Par Ahmed Saoudi
Le marché d’achats publics est le plus grand marché en Tunisie en termes de volume de transactions. En effet, il représente 40% du budget de l’État ou 20% du PIB. Paradox ! Les petites et moyennes entreprises — qui représentent plus de 97% du tissu entrepreneurial tunisien — ne sont pas en train de tirer pleinement profit de cette opportunité.
Les raisons de ce décalage entre le potentiel et la réalité étaient, jusqu’à un passé récent, méconnues … jusqu’à ce que le Centre d’Information, de Formation, de Documentation et d’Etudes en Technologies des communications (Cifode’com) a réalisé, en partenariat avec l’Observatoire national des marchés publics, une étude sur l’expérience des PME vis-à-vis de la commande publique.
95% des entreprises qui ont répondu à l’enquête pensent que l’accès à la commande publique est nécessaire pour leur développement, toutefois 73% ont réellement participé à un appel d’offres public durant les 12 derniers mois.
Perception négative des marchés acheteurs publics
Comment peut-on expliquer le décalage entre les 95% et les 73% ? En un mot : les procédures.
De fait, 47% estiment que les procédures d’accès aux marchés publics sont complexes. 40% qu’elles sont “accessibles” alors que seuls 11% les trouvent simples et faciles.
Mais il n’y a pas que la “difficulté” d’accéder aux marchés. La confiance est également un élément très important. Or, seuls 54% des entreprises interrogées ont confiance dans les procédures en usage.
Pis encore, le taux des entreprises qui ont un avis favorable à l’action de l’État pour faciliter l’accès des PME aux marchés publics n’est que de 13%, alors que 22% pensent que l’action de l’État est plutôt mauvaise, 14% la jugent très mauvaise. Pour 13% des entreprises interrogées, cette action est simplement … inexistante !
Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de procédures : 62% des entreprises ont une perception négative des acheteurs publics. D’après l’étude, ces entreprises ont principalement évoqué des points tels que la bureaucratie et l’absence de partenariat effectif.
Les PME ne sont pas prêtes
Alors que les PME ne sont pas satisfaites des prestations des acheteurs publics et des procédures, elles n’ont pas fait non plus le nécessaire pour garantir leur succès. De fait, 73% des entreprises consacrent, tout au plus, deux collaborateurs pour préparer les dossiers de soumission.
Non seulement il existe un manque en quantité, la qualité n’est pas non plus au rendez-vous: seuls 18% des entreprises déclarent avoir des collaborateurs qui ont suivi une formation sur les marchés publics durant les 12 derniers mois !
La veille réglementaire n’est pratiquée régulièrement que par 29% des répondants. Les autres le font parfois (33%), peu (25%) voire jamais (13%).
Cependant, 67% des entreprises estiment que leur capacité technique est suffisamment bonne pour accéder aux marchés publics, contre 56% pour la capacité organisationnelle et seulement 35% pour la capacité financière.
Les difficultés
Plusieurs éléments peuvent présenter un obstacle aux entreprises qui souhaitent accéder aux marchés publics. 54% des entreprises trouvent que la lourdeur des procédures est un obstacles très important. Les cahiers des charges exigeants représentent un obstacle très important pour 48% des entreprises.
Pour la moitié des entreprises interrogées, les procédures de recours contre les injustices constatées représentent un obstacle très important pour l’accès aux marchés publics. Alors que 46% trouvent que l’accès à l’information, pas toujours facile, est un obstacle très important.
Des solutions ?
Il en existe forcément. La solution la plus demandée par les entreprises interrogées est davantage de transparence avec un taux de 88.81%. Alors que 86.76% exigent de simplifier les procédures, 78.43% souhaiteraient améliorer la communication autour des appels offres. Toujours d’après la même étude, 72.55% des entreprises jugent que la dématérialisation des procédures pourrait faciliter l’accès des PME aux marchés publics.
Certes, ces éléments sont très importants pour permettre aux PME de mieux participer aux marchés publics, mais ce qui peut contribuer encore davantage à cette pénétration c’est de former les collaborateurs sur les spécificités des marchés publics.