Institut tunisien des études stratégiques
Par Sahar Mechri Kharrat
L’institut tunisien des études stratégiques (ITES) et l’Institut Africain de Développement Économique et de Planification des Nations unies (IDEP), basé à Dakar, ont organisé une semaine de formation à l’adresse d’un parterre de cadres africains sur « la prospective face à la rupture stratégique en Afrique ». La séance d’ouverture, animée par Karima Bounemra Ben Soltane, directrice de l’IDEP, Hatem Ben Salem, Directeur Général de l’ITES et Kais Hammami docteur en perspective stratégique et conseiller auprès de l’ITES, a été l’occasion de relever l’urgence d’une démarche prospective africaine.
“Les études stratégiques sont le parent pauvre des politiques en Afrique. Il n’y a pas un seul pays africain qui ait une visibilité sur son avenir à 20 ou 30 ans”. C’est ainsi que Hatem Ben Salem a marqué l’attention de son auditoire quant à l’importance de la prospective dans la stratégie de positionnement du continent africain. Et pourtant, le besoin est plus que pressant, a renchéri pour sa part Karima Bounemra Ben Soltane.
Elle précise que plusieurs contraintes entravent l’émergence de l’Afrique, notre ultime finalité. D’où la nécessité d’adopter une vision à long terme afin de pouvoir mettre en œuvre un nouveau schéma de développement pour les pays africains en phase avec les objectifs de développement durable et l’agenda 2063. A ce titre, elle a rappelé que la phase préparatoire de l’élaboration du nouveau schéma, qui s’est tenue en partie en Tunisie, a été intensive.
Plus concrètement, Karima Bounemra Ben Soltane propose de trouver des réponses à des questions du type comment réussir sa transformation structurelle ? A quelle émergence aspire-t-on ? Quelles leçons tirer de l’expérience des autres pays, en l’occurrence les BRICS ? Autant de questions pour lesquelles Gaston Berger, le père prospectiviste, a signalé la démarche « Demain est moins à découvrir qu’à inventer».
Mais ce n’est pas tout ! Déterminer une vision à long terme ne peut être dissocié des ruptures économiques et sociales, générées par les dispersions au niveau du développement régional et de l’inclusion économique et financière. Autant dire également que le continent fait face à une rupture politique qui met en cause la relation entre les gouvernants et les gouvernés. « Il faut absolument adapter les régimes politiques aux réalités que nous vivons en dépersonnalisant le pouvoir et en renforçant les institutions ».
Hatem Ben Salem a également mis en avant l’idée d’une rupture stratégique en Afrique dans la mesure où des pays comme la Chine s’y investit pleinement, notamment à travers des investissements motivés plus par une amélioration de l’image et la construction d’un branding que par la rentabilité court-termiste. Un comportement qui ne laisse pas indifférent son rival de l’Inde qui s’ingénue à installer des ambassades dans la majorité des capitales africaines. Dans la même lignée, les produits turcs envahissent l’Afrique.
Hatem Ben Salem pousse encore plus le bouchon en dressant le constat qu’un pays comme la France se désengage relativement. Il affirme avec force conviction que le salut pour préparer l’avenir du continent africain passerait par une nouvelle réflexion prospective. Elle doit s’articuler entre le passé, le présent et le futur, l’expression d’un mix entre une démarche pré active et proactive, selon Kais Hammami. L’expert explique que dans cette approche philosophique, le futur n’est pas unique mais qu’il faut identifier plusieurs scénarii, … permettant de voir loin, large et en profondeur.
L’Afrique en a besoin. Hatem Ben Salem n’en fait pas mystère. Il persiste et signe: la responsabilité est entre les mains des politiques car il y a un grand potentiel d’union. La prospérité ne sera possible que si le développement touche différentes régions et divers Etats africains. Il n’aura pas trouvé meilleure conclusion : “C’est grâce à notre mode de gouvernance qui s’appuiera sur la culture prospective que nous ferons en sorte que la démonstration qui se prépare aujourd’hui pour notre continent ne se mette pas en place sans notre volonté, sans notre engagement et sans notre poids économique et politique”.
Le message vaut aussi avertissement. Avis aux gouvernants !