Sodexo Tunisie, Best Employer 2016
18 ans à la tête de la direction générale de la filiale tunisienne de Sodexo sans jamais se complaire dans une quelconque zone de confort. L’homme — la quarantaine largement entamée — est dans une logique d’innovation sociale permanente, de recherche d’optimisation des efforts collectifs et donc d’efficacité. Il a été très tôt président du centre des jeunes dirigeants (CJD) avant d’être propulsé à la tête du CJD international. Juste récompense.
Slim Ben Ammar, car c’est de lui qu’il s’agit, sait ce que croissance économique veut dire : investir et entreprendre. Autant dire que derrière chaque aventure et réussite humaines, il y a un entrepreneur qui ose prendre des risques et … gagner. D’où sa détermination à militer avec force conviction pour briser le plafond de verre qui freine l’éclosion de jeunes pousses da la graine des génies. Il ne se fait pas à l’idée de voir une Tunisie disposer d’un énorme potentiel de développement grâce à la disponibilité de ses jeunes compétences sans qu’elle parvienne à aller jusqu’au bout de ce potentiel. La cause en est qu’elle a peu d’entreprises, c’est-à-dire peu d’entrepreneurs. La machine à fabriquer les chefs d’entreprise de demain est en panne. Il s’emploie à la réactiver. C’est à ce titre qu’il préside le comité d’engagement du réseau Entreprendre de Tunis tout en étant, par ailleurs, coordinateur du nouveau think-tank Alumni IHEC. Depuis 2016, il voit s’ajouter à son palmarès un nouveau trophée: il accompagne le développement de la filiale Sodexo Afrique du Nord.
L’allure décontractée, l’air terriblement juvénile, le ton calme et mesuré, détendu à force d’assurance dans les propos et d’un grand naturel qui cache mal son désir de convaincre et de rallier ses interlocuteurs à la cause d’une gestion de ressources humaines exemplaire.
Slim Ben Ammar nous livre, dans l’entretien qu’il nous accorde, sa conception du métier de manager engagé qui œuvre pour l’épanouissement collectif. Ses maîtres-mots — parmi tant d’autres- sont l’adhésion aux valeurs de l’entreprise, la sérénité et la qualité de vie qui doit y régner.
Sa conviction, son engagement personnel, pour placer l’humain au centre de l’action a valu à Sodexo Tunisie le titre de Best Employer. Interview.
Sodexo Tunisie trace son sillon dans son domaine d’activité. Outre ses métiers de base, en l’occurrence les chèques restaurant, l’entreprise entreprend le chemin de la qualité de vie et en fait un défi au quotidien. Parlez-nous de cette expérience ?
Sodexo évolue en Tunisie à travers les services initialement offerts, à savoir les titres repas pour les salariés d’entreprise. Le groupe Sodexo compte 425.000 collaborateurs dans le monde, c’est la première entreprise française en termes de nombre de salariés. Elle est également leader mondial dans son domaine d’activité.
Parmi les lignes de services, figure à l’évidence la restauration collective dans les différentes entreprises, dans l’administration, la santé, l’éducation… Cette activité a connu au fil du temps un élargissement du champ d’activité vers le multiservice. Autrement dit, offrir une multitude de services à une clientèle diverse dans le cadre d’un périmètre B to B. Le groupe Sodexo apporte ainsi des solutions de restauration pour les entreprises et communautés diverses mais également une assistance de toutes sortes allant de la gestion du restaurant d’entreprise à la maintenance d’ascenseurs en passant par la blanchisserie, le gardiennage, etc. Cette activité dénommée « Services sur Site » apporte de la valeur au client qui se recentre sur son métier de base. Cette expertise s’est développée d’abord dans l’activité du groupe en Afrique et au Moyen-Orient, notamment pour les entreprises pétrolières.
Quid de la Tunisie ?
