Entreprendre est, pour les femmes, une voie salutaire et efficace pour réduire les inégalités économiques et prendre leur destin en main. S’affirmer dans son métier, renforcer l’égalité femme-homme, créer son propre emploi puis celui d’autres personnes, participer activement au renouveau de l’économie… Ce sont là quelques-unes des raisons qui motivent à développer un entrepreneuriat davantage porté par les femmes en Tunisie.
Il n’en reste pas moins que les femmes entrepreneures demeurent confrontées à de nombreux défis, certes il y en a ceux qui sont communs à tous les porteurs de projets mais également ceux qui sont plus spécifiques au genre, tels que le manque de réseautage, les difficultés d’accès au financement, les obstacles administratifs et juridiques, la mobilité dans les régions, l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, etc.
Plusieurs programmes d’accompagnement sont menés par diverses structures d’appui pour soutenir l’entrepreneuriat féminin. Ils restent cependant concentrés sur le Grand-Tunis, sans focus particulier sur l’impact social ou les spécificités de genre.
Sonya Zaïem, Directrice adjointe du Lab’ess, déclare «Durant ces 10 ans au Lab’ess, j’ai vu à quel point l’accompagnement était crucial pour les femmes entrepreneures, de par le fait qu’elles font face à des obstacles spécifiques. Grâce à des programmes d’incubation dédiés, comme #Essentielles, elles développent les compétences et la confiance nécessaires pour réussir. Investir dans l’entrepreneuriat féminin favorise une croissance économique inclusive et durable. Ensemble, œuvrons pour un futur où l’entrepreneuriat féminin est une norme et non une exception».
Essentielles: un programme sur mesure pour les femmes entrepreneures
Pour répondre à ces défis, le Lab’ess a lancé Essentielles, un programme d’incubation 100% féminin, soutenu par le projet FAST, financé par l’Agence française de développement (AFD) et mis en œuvre par la Caisse des dépôts et consignations tunisienne (CDC) avec l’appui technique d’Expertise France, visant à améliorer l’employabilité des femmes par l’entrepreneuriat à impact en région.
En effet, l’accompagnement des femmes cheffes d’entreprise, qu’il soit financier ou généraliste, est l’une des principales clés de leur succès. Que ce soutien intervienne en amont, pendant le lancement, ou lors des phases de développement, il est incontournable.
Au cours des deux dernières années, 25 entrepreneures ont été accompagnées à Sfax dans le cadre d’un programme complet de 6 mois. Parmi elles, 79% ont généré un impact social et 57% un impact environnemental. 100% des entreprises accompagnées ont accès à des financements, 71% des entreprises accompagnées ont un produit/service sur le marché et 86% des entreprises affirment avoir créé des emplois grâce à leurs projets.
Un programme d’incubation mais pas seulement…
Pour donner aux femmes l’envie et la confiance nécessaires pour franchir le pas de l’aventure entrepreneuriale, le Lab’ess a également édité un guide qui a pour ambition de fournir des conseils pratiques et des exemples inspirants pour les encourager et les soutenir. Et parce que rien ne vaut la preuve par l’exemple, découvrez les parcours et les témoignages de femmes qui ont osé et réussi. Ces portraits visent à montrer à nos lectrices que c’est possible, et que d’autres femmes, devenues entrepreneures, ont suivi des parcours similaires au leur.
Consulter ce guide sur le www.labess.tn.
Histoires inspirantes d’actrices du changement
Mona Abid, La créative, Fondatrice du Bazar
“J’ai conçu mon premier produit, le support d’ordinateur, en réponse à une problématique que j’ai rencontrée en tant qu’étudiante. Contre toute attente, c’est devenu mon produit phare”
Mona Abid, designer de formation, aspirait à exprimer pleinement sa créativité, mais les exigences de son ancien emploi ne pouvaient laisser un champ libre pour ses ambitions artistiques. Se lancer dans la création d’objets est donc apparu comme une évidence. Son premier produit, elle l’a imaginé lorsqu’elle rédigeait son mémoire de master, cherchant une solution à l’inconfort de travailler avec un ordinateur brûlant posé sur les genoux. Ainsi est née l’idée d’un objet moderne qui, tout en offrant un confort ergonomique, valorise le patrimoine tunisien. Elle conçoit ses produits en collaboration étroite avec des artisans locaux, pour ainsi contribuer à la préservation et à la promotion des savoir-faire artisanaux tunisiens, créant des opportunités économiques pour les artisans et renforçant le lien entre tradition et innovation.
Le Bazar confectionne avec amour et passion des objets fonctionnels et personnalisés avec une seule constante: la touche tunisienne comme stylème caractérisant sa marque.
