L’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) est revenu, encore une fois, au problème de la fuite des compétences. Cette fois, ce sont les ingénieurs qui ont fait l’objet d’une étude intitulée «La fuite des cerveaux parmi les ingénieurs en Tunisie: causes, conséquences et propositions de politiques économiques». Nous avons retenu les principales données d’un long document de 120 pages.
La question de la fuite des cerveaux s’est transformée en une dynamique structurelle qui menace sérieusement le développement économique et social du pays, et sa transition vers des niveaux de développement plus élevés. Le phénomène affecte actuellement divers secteurs clés, parmi lesquels le numérique, la santé, l’industrie, ainsi que les services technologiques avancés.
La Tunisie a perdu près de 39 000 ingénieurs, constituant une perte significative de son capital humain hautement qualifié. Pour comprendre l’ampleur de l’hémorragie, l’Ordre des ingénieurs estime le nombre total d’ingénieurs tunisiens à environ 90 000.
Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène. Ils englobent la restriction des opportunités de carrière sur le marché local, les niveaux de rémunération et des avantages non concurrentiels, les conditions de travail peu attractives, et le sous-investissement dans les domaines de la recherche et de l’éducation. L’absence de reconnaissance et le manque de perspectives post-diplôme sont aussi identifiés comme des facteurs clés de cette fuite des cerveaux. Les ingénieurs, comme d’ailleurs tous les autres professionnels, cherchent une meilleure qualité de vie et un environnement propice au développement personnel, loin des pressions sociales exercées en Tunisie.
Les inégalités régionales en Tunisie constituent un autre facteur essentiel influençant la décision de migration des ingénieurs. Des disparités d’accès aux ressources et à la formation technique de qualité se font ressentir dans différentes régions du pays, les incitant à partir à la recherche de milieux où ils peuvent évoluer.
Pour retenir et attirer les compétences en Tunisie, tout en répondant aux défis de la fuite des talents, l’ITES propose de mettre en place un ensemble de mesures intégrées qui englobent divers aspects de l’écosystème technologique. Dix points ont été analysés:
– L’optimisation des conditions de travail des ingénieurs,
– La valorisation du parcours professionnel et de la formation,
– L’adaptation du système éducatif,
– Le renforcement de la stabilité politique et économique,
– L’amélioration des infrastructures,
– La dynamisation de l’écosystème entrepreneurial,
– Le soutien au financement en Recherche & Développement,
– La promotion des politiques fiscales et des incitations,
– La modernisation des pratiques de gestion, et
– Le développement des partenariats et des collaborations.
L’ITES conclut que la Tunisie se trouve à un tournant. La fuite des cerveaux doit être contenue, non seulement pour préserver son potentiel économique et social, mais également pour garantir le succès des transitions énergétique, écologique et digitale, indispensables à son avenir.