Tirad Labbane, DG d’IBR Groupe
Propos recueillis par Ahmed Saoudi
Tirad Labbane est directeur général d’IBR Groupe et président du Groupement Professionnel BTP à la Conect. Le Manager l’a rencontré pour nous dévoiler les difficultés rencontrées par les entreprises de son secteur pour accéder aux marchés publics.
Pourquoi un Groupement Professionnel pour le BTP ?
A cause des problèmes d’impayés, de main-d’oeuvre, de prix, entre autres. Le secteur du bâtiment et des travaux publics passe par une période très difficile. Nous avons donc eu l’idée de créer ce groupement professionnel et de nous joindre à la Conect. Chose qui a eu lieu en janvier dernier.
Malgré son jeune âge, le GP BTP de Conect prendra part en tant qu’invité d’honneur, au nom de la Tunisie, au Salon international de l’immobilier qui se tiendra en mai prochain à Istanbul. Il a été également convié pour prendre part au plan d’aménagement d’Abuja, la capitale fédérale du Nigeria, afin d’en faire un hub régional.
Parmi les axes sur lesquels nous travaillons est la réintégration du BTP dans la formation professionnelle. Nous rencontrons énormément de problèmes pour trouver la main-d’oeuvre nécessaire bien que le prix de l’heure que nous offrons à l’ouvrier soit très élevé. Les gens ne veulent plus travailler dans ce secteur.
Marchés publics : un mal nécessaire ?
L’entreprise qui souhaite développer ses activités ne peut se permettre de négliger les marchés publics. Mais nous sommes arrivés aujourd’hui à un stade où de nombreuses entreprises refusent de travailler avec l’Etat. Bien qu’elle ne soit pas parfaite, la loi tunisienne qui régit le secteur est, à mon avis, correcte. Le vrai problème est au niveau de son application.
Quel genre de difficultés rencontrez-vous ?
A cause de cette notion du moins-disant, nous n’arrivons plus à faire face à des prix, parfois, anormalement bas, plus bas que le coût de la matière première elle-même ! Nous souhaiterions que le donneur d’ordre public adopte la notion du mieux-disant afin d’assurer la qualité requise.
La loi en vigueur interdit l’application du moins-disant …
Théoriquement. Mais en réalité, nous avons constaté que ce genre de pratiques est toujours d’actualité.
Nous aimerions, également, améliorer la transparence. Nous disposons déjà d’une excellente plateforme numérique, Tuneps. Sauf qu’on n’y trouve pas tous les appels d’offres. L’administration nous demande de dénoncer les acheteurs publics qui ne publient pas sur le site, mais nous n’avons ni le temps ni les moyens pour le faire. C’est à l’administration elle-même de faire appliquer la loi.
Nous exigeons aussi la transparence des délais. Sachez qu’entre le lancement d’un appel d’offres et la sélection finale, une entreprise peut attendre jusqu’à une année, voire une année et demie, … sans qu’il y ait des délais annoncés à l’avance ! Les entreprises sont donc obligées de prendre part à un maximum d’appels d’offres afin de garantir leur participation dans des marchés. Une annonce des délais aurait permis aux entreprises de mieux planifier les marchés auxquels elles souhaitent participer.
Effet secondaire de ce flou : le cumul des cautionnements provisoires et l’extension régulière des délais de leur restitution. Les banques ne peuvent certainement pas nous accorder à l’infini les sommes nécessaires pour tous ces cautionnements ! Pire encore, leur valeur cumulée dégrade nos fonds de roulement et la capacité des entreprises à mener à bien les autres marchés.
Il est vrai que pour le fonctionnaire de l’administration, un cautionnement n’est qu’un simple document à fournir. Pour l’entrepreneur, par contre, c’est une tout autre histoire.
Et c’est loin d’être fini : entre l’achèvement d’un projet et le paiement, nous sommes obligés d’attendre pendant de longues périodes. C’est le cas pour ce qui concerne le Grand Tunis, mais c’est encore pire dans les régions. Une entreprise peut attendre jusqu’à 6 ou 7 mois pour faire approuver ses décomptes. Il arrive parfois qu’une entreprise cumule plusieurs décomptes impayés à la fois et, comme vous le savez, le domaine du bâtiment est friand en fonds. Une telle situation peut nuire à la survie même de la société surtout si elle est d’une certaine taille.