La parité euro-dollar ne va pas passer sans conséquence sur l’économie tunisienne. Les principaux effets peuvent être résumés en quatre points.
Le premier est un déficit plus important de la balance commerciale. Nos importations sont essentiellement libellées en dollars, notamment les matières premières. Cependant, nos exportations sont orientées vers l’Union européenne, et donc facturées en euro. Même si les exportations évoluent en volume, cela ne compenserait pas l’effet prix.
Le deuxième est l’aggravation de la facture alimentaire, surtout que nous sommes des importateurs de premier plan de blé et d’huiles végétales. Le coût des subventions dépassera toutes les prévisions budgétaires même avec les hausses des prix du carburant.
Le troisième est la hausse du service de la dette extérieure. Selon les informations disponibles, les remboursements les plus importants sont libellés en billet vert. Les calculs faits dans le budget sont basés sur un dollar à 2,920 TND. Aujourd’hui, il est déjà à 3,060 TND. Ensemble, ces facteurs vont réduire significativement la marge de manœuvre budgétaire du gouvernement qui a d’autres engagements à respecter.
Pour sa part, la Banque centrale doit veiller au quatrième effet qui est l’inflation. Même la politique de hausse des taux ne peut pas être suffisante, puisque la composante importée est incontrôlable partout dans le monde. Cela risque d’empoisonner un climat social déjà tendu.
Mais il y a quelques effets positifs à prendre en considération. Le premier est que le contexte est favorable à l’industrie extractive, essentiellement les phosphates. Si la production tient bon, l’absence des Russes pourrait être utile, surtout que la demande est toujours là et les prix sont élevés. Cela pourrait compenser une partie de la hausse de la facture énergétique.
Le second est sur l’encours de la dette extérieure. Fin avril 2022, 59% du stock de la dette est libellé en euro et 9% en yen, deux monnaies en chute libre face au dollar. Nos engagements en billet vert ne dépassent pas 25%. La dépréciation du dinar de 10 millimes par rapport au dollar aura un impact négatif de 29,2 MTND. En revanche, une appréciation de la même ampleur face à l’euro nous fera gagner 138,2 MTND. Nous allons donc bénéficier d’un ratio dette/PIB meilleur que prévu.
Reste à préciser que cette situation n’est pas censée durer longtemps. L’ensemble des économistes convergent sur un retour aux parités historiques au deuxième trimestre 2023, lorsque les banques centrales arrêtent la politique de resserrement monétaire. D’ici là, nous devons gérer des mois difficiles.