Sa présence sur les marchés, les foires et les expositions lui a permis de se faire connaître rapidement. D’ailleurs, sa plus grande fierté réside dans le succès qu’elle a connu lors de sa première participation au salon de la création artisanale, qui lui a permis de réaliser que ses idées plaisaient. La pandémie du Covid-19 a été pour elle comme un coup d’accélérateur: elle a dû développer son site internet qui n’était jusqu’alors qu’une vitrine, pour permettre la vente en ligne.
D’après Mona, les accompagnements offerts par le Lab’ess lui ont permis de monter en compétences et d’avoir confiance en elle pour pouvoir avancer.
Mouna Triki, La résiliente, Fondatrice de Rigoula
“J’ai passé de longues nuits à faire des recherches sur la culture maraîchère en Europe, pour finalement me rendre compte que les connaissances essentielles se trouvaient sous mes yeux, dans les pratiques agricoles traditionnelles tunisiennes”.
Le parcours entrepreneurial de Mouna Triki a commencé humblement dans son jardin, alimenté par son amour pour les plantes et le désir de créer quelque chose de spécial. Inspirée par les traditions agricoles de sa Tunisie natale, elle s’est lancée dans une aventure de découvertes et d’apprentissage intense, mentorée par deux ouvriers agricoles tunisiens.
Rigoula est une ferme biologique certifiée proposant des fruits et légumes bio, locaux, frais, séchés, ou en conserve, qui cherche à valoriser les produits du terroir dans le respect de l’environnement et de la tradition culinaire tunisienne.
Mais dans une zone urbaine, impossible d’obtenir la certification “biologique”. Quitter sa maison et son jardin pour établir son exploitation à 22 kilomètres de là a été un déchirement. Cela signifiait qu’elle serait moins présente pour sa famille et qu’elle devrait trouver un nouvel équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle.
Le projet a pris de l’ampleur petit à petit, jusqu’à couvrir une superficie de 2 hectares. “C’est l’effet boule de neige”, dit-elle.
Dans la région aride de Sfax, où l’agriculture maraîchère est en soi une innovation, le défi était double pour Mouna. D’une part, le climat très sec rendait cette pratique peu commune, laissant traditionnellement la place à la culture des amandiers et des oliviers; d’autre part, le milieu agricole, largement dominé par les hommes, représentait un obstacle supplémentaire.
L’accompagnement du Lab’ess a permis à Mouna de renforcer ses compétences et de convaincre les plus sceptiques. Le programme lui a apporté les outils nécessaires pour s’imposer dans un domaine où les femmes étaient sous-représentées, lui permettant ainsi de se faire une place et de prospérer dans son entreprise agricole. “J’étais une élève très attentive”, plaisante Mouna, qui porte aujourd’hui un regard fier sur son parcours.
Maha Hajji, L’enthousiaste, Fondatrice de Retaste
“J’ai soutenu le mémoire de mon master le matin, puis j’ai couru à mon accompagnement au Lab’ess”.
Au départ du projet de Maha Hajji et son frère, il y avait l’envie commune d’unir leurs compétences de technicienne agronome et d’ingénieur pour promouvoir une alimentation saine auprès d’une cible de personnes âgées. Son frère a découvert l’ail noir lors d’un séjour en France, une variété spéciale soumise à un processus de fermentation contrôlée. Leur imagination a été stimulée par ses qualités uniques: sa couleur noire, sa texture moelleuse et son goût sucré distinctif. Ainsi est né leur projet: des produits à base de cet aliment fonctionnel, entièrement naturels, visant à renforcer l’immunité.
Retaste offre des produits 100% artisanaux à base notamment d’ail noir et d’ingrédients locaux naturels, pour proposer une redécouverte des goûts traditionnels et un voyage culinaire savoureux et éco-responsable.
Grâce au Lab’ess, Maha a élargi sa cible, attirant désormais les papilles curieuses et tous les adeptes d’une alimentation saine. Son expérience a été enrichissante, et elle souligne le professionnalisme des experts et l’engagement des chargés d’accompagnement. Cela a constitué un véritable challenge, mais elle s’est dévouée à son projet et à l’accompagnement tout en poursuivant simultanément son master. “Le jour de ma soutenance de master, j’ai soutenu le matin, puis j’ai couru à mon accompagnement au Lab’ess”, dit-elle sur un ton d’amusement.
Ce qu’elle retient de cette expérience au Lab’ess, c’est par-dessus tout l’aspect humain et le partage de valeurs communes. Maha décrit l’atmosphère conviviale et familiale au sein de l’équipe et avec ses camarades de promotion. Elle leur est très reconnaissante des feedbacks honnêtes et des recommandations, de la collaboration et des partages d’expériences.