Il avance au pas de charge tout en donnant l’impression de se hâter lentement. Il passe maître dans l’art de conjuguer impératif de croissance, notamment à l’international, et principe de précaution limité à sa plus simple expression pour ne pas obérer son instinct d’entrepreneur et sa capacité de prise de risque. Faouzi Louati, car c’est de lui qu’il s’agit, est en passe de révolutionner les relations assureur-assuré de concert avec les assureurs de la place, ici et en Afrique dont il fait sa nouvelle frontière.
A la tête de Générale Assistance qu’il a créée il y a dix ans, il fait des prodiges et sans doute aussi des émules. Le regard vif, des airs de conquérant et un mélange de détachement et de passion qui en dit long sur l’étendue de l’ambition qu’il porte. On le sent résolu, déterminé à aller jusqu’au bout de l’effort et du projet qu’il porte au plus profond de lui-même. Et qu’il sut faire partager avec ses collaborateurs et associés que sont les compagnies d’assurance, peu suspectes de complaisance ou de manque de discernement.
Dix ans, et déjà la démonstration d’une croissance rapide, maîtrisée, aboutie. Et une nouvelle feuille de route, conçue avec les assureurs de la place, à faire pâlir d’envie. Sénèque disait qu’il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va. Autant dire que GA, sous la houlette de Faouzi Louati, c’est plus que l’affirmation d’un leadership assumé et d’un management participatif et audacieux, son parcours victorieux relève d’une vision clairvoyante d’un monde qui change. Et dont il faut réinventer les chaînes de production, de valeur et de relation entreprise-client. Un monde devenu à l’égal d’un village planétaire qui vit tomber toutes les frontières.
Dans ce monde et plus encore dans celui qui arrive, Faouzi Louati y met toute son intelligence et son énergie, son savoir-faire pour opérer la nécessaire jonction, laissée jusque-là vacante, entre l’assureur et l’assuré. Dans l’intérêt du premier et le bonheur du second. Ici et, depuis peu, dans le cher continent qui est le nôtre. Dans le monde qui s’annonce, Faouzi Louati y va en toute assurance! Pas étrange, lui qui a débuté sa carrière dans plusieurs compagnies d’assurance vie! Il connaît très bien les problèmes des assureurs et les insatisfactions des assurés! Il voyait déjà sa contribution à structurer l’assistance et jouer gagnant-gagnant entre tous les acteurs. Il suffit de l’entendre dire pour s’en convaincre.
Pouvez-vous nous parler des activités de la société Générale Assistance?
Créée en 2010, Générale Assistance est une entreprise spécialisée dans l’assistance automobile. Elle met à la disposition des compagnies d’assurance ainsi que de leurs clients une gamme de services d’assistance en cas d’accident ou de panne subis par leurs voitures. Ces prestations visent à optimiser l’expérience client, améliorer la perception de l’assurance par l’assuré et par conséquent regagner sa confiance. Dans ce cadre, nous intervenons pour assurer la prise en charge des frais de réparation des voitures et nous mettons à la disposition de nos clients des services de remorquage et un réseau de réparateurs qui offrent des prestations de réparation de qualité et en conformité avec nos exigences en termes d’efficacité, de qualité, de coût et de satisfaction client.
Nous nous distinguons sur le marché en offrant à nos clients des packages complets de prestations y compris des véhicules de remplacement pendant toute la période d’immobilisation de leur voiture. Ainsi, nous rehaussons le niveau du service client au-delà de la prise en charge des frais de réparation. Nous lui assurons ses déplacements et sa mobilité pendant la période d’immobilisation de sa voiture pour au moins quinze jours. Ce service est d’une grande utilité pour les clients. Il permet d’assurer un taux de mobilité moyen de 86%. Il a atteint avec certaines compagnies d’assurance 98%, ce qui veut dire que nous couvrons presque la totalité de la période d’immobilisation. Nous accordons une grande importance au confort de nos clients.
Qui est votre client final? Est-ce l’assuré ou la compagnie d’assurance?
