Wafa Laamiri, DG de Crit Tunisie
Diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce, Wafa Laamiri a directement intégré Manpower dont elle a gravi au pas de course les échelons. C’est là qu’elle découvre les arcanes du marché de l’emploi et du recrutement pour s’y investir pleinement. Dès que la société française CRIT a eu l’idée de s’implanter en Tunisie, les regards se sont vite tournés vers elle ; elle s’est vu confier la direction. Wafa n’a eu de cesse de développer son business, allant de l’intérim, à la formation et conseil, au recrutement et à la chasse aux têtes. Signe distinctif qui donne tout son sens à ces deux dernières activités, un nouveau local leur a été dédié à cet effet. Interview
Parlez-nous des métiers de votre cabinet CRIT Tunisie?
Nous sommes une agence de recrutement qui œuvre dans le secteur du travail temporaire et du placement. Nous avons une agence d’intérim pour cadres moyens et jeunes diplômés. Depuis mars 2016, nous avons ouvert une nouvelle agence spécialisée pour les executive managers. Nous sommes également présents à Sfax.
En faisant appel à un cabinet, tel que le nôtre, l’entreprise peut augmenter ses chances de sourcing. En plus de la publication de l’annonce sur son propre site web ou dans la presse, faire appel à un cabinet de recrutement lui permet d’affiner le choix, de gagner du temps.
Le cabinet lui fait une présélection de 3 ou 4 candidats qui correspondent le plus à ses attentes. C’est avoir plus de confort pour filtrer au préalable grâce à des tests d’évaluation et un bilan psychotechnique. C’est un outil pour objectiver la décision.
Au cas où il y aurait un problème d’intégration du candidat ou qu’il ne donnerait pas satisfaction durant la période d’essai, nous engageons un nouveau processus gracieusement, sans frais supplémentaires.
Comment évaluez-vous le marché de l’emploi ?
Le marché de l’emploi en Tunisie reste très peu organisé relativement à celui du Maroc ou encore à celui de l’Europe. Les acteurs ne sont pas bien identifiés à travers un cadre légal et un cahier des charges, ce qui peut laisser place aux abus.
Légalement, le recrutement reste donc la vocation des bureaux de l’emploi étatiques, malgré l’effervescence des cabinets de recrutement et de placement de cadres. Aujourd’hui, quand bien même nous sommes 35 intervenants sur le marché, ce n’est pas un métier qui est organisé avec une corporation. D’ailleurs, il n’y a ni culture de l’emploi, ni de statistiques sur le marché de l’emploi impliquant la contribution du privé.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que recruteur ?
Il y a un problème qualitatif au niveau du sourcing. Du côté du candidat, comme je vous ai dit, qu’il soit de la formation professionnelle, ou de l’enseignement supérieur, il y a une absence de culture de l’emploi. Nous nous retrouvons en face de gens qui postulent pour n’importe quel poste sans savoir ce qu’ils veulent, sans se préparer. Pour ce qui est des entreprises, il y a une véritable conscience de tout le travail qui doit être fait en amont du recrutement.
Néanmoins, dans la pratique, dans la majorité des cas, elles agissent dans l’urgence. La conscience est certes présente mais vu que nous travaillons dans l’urgence à cause d’un départ ou d’un nouveau besoin. Cette pression peut se répercuter sur notre travail.
On se retrouve à filtrer 400 CVs en un laps de temps très réduit. Ceci peut être au détriment de la qualité. Nous nous positionnons comme partenaires de nos clients. Nous aidons les PME ou les TPE qui n’ont pas de services RH pour déterminer leurs besoins.
Généralement, elles n’ont pas de fiches de postes, de fonction, un référentiel de métier et de compétences. En tant qu’acteur sur le marché, notre responsabilité est double. C’est à nous de créer cette culture de l’emploi et d’éduquer le marché.
Quelles propositions faites-vous ?
Dans un premier niveau il faut organiser ce secteur au niveau gouvernemental. Il faut légiférer le métier de l’emploi privé en Tunisie afin de pouvoir entreprendre un partenariat public privé, associant les cabinets aux bureaux de l’emploi. Il y a lieu de constater par exemple que le pôle-emploi travaille avec les agences d’intérim.
Ce partenariat permet de dynamiser le marché du travail et de réduire les charges de l’Etat. A ce titre, il faut revoir les lois et les textes de loi qui légifèrent l’existence des cabinets de recrutement et de l’emploi privé, sachant fort bien qu’en Tunisie, nous n’avons pas ratifié cette convention 181 de l’Organisation Internationale du Travail.
Faire des partenariats public-privé permet de créer une culture de l’emploi et de baisser le chômage. Il y a lieu de préciser qu’en Tunisie, il y a plusieurs programmes de promotion de l’emploi qui sont méconnus du grand public, mis à part le SIVP. Un partenariat avec le secteur privé permettrait de dynamiser des programmes et d’en faire bénéficier nos candidats.
À mon sens, il faudrait également démocratiser les outils et les processus de RH. En Tunisie nous n’avons pas beaucoup d’outils locaux, nous achetons nos tests de l’étranger. Les outils RH restent inaccessibles. Il n’y a que les grandes entreprises qui peuvent se le permettre, sinon les autres se contentent de ce qui se trouve sur Google. Très peu d’entreprises travaillent réellement avec les outils d’évaluation, les fiches de postes, c’est très important. Il faut un réel accompagnement dans le processus RH et dans la démarche de recrutement.