plus important.
Pour la Russie cet été, il est difficile de déterminer si son rôle d’hôte de la Coupe du Monde fait partie d’une stratégie de croissance. Lorsque le pays a commencé à proposer d’accueillir le tournoi de cette année, Moscou, venait d’accueillir la finale de la Ligue des champions et l’équipe nationale s’était qualifiée pour les demi-finales du Championnat d’Europe. Une recherche de buzz, ou bien une stratégie ? C’est en ces termes, que se sont interrogés les journalistes du WEF.