Les modestes performances économiques de la Tunisie ne sont pas une surprise. Elles ne sont autres que le résultat d’un investissement bloqué pour maintes raisons. Parmi lesquelles il y a la problématique du financement, essentiellement bancaire. Il y a un double problème d’accessibilité et d’allocation sectorielle.
Selon les derniers chiffres retraçant l’évolution des crédits bancaires accordés aux entreprises en 2021, l’encours global des crédits a augmenté de 4 350 MTND pour s’établir à 77 499 MTND. C’est une hausse considérable surtout que si nous écoutons uniquement les propos des entrepreneurs, nous aurons l’idée que les banques n’accordent plus rien.
Les crédits à court terme dépassent ceux à moyen et long terme, respectivement de 42 315 et 35 184 MTND. Cela montre déjà que, structurellement, l’entreprise tunisienne a un problème de trésorerie et de fonds de roulement. La succession des rendez-vous fiscaux et sociaux et leur importance pompent toute la liquidité générée par l’exploitation. De plus, si les clients ne paient pas, c’est toute une chaîne de paiement qui est bloquée.
Sur l’année, des secteurs d’activité ont affiché une baisse de leurs encours de crédits. Nous trouvons en premier lieu la production et la distribution de l’électricité, du gaz et de l’eau qui ont vu le volume des crédits reculer de 203 MTND à 318 MTND. Nous trouvons également la construction avec une baisse de 164 MTND à 8 319 MTND et l’information et la communication qui ont enregistré un recul des crédits accordés de 151 MTND à 1 383 MTND.
Ces secteurs sont importants dans la croissance économique et l’emploi, et la baisse de l’encours de crédits signifie des licenciements dans des activités qui emploient plus d’un demi-million de Tunisiens.
Parmi les activités gâtées en termes de crédits, nous trouvons le commerce qui a enregistré une hausse de l’encours de prêts de 1 784 MTND en 2021 à 18 890 MTND. Il devance les industries manufacturières (1 551 MTND supplémentaires). Ces montants ont servi, en partie, à la reconstruction des stocks après un exercice 2020 difficile, et l’amélioration de la demande de certaines industries.
Quant à l’administration publique, elle continue à solliciter les banques avec la détérioration des finances publiques. Elle a accaparé 432 MTND de nouvelles dettes en 2021, soit près de 10% de l’encours supplémentaire durant la période.
Vu la physionomie du PIB tunisien, des secteurs devraient figurer parmi les consommateurs de crédits afin de parler d’une reprise économique.
Il y a d’abord les Industries extractives. Bien qu’une hausse de 210 MTND soit enregistrée, cela reste loin des attentes. Si l’année reste bonne pour les sociétés pétrolières, le pôle phosphatier (CGT et CPG) déçoit et reste en manque de génération de cash pour couvrir son cycle d’exploitation.
Idem pour le tourisme (secteur hébergement et restauration) qui n’a obtenu que 118 MTND de crédits supplémentaires. C’est très peu pour une activité qui pèse lourd dans la génération de devises et d’emplois (128 000 postes d’emploi directs).
Il y a également l’agriculture avec seulement 152 MTND de crédits supplémentaires. En 2020, elle était la seule branche à afficher une croissance. L’encours de crédits accordé à ce secteur ne représente que 4,2% des prêts totalement octroyés. Les professionnels de l’agriculture ont obtenu 3,5% seulement des crédits accordés depuis le début de l’année.
Concrètement, cela signifie que l’économie tunisienne est en train de perdre le potentiel qu’offre cette activité. L’agriculture est une activité à très forte valeur ajoutée et est capable de créer de l’emploi et de jouer un rôle social de premier plan. Malheureusement, elle souffre d’un problème qui ne cesse de s’accentuer, à savoir la taille réduite des exploitations et la capacité d’autofinancement limitée des petits agriculteurs.