En Tunisie, le groupe Sodexo y est installé depuis 1997. Il a développé, via sa filiale Sodexo Pass Tunisie, une activité d’émission de titres et cartes de services. Aujourd’hui, cette dernière activité a une dénomination différente, à savoir l’activité Avantages et Récompenses ou « Benefits and Rewards ». Sodexo Tunisie se donne pour mission d’améliorer la qualité de vie des hommes et des femmes qu’elle sert. Et ce, en développant des solutions tels les traditionnels chèques-repas mais aussi les chèques cadeaux. Une solution idoine pour stimuler, motiver le personnel et susciter davantage sa mobilisation au sein de l’entreprise. Ces chèques matérialisent des avantages et récompenses accordés à un bénéficiaire final et sont consommés au sein d’un réseau de commerce spécifique, restrictif selon la vocation du service : Restaurant, Habillement, Cadeau, Loisir, etc.… Ces supports papiers existent également sous une forme dématérialisée, à savoir la carte à puce que sodexo a développée en Tunisie depuis 5 années déjà. Cette forme digitalisée constitue, sans nul doute, un support d’avenir au sein de l’activité
Sur la base d’importantes études sur la perception de la Qualité de Vie et grâce à ses 50 années d’expérience auprès de ses consommateurs et de ses collaborateurs, Sodexo a identifié six dimensions de la Qualité de Vie, à savoir : le bien-être et la santé, l’environnement physique, les commodités au quotidien, la reconnaissance, l’interaction sociale et le développement personnel.
Combien compte Sodexo Tunisie d’employés ?
Aujourd’hui, Sodexo Tunisie emploie 73 personnes. Les perspectives de développement sont importantes dans un marché en pleine évolution. Sachant que l’activité sur site n’est pas encore présente en Tunisie.
Sodexo Tunisie vient de remporter le titre de « Best Employer » au niveau de l’engagement, décerné par un cabinet international. Que représente ce titre pour vous ?
Absolument. Le programme AON Best Employers a décerné pour la deuxième fois en 2016 le Best Employer Award à Sodexo Tunisie. Le groupe Sodexo est convaincu de l’importance du capital humain. Il est persuadé que des hommes engagés et mobilisés au travail génèrent indubitablement la satisfaction du client final. Cela crée un cercle vertueux. En Tunisie, nous sommes encore plus attachés à cette conviction. Conviction qui me tient personnellement à cœur et qui se traduit par la volonté de placer le salarié au cœur des préoccupations de l’entreprise : notre premier client chez Sodexo Tunisie est notre collaborateur interne. Depuis un certain nombre d’années, le groupe Sodexo mène des enquêtes à travers des cabinets RH de renom. Le programme AON en fait partie. Ces enquêtes ont été conduites pour Sodexo Tunisie en 2014 et 2016. Pour ce faire, une plateforme d’accès en ligne a été développée pour tout le personnel des filiales du Groupe Sodexo. La démarche consiste à répondre en toute confidentialité à un questionnaire en ligne qui permet de retracer le taux d’engagement du personnel. A partir de 65% de taux d’engagement, l’entreprise est considérée comme « Best employer ». Cette démarche s’appuie sur des études scientifiques et des benchmarks des secteurs et des régions. Sodexo Tunisie a conduit cette enquête confidentielle, comportant 45 questions, pour mesurer son taux d’engagement général et par département permettant ainsi une comparaison en interne et en externe. En 2014, l’entreprise comptait 50 personnes. Cet effectif est passé à 70 en 2016 lorsque nous avons mené la dernière enquête. Le taux d’engagement, lui, est passé de 85% en 2014 à 88% en 2016. Ce qui nous rend très fiers.
Quel en est le secret ?
Cette performance est le résultat d’une alchimie qui se produit grâce aux Hommes et pour les Hommes. Nous mobilisons la masse au profit d’un projet de société. La mobilisation et l’engagement ne sont pas uniquement de la motivation individuelle mais l’engagement de tous au profit d’un projet commun. C’est l’énergie individuelle qui mise au profit du collectif. Nous sommes tous engagés et mobilisés pour un projet.
Que signifie cela concrètement ?
Nous fixons de manière collaborative une vision que nous partageons tous au sein de l’entreprise. Un projet mobilisateur est le fruit d’une vision et d’une réflexion collective et consensuelle. Ensuite, il est crucial d’avoir une ossature construite autour de la culture de l’entreprise et de ses valeurs. Cela donne de la cohérence. S’y ajoutent l’adoption de valeurs universelles « du vivre ensemble » tels le soutien, la reconnaissance, la capacité d’agir, la justice, la confiance… La confiance est pour moi une méta-valeur, résultante de toutes les autres. Et comme le dit Jean-Paul Sartre : « La confiance se gagne en gouttes, et se perd en litres». C’est un processus à nourrir sans cesse et sans relâche. C’est une proposition de valeur au quotidien pour nos salariés. Et ce, à différents stades de vie de l’entreprise. L’entreprise donne des promesses sur l’intégration, le développement et la promotion du personnel… Lorsque nous respectons nos promesses et assurons une communication transparente et fluide, les salariés sont engagés et l’entreprise est performante. Cette satisfaction interne retentit en externe à travers un client satisfait. Et l’entreprise intègre sereinement un cercle vertueux en adoptant le triptyque : salarié engagé, client comblé et actionnaire satisfait.
