La dégradation des relations tuniso-marocaines, sur le plan politique, n’est pas un secret. Les deux pays ont respectivement rappelé leurs ambassadeurs depuis des mois et il n’y a aucun signe de détente à court terme. Lors du dernier séisme, Tunis a présenté ses condoléances et a proposé de l’aide à Rabat. Une froideur s’est installée et risque sérieusement de durer.
Néanmoins, les citoyens des deux pays ne sentent rien et la circulation des personnes, des marchandises et des capitaux continue normalement.
Selon les derniers chiffres de l’INS, les exportations tunisiennes vers le royaume ont atteint 553,9 Mtnd jusqu’à fin août 2023, contre 604,8 Mtnd sur la même période une année auparavant. Il s’agit d’une baisse de 8,4% en glissement annuel mais ce volume reste plus important que celui enregistré en 2021. C’est notre troisième marché africain après la Libye et l’Algérie.
Côté importations d’origine marocaine, elles sont à leur plus haut niveau sur trois ans à 326,6 Mtnd. Cela nous donne une balance commerciale excédentaire avec le royaume de 227,3 Mtnd, la meilleure également après celle avec la Libye.
C’est une illustration chiffrée de la fluidité du business entre les deux pays. Le Maroc a une forte présence en Tunisie dans la finance (banque, leasing, assurance, fonds d’investissement) et dans l’enseignement supérieur privé. Les investisseurs collaborent couramment dans les deux sens.
En même temps, les conflits entre les pays de la région leur font perdre énormément de potentiel de complémentarité et des points précieux de croissance. La Tunisie est de facto le plus grand perdant dans toute cette histoire, car elle aurait pu s’adresser à deux marchés qui pèsent plus de 81 millions d’habitants, ayant la même culture et les mêmes habitudes de consommation. C’est dans notre intérêt qu’Alger et Rabat se réconcilient, mais leurs différends sont plus compliqués que jamais après la normalisation marocaine avec Tel-Aviv.
La politique étrangère tunisienne doit assurer un équilibre fragile afin de préserver les intérêts économiques de nos entreprises et veiller à ce qu’un retour à la normale soit possible. Sur le terrain, c’est un exercice à haut risque et loin d’être évident.