Tunisair a publié les informations légales à la suite de la tenue de son Assemblée générale ordinaire qui a examiné les comptes de l’exercice 2019. Normalement, cette réunion des actionnaires devait se tenir avant le 30 juin 2020. L’affectation du résultat a été approuvée à l’unanimité, ajoutant le déficit de -183,121 Mtnd au poste des pertes reportées, désormais de -1 315,474 Mtnd.
Les pertes de l’exercice 2019 dépassent largement les estimations que nous avons vues dans le rapport sur les entreprises publiques du ministère des Finances et qui les a estimées à -20,740 Mtnd. Toujours selon ce rapport, les années 2020 et 2021 auraient enregistré des pertes respectives de -234 et -361,800 Mtnd. Des capitaux propres de -1 000 Mtnd, ce n’est donc qu’une question de temps.
Que faire pour remédier à cette situation? Les indicateurs d’activité de la compagnie porte-drapeau ont montré qu’il y a une nette amélioration en 2023 et que l’exploitation se rapproche de l’équilibre. La flotte s’améliore aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif avec la réception de nouveaux appareils. Néanmoins, l’entreprise aura toujours des difficultés pratiques avec une situation financière aussi fragile. La marge de manœuvre pour prendre des décisions stratégiques est quasiment inexistante.
L’Etat, dont les finances sont très serrées, n’a pas les moyens d’injecter des fonds propres. En même temps, tout projet de cession ne pourra pas voir le jour, car la préservation des sociétés publiques de cette taille humaine et de cette importance est un choix politique.
La conversion des dettes auprès des autres entreprises publiques est une piste. Selon les estimations du ministère des Finances, ces dettes seraient de 1 103 Mtnd fin 2022, et ce, sans tenir compte des caisses de sécurité sociale. Si cela offre une nouvelle vie à Tunisair, ses ex-créanciers verront leurs crédits radiés et enregistreraient des pertes. Sauver une entreprise pour en sacrifier d’autres n’a donc pas beaucoup de sens.
La revalorisation de l’actif est une autre piste et il n’est pas exclu de la voir dans les prochains bilans. Toutefois, elle ne pourra pas combler le trou des capitaux propres à elle seule. De plus, elle n’apportera pas d’argent frais aux caisses. C’est une opération purement comptable.
Reste l’autre piste, celle d’ouvrir une autre partie du capital au marché financier, en cédant de nouvelles actions et/ou à travers une augmentation de capital dans le cadre d’une refonte stratégique. Pour ce faire, il faudra présenter un projet crédible et valable, où l’Etat accepte de fournir un effort financier réel. A notre avis, c’est le seul moyen faisable qui pourrait redonner vie à une compagnie nationale qui, en dépit de ses compétences techniques remarquables, ne pourra jamais remonter la pente sans argent.