Etant donné que notre business modèle est basé sur le B2B2C, nous apportons de la valeur aussi bien aux compagnies d’assurance qu’aux clients. En fait, en commercialisant nos services à travers leurs guichets, nous offrons un service à l’assuré en prenant en charge les frais de réparation de sa voiture et en garantissant sa mobilité, mais également nous améliorons la performance des compagnies d’assurance en les aidant à maîtriser les coûts du sinistre auto et à avoir de la visibilité par rapport aux détails des factures. Et c’est pour cela que nous avons, aujourd’hui, sept assureurs partenaires, dont Ami, Carte, Lloyd, qui sont associés dans notre capital.
Avoir des compagnies d’assurance comme associés ne serait-il pas dissuasif pour les autres compagnies avec lesquelles vous avez à établir des partenariats?
Une telle question est bien attendue. Toutefois, je tiens à préciser que nous étions toujours ouverts à toutes les compagnies d’assurance, même celles qui n’ont pas de participation dans notre société. Notre travail est basé sur une approche participative et une méthodologie collaborative qui rassemble tous les acteurs du secteur autour d’une table pour définir les attentes et les projets à mettre en place afin d’améliorer la qualité du service client. À cet effet, nous tenons des réunions semestrielles dans le cadre des travaux d’une commission stratégique qui réunit les directeurs généraux de toutes les compagnies d’assurance clients de GA. L’objectif de ces réunions est de discuter les orientations de l’activité, les évolutions du taux des sinistres autos, des services de réparation et du coût de la main-d’œuvre. Ces thématiques d’ordre stratégique seront par la suite opérationnalisées au niveau de la commission technique qui réunit les directeurs techniques des compagnies d’assurance partenaires.
Est-ce que cette commission stratégique que vous venez de citer est chargée du suivi des évolutions de votre écosystème?
Par comité stratégique nous n’entendons pas un comité qui est chargé des décisions d’ordre stratégique concernant le positionnement de Générale Assistance ou de sa stratégie de croissance. La commission stratégique a pour vocation d’étudier des questions relatives à la gestion quotidienne des activités de tous les acteurs qui composent notre écosystème. Nous sommes des mandataires des compagnies d’assurances clientes Générale Assistance et un facilitateur pour le client. C’est de leur droit d’avoir leurs mots à dire sur ce que nous faisons pour leurs clients. Dans tous les cas, le principe est le suivant : l’assureur est le payeur du sinistre. C’est lui qui doit mettre en place les règles de jeu pour tous les intervenants. La commission stratégique est le cadre qui normalise tous ces aspects.
Quels sont les challenges auxquels vous faites face lors de l’exercice de votre activité?
Le défi principal auquel nous sommes confrontés est bel et bien la gestion du réseau. Celui-ci est composé d’un grand nombre d’acteurs: des assureurs, des intermédiaires d’assurance, des assurés, des réparateurs, des remorqueurs, des loueurs, des fournisseurs de pièces de rechange…Nous veillons à ce que tous ces acteurs partagent les mêmes objectifs et contribuent à la création de la valeur ajoutée. Ceci pour au final atteindre le niveau de satisfaction client que nous souhaitons. Toutefois, l’asymétrie de l’information et des attentes ainsi que la complexité du mécanisme de fonctionnement entravent parfois la réalisation des objectifs fixés.
Que faites-vous pour motiver tous ces acteurs, aligner leurs intérêts et les pousser à offrir une prestation de bonne qualité?
Nous travaillons sur la normalisation de nos liens commerciaux à travers la mise en place d’un ensemble d’indicateurs de performance KPI qui visent à garantir une bonne qualité de services et à protéger notre image de marque. L’adhésion à notre réseau est tributaire de la conformité à ces critères de performance. Nous intervenons, également, pour assister et appuyer les acteurs à réaliser les objectifs de service client fixés et améliorer la qualité de leurs prestations. A travers nos interventions, nous avons permis à ces acteurs à mieux s’organiser, à faire du chiffre d’affaires et à développer leur business. C’est le plus fort stimulant et à ce titre, nos deux mots d’ordre ne sont autres que qualité et satisfaction client.
Afin de réaliser vos objectifs de satisfaction client, quelle stratégie avez-vous adoptée?