La force de l’entreprise notamment dans le secteur des services vient de la performance individuelle et collective de ses salariés, lesquels incarnent à titre personnel le service auprès du client.
Ce cadre requiert des collaborateurs responsables. Est-ce qu’il y a eu des cas d’employés qui ne se sont pas adaptés ?
Travailler sur des valeurs est un processus qui consiste à communiquer sans relâche sur nos valeurs d’esprit de service, d’esprit de progrès et d’esprit d’équipe et surtout à les vivre au quotidien. Ces valeurs constituent in fine un référentiel commun quant aux aptitudes comportementales attendues. Et de là, elles confèrent une capacité à émettre des jugements de valeur permettant justement de mesurer objectivement la performance comportementale du collaborateur. D’ailleurs dès la phase de recrutement on veille à éviter au mieux les mauvais castings en adoptant des processus de recrutement élaborés. La compétence technique du salarié est importante certes, mais l’aptitude comportementale l’est encore plus. C’est en épousant la culture de l’organisation à travers une vision et des valeurs partagées que le collaborateur maximise ses chances d’évoluer et de se développer au sein de l’entreprise.
Vous avez également été certifiés…?
Le Best Employer Award a été décerné en 2014 et renouvelé en 2016. Aussi, l’entreprise a été certifiée ISO 9001 et 14001 en 2013 et renouvelée en 2016. La démarche qualité-environnement revêt pour nous une importance de taille. L’entreprise adopte une démarche responsable au niveau de la qualité de ses processus et la protection de l’environnement à travers notamment le recyclage des déchets, la maîtrise de l’énergie. D’ailleurs, la volonté de dématérialisation des titres fait également partie de cette démarche.
Avez-vous entrepris des actions sociétales ?
Le groupe Sodexo intervient de manière indirecte à travers une fondation internationale dénommée « Stop Hunger » qui collabore avec le PAM, le Programme mondial d’Alimentation. Elle intervient en Tunisie par son expertise avec le concours de Sodexo pour contribuer à la réforme potentielle des cantines scolaires d’écoles primaires. Ce sont 300.000 élèves de toutes les régions qui sont concernées. Pour l’heure, cette initiative est en cours d’étude. Il faut des moyens, de l’expertise et de l’innovation.
Nous avons également mis en place un programme de formation en faveur des restaurateurs. Nous avons ainsi développé le programme « Restaurant Responsable » qui consiste à former les restaurateurs et leurs équipes gratuitement aux bonnes pratiques d’hygiène alimentaire et sanitaire au sein de leur établissement. Ils font par la suite l’objet d’audit et de contrôle afin de les placer dans une démarche d’amélioration continue. Une centaine de restaurateurs ont déjà été formés.
En Tunisie, nous avons une problématique de malnutrition et d’obésité. Dans ce sens, nous avons également développé le programme « Vivre Bien », qui est à un stade pilote avec le concours d’une nutritionniste et qui a donné d’excellents résultats en interne.
Globalement nous sommes animés par une démarche responsable et citoyenne, qui, au bout du chemin, se conjugue harmonieusement à la performance économique et financière de l’entreprise.
Comment ces engagements se traduisent-ils au niveau des résultats financiers ?
La satisfaction de la clientèle est un souci permanent. Elle est mesurée à travers des enquêtes de satisfaction conduites régulièrement. Le taux de rétention ou de préservation de la clientèle s’élève à 98%. Ceci a un impact direct sur nos résultats. Notre chiffre d’affaires croît également d’une manière soutenue grâce au développement de nouvelles niches et grâce à l’innovation des équipes pour générer des relais de croissance.
Quels sont vos projets futurs ?
