Les équipements de fabrication de puces de pointe du géant néerlandais des semi-conducteurs ASML ont été bloqués à l’exportation vers la Chine dès le premier jour du nouvel an, et ce, dans le cadre de pressions américaines sur l’Europe dans ce secteur stratégique.
Les semi-conducteurs, qui alimentent tous les appareils, des téléphones portables aux voitures, sont devenus un champ de bataille géopolitique, les Etats-Unis et l’Europe cherchant à restreindre l’accès de la Chine par crainte qu’ils ne soient utilisés pour la fabrication d’armes de pointe.
En octobre 2023, les États-Unis ont annoncé un renforcement des restrictions à l’exportation de puces d’intelligence artificielle, ce qui a suscité la colère de Pékin. Les Chinois dénoncent une action qui, selon eux, viole gravement les règles du commerce international, porte gravement atteinte à la structure de l’industrie mondiale des semi-conducteurs et a de graves répercussions sur la sécurité et la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement internationales.
Jusqu’à aujourd’hui, l’un des principaux obstacles au progrès de la Chine dans le domaine des semi-conducteurs est l’accès aux technologies de photolithographie et aux équipements de test de pointe, notamment ceux du néerlandais ASML.
Conscient de cette situation, Pékin tente de renforcer davantage ses liens économiques avec le Vieux Continent, en particulier avec l’Allemagne. Plus ces relations commerciales sont importantes, plus l’Europe serait amenée à réévaluer son alignement sur les priorités des États-Unis. Cette évolution pourrait s’accélérer si les engagements des États-Unis en matière de sécurité européenne se réduisaient, comme une présence réduite en Ukraine ou un rôle moins important au sein de l’OTAN.
L’autre grand fournisseur mondial d’équipements de production et de test de semi-conducteurs est le Japon. Aujourd’hui, l’alignement stratégique de l’archipel sur les États-Unis est ancré dans une alliance sécuritaire. Cependant, le pays dépend de moins en moins de la marine américaine pour sa sécurité. Si Washington limitait son engagement envers d’autres partenaires de sécurité, Tokyo pourrait bien donner la priorité à ses intérêts économiques plutôt qu’à ses alliances de sécurité. Les États-Unis sont un partenaire commercial nettement moins important que la Chine, qui représente déjà plus d’un quart du total de ses échanges commerciaux. Ce rapport s’accentuera probablement avec le temps.
A cela s’ajoutent les progrès de Taïwan en matière de semi-conducteurs, devenus un pilier de son industrie. Mais comme le Japon, le pays doit mener une danse délicate d’alignement stratégique pour équilibrer entre son principal partenaire commercial, la Chine, et les États-Unis. Le Président Xi a ordonné que l’armée chinoise soit en mesure d’envahir Taïwan d’ici 2027, ce qui signifie la destruction de ses installations de semi-conducteurs. Cette action pourrait avoir un impact bien plus important sur les États-Unis et l’Europe que sur elle-même.
La question dépasse donc de loin le simple transfert technologique. Après la guerre en Ukraine, le monde se dirige progressivement vers deux blocs rivaux. In fine, ils trouveront des compromis, et ce sont les petites nations qui paieront plus cher leurs produits.