Nous agissons sur deux plans: le premier est l’amélioration continue de la panoplie des services sur laquelle nous travaillons. Dans ce cadre, nous visons à améliorer la qualité de nos services, à l’instar de la période de mobilité pour les véhicules de remplacement qui est passée de cinq jours à un minimum de quinze jours. À travers cette amélioration, nous cherchons à assurer un niveau de confort élevé pour les clients. Le second plan concerne l’innovation de notre offre: il y a toujours de nouveaux besoins qui se créent sur le marché, et c’est pour cela que nous veillons à la recherche et à la compréhension des attentes des clients en perpétuelles mutations à travers les enquêtes et le suivi du taux de réclamation et du niveau de satisfaction de nos clients
Comment percevez-vous votre positionnement et votre valeur ajoutée dans le secteur?
Nous avons des concurrents sur certains services que nous offrons.Toutefois, la particularité de notre offre réside dans sa diversité. Nous offrons une panoplie de services multiples et diversifiés à travers lesquels nous accompagnons le client dans le processus de gestion des sinistres autos de bout en bout. Notre deuxième avantage compétitif est l’animation et le suivi du réseau. Dans ce cadre, nous contribuons à éclairer les acteurs et notamment les compagnies d’assurance dans la prise de décision et le processus de remboursement des clients en mettant à leur disposition toutes les informations nécessaires sur les coûts des pièces et de réparation ainsi que tous les services annexes. Cette visibilité sur les coûts réels et effectifs des sinistres autos leur permet d’optimiser leurs charges et de gérer efficacement leurs relations avec les clients. Certaines compagnies d’assurance ont réussi à minimiser leur coût moyen de sinistre grâce à nos services, et ce, malgré le fait que nous choisissons les meilleurs réparateurs et n’utilisons que des pièces d’origine, donc pas forcément les moins chères.
Est-ce que le pack de Générale Assistance est commercialisable systématiquement avec les produits d’assurance classique ou bien s’agit-il d’une option pour le client?
Dans la plupart des cas et comme nos services sont commercialisés à travers le réseau des compagnies d’assurance, notre pack est intégré dans l’offre d’assurance. Toutefois, en cas de sinistre auto, le client n’est pas obligé de faire appel à notre prise en charge. Il a la possibilité de poursuivre le schéma classique et réparer sa voiture tout seul. A ce titre, nous travaillons en collaboration avec les compagnies d’assurance sur la diffusion de la culture d’assistance et l’augmentation du taux d’orientation à nos services. Cette culture tarde à être implantée en Tunisie, contrairement à l’Europe où 80% des cas de sinistres autos sont traités à travers les services d’assistance et chez les réparateurs conventionnés des compagnies d’assurance.
Qu’en est-il de votre stratégie d’implantation en Afrique?
L’implantation en Afrique est un objectif que nous nous sommes fixé il y a cinq ans et nous sommes heureux d’avoir réussi à l’atteindre. Nous estimons que notre offre pourrait intéresser les compagnies d’assurance en Afrique étant donné ses spécificités particulières qui reposent sur la complétude et la diversification des services offerts et qui comportent les trois volets: gestion sinistre, gestion réparation et services d’assistance. Ce modèle est fortement inspiré de son homologue anglophone. Nous visons à l’installer en Afrique et cela représente une forte valeur ajoutée pour les assureurs qui sollicitent ce genre de services, notamment pour la branche automobile qui est stratégique pour eux. Nous avons commencé par le Sénégal. Générale Assistance s’est associée à deux assureurs sénégalais pour reproduire ce modèle de partenariat gagnant-gagnant. Nous veillons toujours à convaincre les compagnies d’assurance de l’utilité de notre pack en mettant l’accent sur la dualité partenaire-associé tant que les assureurs peuvent prendre des participations dans le capital de GA. Actuellement, nous sommes en négociation avec des compagnies dans deux autres pays.
En s’implantant en Afrique, allez-vous garder les mêmes associés tunisiens dans le capital de Générale Assistance ou bien vous visez les compagnies d’assurance locales?
Nous visons les compagnies d’assurance locales. En Tunisie, 60% du capital de la société Générale Assistance est réservé aux assureurs et nous allons garder la même structure en Afrique. Les 40% restants sont détenus par Générale Assistance Holding. Celle-ci travaille sur les produits d’assistance autres qu’automobile. Avoir des compagnies d’assurance comme membres du conseil d’administration facilite beaucoup le conseil et l’échange d’expertise et permet de collaborer dans une approche participative.
