XXème Forum de l’Économiste Maghrébin
L’an 1998 après J.-C. a marqué à jamais l’histoire de l’Humanité. C’est cette année qu’aux États-Unis, Larry Page et Sergey Brin ont lancé Google, et qu’au Venezuela, Hugo Chavez a été élu président de la République. Au pays du Jasmin, l’Économiste Maghrébin a organisé en 1998 la première édition de son Forum annuel qui fête cette année son vingtième anniversaire.
Depuis, le Forum de l’Économiste s’est transformé en un rendez-vous annuel incontournable rassemblant les plus grands économistes, entrepreneurs et politiciens de la Tunisie et d’ailleurs. “Il y a déjà vingt ans, huit ans après le lancement du Magazine, il nous avait paru nécessaire de créer un lieu de débat, un véritable espace de réflexion et d’échange, ouvert à toutes et à tous qui viendrait s’ajouter aux rencontres périodiques de l’Economiste”, a déclaré Hédi Mechri, fondateur du groupe Promedia. “Nous avons chaque fois ciblé les questions dont nous pressentions qu’elles seront d’un intérêt primordial pour le pays afin de dissiper craintes, doutes, appréhensions et malentendus et pourquoi pas susciter l’espoir chez les acteurs de l’économie. Les caisses de sécurité sociale, on en a parlé. L’Accord de libre-échange conclu en 1995 est passé par là. Nous étions parmi les rares à le soutenir en dépit de ses multiples contraintes qui sont au fond autant d’avancées pour l’industrie nationale”, a-t-il ajouté. M. Mechri n’a pas oublié de rendre hommage aux présidents qui se sont succédés à la tête du comité d’organisation du Forum feu Faouzi Belkahia et Saïd Mrabet, Chedhly Ayari, Chakib Nouira et Habib Karaouli.
Lors de cette 20ème édition, le thème “Mobilités et Ruptures” était au coeur du débat. Trois panels ont alors composé le programme d’une matinée très riche et fort instructive.
“Mobilité des hommes et des talents: l’école et le travail” était le thème du premier panel dirigé par Habib Karaouli et composé de Badreddine Ouali, président de Vermeg; de Yassir El Ismaili, CEO de Tayara; de Farouk Kamoun, président de l’université Sesame; de Thierry Millet, DG d’Orange Tunisie; ainsi que de Flavia Palanza, directrice des opérations Voisinage de l’UE à la Banque Européenne d’Investissement. À cette occasion, Mme Flavia a mis l’accent sur le rôle que joue la BEI dans le soutien du système éducatif tunisien, aussi bien au niveau de l’infrastructure que du renforcement des compétences locales et ce, à tous les niveaux de l’enseignement.
Pr. Kamoun a pour sa part mis l’accent sur l’impact des nouvelles technologies sur l’université qui se trouve, paradoxalement, “à la traîne par rapport au changement numérique”.
Le deuxième panel, modéré par Kais Daly, a focalisé sur la” mobilité des normes et des règles”. Si ce sujet est d’une importance majeure c’est parce que, d’après François Ameli, avocat et maître de conférences au Panthéon, “il n’y a pas d’internationalisation sans standardisation”. Maître Ameli a été accompagné par Moez Chakchouk, PDG de la Poste et par Donia Ellouz, avocate au barreau de Tunis.
Modéré par Aziz Mbarek, le troisième panel a traité de la” mobilité des capitaux et des investissements” avec la participation de Selim Feriani, ministre de l’industrie et des PME; de Samir Majoul, président de l’UTICA; d’Afif Chelbi, président du Conseil d’Analyses économiques; et de Mansur Zhakupov, DG de Total Tunisie.
Une planète en pleine mutation
Dans une économie mondiale de plus en plus orientée vers l’économie du savoir, la guerre des talents entre les puissances mondiales ne cesse de s’intensifier. “La Chine a dépassé en 2017 les USA au niveau des dépenses du capital-risque pour l’intelligence artificielle alors que son plan Made in China 2025 devrait lui permettre dans sept ans d’être au premier rang des technologies”, a déclaré Serge Degallaix, directeur du FPI. Face cette menace, les USA ont réagi à leur manière en instruisant un procès permettant d’accaparer le savoir-faire et d’attirer les talents dont ils ont besoin pour la recherche et l’innovation alors que l’Europe “reste atone mais ne cessant de multiplier les efforts pour concurrencer les géants chinois et américains” a ajouté M. Degallaix.
Pour ces pays, l’enjeu est de taille car il ne s’agit pas seulement d’indépendance numérique, mais aussi d’avoir la possibilité de guider son destin économique: “tous les secteurs seront affectés par cette accélération des progrès technologiques”, a indiqué le directeur du FPI.
Dans ce contexte rude, les entreprises tunisiennes éprouvent des difficultés en matière de recrutement des compétences nécessaires et adéquates, a pour sa part déclaré Slim Feriani, ministre de l’industrie et des PME. Le phénomène de la fuite des compétences représente alors un défi majeur que doit relever la Tunisie, en établissant une stratégie à cet égard, a-t-il souligné.
Comment peut se situer la Tunisie ?
Le progrès technique déplace les lignes de forces entre les nations et les groupes sociaux, a indiqué Serge Degallaix. Et d’ajouter : “Ce progrès déplace également les emplois avec les mêmes forces de changements et de réactions”.
D’après l’économiste, la Tunisie doit assumer le présent et préparer l’avenir : “Le monde ne s’adaptera pas à nous. Il faut s’adapter au monde pour pouvoir peser à sa mesure”. La Tunisie doit, à cet égard, jouer cette carte qu’il ne faudrait pas sous- estimer. L’accélération du progrès et le changement permanent font que les positions dites acquises ne servent pas véritablement le monde.
Comme la France et tous les pays de l’Europe, Serge Degallaix a estimé que la Tunisie devait trouver les bonnes alliances et réviser ses modes d’actions et de pensées pour pouvoir se positionner dans ce monde en pleine mutation.