Mobiliser pour la lutte contre le changement climatique, encourager l’adhésion aux initiatives, partager les bonnes pratiques, proposer des ressources et des partenariats. Quatre objectifs que s’est fixés le 1er forum du réseau Pacte Mondial des Nations unies en Tunisie qui s’est tenu le 9 juin à Tunis. Les faits présentés lors du forum montrent que nous ne sommes pas loin du point de non-retour, comme le souligne une participante: «Nous sommes la dernière génération sur la Terre à avoir l’opportunité de renverser les tendances en cours et sauver la planète!».
Les organisateurs s’attendaient à accueillir 150 personnes représentant des organismes membres du réseau, des partenaires stratégiques (représentants du gouvernement tunisien et d’organismes publics, d’organismes des Nations unies…) et d’autres invités. C’est seulement un peu plus de la moitié qui était là!
Ce n’est pas une surprise. Dans le monde entier, c’est la quasi-apathie. Si peu de choses réalisées, si peu d’intérêt. Et c’est la même chose pour ce forum axé sur la thématique de la lutte contre le changement climatique dans le contexte actuel en Tunisie et dans le monde, avec des sujets de discussion sur la Stratégie nationale bas carbone, la Contribution déterminée au niveau national (CDN) et la participation à l’atteinte des Objectifs de développement durable.
Le secteur privé, partenaire capital
Pourtant, ce n’est sûrement pas par manque de passion et de conscience de la part des intervenants qui ont brossé les contours de la réalité. Eugena Song, Représentante résidente adjointe du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en Tunisie, attire l’attention sur le lien entre l’urgence de la situation et la participation du secteur privé: «Nous sommes la dernière génération sur la Terre à avoir l’opportunité de renverser les tendances en cours et sauver la planète. Mais cela ne peut se réaliser sans le secteur privé. Le partenariat entre agendas public et privé est indispensable. Des actions concertées sont indispensables, nous devons faire face à des choix difficiles sur la façon de produire et de se comporter. Les technologies et le savoir-faire du secteur privé sont nécessaires en cela». Song soutient qu’en concertation avec les entreprises privées, le PNUD est bien placé pour développer les solutions qui répondent aux défis mondiaux. Elle reconnaît au réseau Pacte Mondial ses actions qui ont permis l’échange des meilleures pratiques sociales et environnementales et se félicite de l’accompagnement de la Tunisie en matière d’environnement, de mix énergétique et d’énergies
Sami Marrouki, président du réseau Pacte Mondial Tunisie, pose la question de la participation des privés d’une autre manière: «Quelle responsabilité des entreprises pour contribuer à la lutte pour le climat? La question a son importance depuis quelques années, et surtout l’année prochaine où des ajustements vont avoir lieu alors que les entreprises vont devoir être au diapason de la dimension espace européen. De fait, nous passons d’une volonté à une nécessité, avec une connotation économique manifeste».
Hichem Elloumi, vice-président de l’Utica, CEO du Groupe Elloumi, et membre du comité de pilotage de l’African Business Leaders Coalition (ABLC), souligne l’engagement patronal: «L’Utica est parmi les premières organisations à avoir réagi en 1999 au pacte; c’est une opportunité pour les entreprises privées et nous surmonterons ensemble tous les obstacles. Pour l’intégration de la Tunisie dans l’échelle de valeurs mondiale, les bailleurs exigent l’engagement dans la réduction de l’empreinte carbone et du mix énergétique. Mais, face à des pays concurrents, nous sommes très en retard». Selon lui, l’intention de la Tunisie d’accélérer l’investissement dans le solaire permettra au secteur privé d’y investir, mais il reste beaucoup à faire pour soutenir les entreprises dans ce sens.
La lutte contre le changement climatique commence par la lutte contre l’apathie
Les sous-entendus sont clairs, comme toujours, l’Etat se doit d’agir et de déployer les outils adéquats, à commencer par la révision des textes. Pourtant, il semble que la conscience de ce problème capital soit partagée au sein du gouvernement. Leila Chikhaoui, ministre de l’Environnement (via lecture par Hédi Chébili, DG au ministère), le dit clairement: «Nous devons agir immédiatement avec le précieux appui de nos partenaires financiers sur la base de nos stratégies et études sur l’élaboration de la contribution nationale révisée en 2021. Agir sur ce que l’Homme a fait pour corriger ces erreurs. Sauvegarder notre terre, nous n’héritons pas la terre de nos parents mais nous la transmettons à nos enfants, il faut qu’elle soit en bon état». Elle évoque la responsabilité, l’éthique personnelle et sociétale, alors que la dimension environnementale est prometteuse pour les entreprises et leur environnement. La ministre souligne que tous les acteurs participent à la stratégie bas carbone avec le PNUD pour atteindre, en 2050, la neutralité carbone. «Nous sommes tous responsables. Nous travaillons ensemble à démocratiser le processus, le prendre en charge, assurer la bonne visibilité, mettre à niveau le secteur privé».
Soukeina Bouraoui, DG du Cawtar, rappelle les pertes de temps et le manque d’audace de la Tunisie: «Un pays qui met 15 ans pour mettre sur pied le code de l’environnement puis hésite sur les manières de l’accompagner doit changer en urgence. Pour aider les industriels, il faut réfléchir à créer une ‘Loi-22’ exactement comme nous avons, il y a cinquante ans, créé la ‘Loi-72’. Ensuite, il faut partir des projets pilotes. Montrez-nous que cela fonctionne! Au moment où l’UE et le monde continuent à investir dans l’énergie fossile, quelles recommandations devons-nous faire, les entreprises ont-elles un plan? C’est aussi simple et aussi difficile que cela».
Pour ce 1er forum, le débat est lancé. C’est peut-être sa première ambition quand on en observe les panels. Une session de cadrage en trois exemples: La transition énergétique pour concrétiser la CDN, cas du Plan solaire tunisien par Nafaa Baccari, directeur des Energies renouvelables à l’ANME. Les enjeux du changement climatique pour la Tunisie: la Stratégie nationale bas carbone/Résilience au changement climatique et les attentes de l’État pour le secteur privé en matière de contribution à la stratégie par Samir Amous, directeur général, Apex Conseil Tunisie. Le rôle des secteurs public, privé et financier dans la mise en œuvre de la Contribution déterminée au niveau national (CDN) par Néjib Osman, consultant PNUD.
Suivent une deuxième session sur les nouvelles ressources du Pacte en matière de lutte contre le changement climatique, une troisième sur les initiatives de lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement, une quatrième sur les politiques, pratiques et partenariats pour la lutte contre le changement climatique et une session de clôture avec synthèse, questions/réponses et networking.