Avec le recul, comment décrivez-vous les phases par lesquelles votre société est passée?
Il est évident que la phase la plus importante est la phase de création de la société qui coïncidait pratiquement avec la révolution. Durant la 2ème phase, de 2014 à 2018, nous avons vécu l’expérience d’avoir un fonds d’investissement dans le tour de table. La contribution de ce fonds ne s’est pas limitée au financement mais s’est étendue également à l’encadrement, à l’organisation et à l’assistance technique. En 2018, ce fonds d’investissement a vendu ses parts aux trois assureurs. Et en 2022, nous avons entamé la croissance sur l’Afrique. Il est important de rappeler que même la prise de participation des assureurs était à des fins stratégiques et d’alignement des intérêts.
Parlez-nous de la croissance de votre activité de ces dernières années.
Notre société a affiché un taux moyen de croissance de 17% ces dernières années avec une réalisation exceptionnelle qui a atteint 29% en 2021. En 2019, nous avons réussi à mettre en place une plateforme digitale de gestion des prestations d’assistance qui coordonne le travail de tous les acteurs qui interviennent dans l’activité d’assurance: les assurés, les assureurs, les compagnies d’assurance, les agents généraux, les remorqueurs… Elle a donné plus de visibilité aux compagnies d’assurance dans la gestion des dossiers. Elle constitue également une précieuse source de data. L’exploitation de celle-ci nous servira pour l’analyse de l’évolution de l’activité et la maîtrise de ses spécificités qui évoluent avec le temps. L’accès à l’information au fil de l’eau pour tous les acteurs facilite leurs échanges.
Comptez-vous étendre votre gamme de services à des branches autres que l’automobile?
Je tiens à préciser qu’en Tunisie, Générale Assistance est seulement spécialisée dans la branche automobile. Générale Assistance Holding travaille sur les autres branches d’assistance. Toutefois, lorsque Générale Assistance Holding se fixe l’objectif d’introduire sur le marché d’autres services d’assistance qui pourraient englober la branche habitation ou santé, la société Générale Assistance a la priorité d’investir. En Afrique, et notamment au Sénégal, nous avons la possibilité d’étendre notre gamme de services à plusieurs autres branches.
Comment évaluez-vous les conditions de travail au Sénégal?
Nous sommes face à des assureurs d’un niveau très intéressant et un top management orienté innovation et changement. Ce sont deux éléments très importants pour pouvoir avancer rapidement et sereinement, ensemble, la main dans la main. Notre expérience sur le marché tunisien, qui a beaucoup de ressemblances avec le marché Sénégalais, nous permettra de rétrécir le temps d’avancement et d’éviter des erreurs déjà vécues. Nous sommes au pays de la Teranga, donc c’est comme chez nous. Et dans tous les cas, en Afrique nous sommes chez nous, que ce soit à Dakar, à Abidjan ou à Ouaga. C’est de notre devoir, nous Africains, de chercher les opportunités pour unir nos compétences et créer des joint-ventures win/win visant à améliorer notre qualité de vie en tant qu’Africains.
Parlons de votre attitude managériale. Comment motivez-vous l’équipe avec laquelle vous travaillez, surtout que votre activité nécessite beaucoup de rigueur et de technicité?
Mon principe général est le partage d’expérience, des avis et des opinions. Je valorise la différence et j’apprécie particulièrement les idées innovantes, celles qui sont out of the box et qui me challengent. Je tiens toujours à partager la prise de décision avec les membres de l’équipe dans une approche participative qui facilite l’échange et valorise la contribution. Je veux toujours m’assurer que chacun des collaborateurs est conscient de la valeur qu’il apporte à l’entreprise.
Le mot de la fin.
Je voudrais dire que nous sommes fiers et émus de nous voir réaliser nos objectifs et entamer notre phase d’internationalisation. Nous avons toujours considéré le continent africain comme notre marché naturel. Il faut oser l’Afrique, il y a d’importants écosystèmes en construction et un grand potentiel pour des synergies afin de contribuer ensemble à notre codéveloppement.