L’entreprise continuera à créer un projet de société mobilisant pour nos collaborateurs et attractif pour nos clients. La prochaine étape sera la dématérialisation de nos services. Sodexo poursuivra sa mission d’améliorer la qualité de vie en contribuant au développement économique, social et environnemental de son écosystème.
Pensez-vous à une introduction en Bourse ?
Le groupe est coté au CAC 40 et pendant longtemps aux USA. Très souvent, la Bourse est une belle opportunité de développement via les marchés. Mais, si l’on perd le contrôle ceci devient hasardeux. Pourquoi pas ? L’action doit être étudiée.
Que vous inspire la concurrence ?
En Tunisie, il y a eu pendant longtemps cette logique erronée de ne pas ouvrir les services d’une manière franche. L’ouverture à la concurrence internationale dotée d’un savoir-faire apporte une valeur ajoutée et devient une source d’inspiration pour tous. Cette ouverture dynamise le marché du travail et crée de la prospérité et du progrès. Sodexo avait au début 3 concurrents. Aujourd’hui, ils sont 7. L’environnement concurrentiel grandit et ceci signifie qu’il y a un marché qui se développe. Sodexo Tunisie détient environ 50% de parts de marché. Elle est la première à avoir développé un certain nombre de services tels les chèques cadeaux les chèques habillement, la carte repas,… Nous avons été pionniers et innovants sur plusieurs niches, ce qui nous a permis de nous distinguer et d’assurer des résultats satisfaisants. Nos confrères réalisent également de bons résultats. Nous opérons globalement dans le cadre d’une concurrence loyale, en dépit de l’absence d’un cadre règlementaire régissant l’activité.
Quel est votre parcours personnel ?
Je suis à la tête de Sodexo Tunisie depuis 19 ans. J’ai été nommé en 1998. Auparavant, j’ai eu plusieurs expériences professionnelles. Après avoir décroché un diplôme de l’IHEC, j’ai eu une brève expérience dans une banque locale. J’ai très vite eu envie de tenter une expérience au sein d’une entreprise avec une vision de devenir entrepreneur et dirigeant d’entreprise. J’ai choisi une petite structure avec un petit parcours à la direction financière dans un bureau d’études avant de rejoindre le monde de la production audiovisuelle dans une boîte tuniso-française. Et c’est là où je me suis senti suffisamment mature pour solliciter le poste de directeur général d’une multinationale qui s’installait en Tunisie, à savoir Sodexo. Le groupe a cru en moi et a beaucoup investi en formation et en accompagnement et en patience. Une filiale prend du temps à grandir.
Vous avez été président du CJD et du CJD international, quels enseignements avez-vous tiré de cette expérience ?
Sur le plan associatif, j’étais à la tête du CJD de 2009 à 2011. Et J’ai assuré un mandat au sein du CJD international pour la période 2014–2016. Le CJD a beaucoup influencé ma vision managériale. C’est une association très apprenante avec des idées fortes et une vision de l’entreprise solide. La philosophie du CJD n’a pas pris de rides au fil des années. Le CJD place le capital humain au cœur de sa préoccupation pour que l’économie soit au service de l’Homme. Une vision qui allie l’économique, le social et le sociétal. C’est une vision que je partage, que je vis et que je fais vivre au quotidien. Pour moi, chaque prise de décision doit être tributaire d’un arbitrage optimal qui tienne compte des intérêts de toutes les parties prenantes. C’est ainsi que l’on peut envisager une logique gagnant-gagnant.
Quel conseil adressez-vous aux jeunes dirigeants ?
Il est très important de bâtir une vision et de la rendre réelle en la mettant en œuvre par des actions cohérentes. Un manager est en quelque sorte le metteur en scène d’un scénario qu’il a imaginé. Ce qui fait le succès final c’est l’alignement et la cohérence entre ce qui est dit et ce qui fait la performance entrepreneuriale. C’est à la fois cette capacité de se fixer une vision et de la traduire en actions.
Le mot de la fin…
L’ambition de grandir et de s’internationaliser n’est pas naturelle dans notre culture. L’on a peur de perdre le contrôle par le développement et la croissance. Or ce n’est qu’à travers l’ambition, l’esprit de progrès et de conquête, que la pérennité peut être assurée. Il faut voir grand en acceptant de se mettre en déséquilibre pour grandir.
Je souhaite une excellente année à tous pleine de qualité de vie !