Par notre envoyée spéciale
Il y a les retards, les valises égarées, les escales interminables. Et puis il y a la désinvolture, ce sentiment que le voyageur qui a payé son billet d’avion n’est plus qu’une variable d’ajustement. En l’espace d’une semaine, une délégation tunisienne – venue pour une mission économique à Dakar – en a fait l’amère expérience à bord de Royal Air Maroc (RAM).
Le calvaire commence dès le vol aller. Décollage repoussé de deux heures sans explication convaincante. À l’arrivée: plus de trace de la valise contenant tout le matériel pédagogique du séminaire. «On demande qu’elle reparte sur le vol de 18h00, puis celui de 1h00 du matin», témoigne la passagère. Peine perdue: réveil à 2h00, appels en boucle à l’aéroport, aucun bagage et, surtout, aucun interlocuteur capable de s’engager par écrit. Allez savoir pourquoi!
Au retour, le scénario se répète. Annoncé à 2h25, le vol Dakar-Casablanca décolle finalement à 3h05. À bord, les hôtesses jurent que la correspondance vers Tunis, prévue à 7h50, attendra les passagers concernés. L’avion se pose à 7h00 précises; la passagère sprinte jusqu’à la porte d’embarquement et s’y présente à 7h25. Trop tard: son nom a été «déjà supprimé» de la liste, tandis que d’autres passagers du même vol, arrivés après elle, montent tranquillement à bord.
Refus d’appeler un chef d’escale, injonction d’aller «au bureau transit» en repassant contrôle passeport et sécurité: la passagère se heurte à un mur. «L’impression d’un surbooking maquillé», souffle-t-elle. «On retire certains voyageurs pour caser des privilégiés».
En droit européen comme au Maroc, le surbooking est légal à condition d’indemniser et de réacheminer le passager dans les meilleurs délais. Encore faut-il le reconnaître. Ici, aucun écrit, aucune compensation proposée, aucune prise en charge hôtelière. Seul un silence radio qui confine au mépris.
Quand la réputation s’envole
Royal Air Maroc ambitionne de devenir un hub régional. Mais un hub se juge à la ponctualité, à la fiabilité et à l’éthique professionnelle, c’est-à-dire au respect des passagers, de tous les passagers. Faute d’un service client réactif, les retards se transforment en gouffre réputationnel. La valise de Jihene est finalement arrivée… après la fin de son séminaire. «On m’a recommandé de déposer une réclamation en ligne, mais on ne m’a donné aucun reçu, aucun délai», déplore-t-elle.
Au-delà du cas individuel, c’est la question de la transparence qui se pose. La compagnie sape la confiance du passager, ce capital que l’on met parfois toute une vie à bâtir; une correspondance manquée suffit à le ruiner.
À l’heure où nous publions ces lignes, les voyageurs concernés attendent toujours une explication officielle et, à défaut d’excuses, une indemnisation conforme aux règles internationales. Reste à savoir si Royal Air Maroc choisira enfin de traiter ses passagers comme des clients, et non comme une simple variable d’ajustement.