Dans une nouvelle note publiée hier soir, Fitch Ratings a donné une nouvelle analyse de la situation tunisienne. Contrairement à ce que pensaient plusieurs analystes, tunisiens entre autres, l’agence de notation américaine estime que le gouvernement tunisien et l’UGTT pourraient forger un consensus sur un ensemble de réformes économiques susceptibles de débloquer le financement du FMI et de soutenir la position de financement extérieur du pays. Toutefois, les tensions politiques concernant le prochain référendum sur une nouvelle Constitution entravent la conclusion d’un accord. Fitch a des doutes quant à la possibilité d’atteindre cet accord à la fin du troisième trimestre de 2022 comme prévu.
L’annonce par l’UGTT qu’elle ne participerait pas au dialogue national proposé par Kaïs Saïed et son intention d’organiser une grève nationale du secteur public ont mis en évidence les profondes divergences sur le processus de réforme.
Le FMI avait déclaré que la dette de la Tunisie deviendrait insoutenable à moins qu’un programme de réforme solide ne soit adopté avec un large soutien. Malgré la hausse des risques financiers et politiques, Fitch ne s’attend toujours pas à ce que le pays présente un plan de réforme crédible et que d’importants financements officiels des créanciers soient versés d’ici la fin de l’année. Dans un tel scénario, la Tunisie pourrait finalement être considérée comme nécessitant un traitement de la dette par le Club de Paris avant de devenir éligible à un financement supplémentaire du FMI, avec des implications pour les créanciers privés.
L’adhésion des syndicats renforcerait la crédibilité d’un programme de réforme économique. L’agence de notation a reconnu que Kaïs Saïed reste populaire, mais il serait difficile de faire passer des réformes politiques et économiques sans le soutien de l’UGTT. Cette dernière conditionnerait son soutien aux réformes économiques par la préservation de son rôle politique influent dans le nouvel ordre institutionnel. D’où le risque que les réformes ne soient pas adoptées à temps pour garantir un programme du FMI avant que les tensions sur les liquidités extérieures ne deviennent graves.
Le pays a résisté grâce aux décaissements récents de la Banque mondiale, de l’UE et de l’Afreximbank. Les sorties de devises se sont accentuées à la suite de la hausse des prix mondiaux des produits de base. Fitch table sur un déficit courant de l’ordre de 8,4% du PIB en 2022. Cette tendance des prix à l’importation a également accentué les pressions inflationnistes et augmenté la facture des subventions du gouvernement. Le déficit budgétaire serait de 8,5% du PIB en 2022. La révision du Taux directeur pourrait contribuer à refroidir la demande, mais il est peu probable que la Tunisie attire beaucoup de flux d’investissements privés internationaux, compte tenu des défis économiques auxquels le pays est confronté. En l’absence d’accord avec le FMI, les réserves de change vont s’éroder progressivement et le dinar va se déprécier.
Entre les lignes, cela signifie une révision à la baisse de la notation souveraine (CCC) dans les mois à venir si nous gardons le statu quo. Une fin d’année plus qu’agitée nous attend.