La dynamique actuelle de création de fonds d’investissement a rarement été vue. Le Conseil du marché financier a accordé, durant les trois dernières semaines, le feu vert pour le démarrage de trois véhicules : FCPR Tanmya (30,030 MTND), le fonds d’investissement spécialisé Innovatech (125,012 MTND), le fonds d’investissement spécialisé 216 Capital Fund I (32,500 MTND) et le FCPR Byrsa Fund I (50,010 MTND). En tout, l’enveloppe disponible pour être injectée dans les entreprises s’élève à 237,552 MTND, une somme loin d’être négligeable.
Cela s’ajoute aux fonds dont l’industrie du capital dispose déjà. En même temps, les PME et les entreprises de taille moyenne contestent le manque de financement. Ici, il faut préciser que dans la tête d’un dirigeant tunisien typique, un bon financement c’est un crédit bancaire à faible taux. Cette conviction explique pourquoi la majorité des sociétés reste toujours de petite taille. Si les fonds propres sont modestes, c’est que la capacité à s’endetter l’est également. Augmenter les fonds propres, via une opération de recapitalisation, et avoir un institutionnel dans le tour de table sont un grand atout vis-à-vis de son banquier.
Ce qui bloque, ce sont les problèmes de gestion. La plupart des entrepreneurs n’acceptent pas, et surtout ne peuvent pas, changer de mode de gouvernance. La majorité préfère évoluer en tant que gérant, et la caisse de l’entreprise est pratiquement celle personnelle. Si la société devient anonyme, il y aura au moins six autres actionnaires, un conseil d’administration, des comptes à rendre et une responsabilité pénale en cas de dérapage.
De plus, une entrée de fonds d’investissement signifie une opération de due diligence et, probablement, un passage par l’administration fiscale pour régulariser la situation. C’est donc un casse-tête que la majorité des entrepreneurs préfère éviter au détriment des perspectives de croissance. C’est surtout le cas lorsque la société dispose de biens qu’elle peut offrir en gage.
Ainsi, en dépit des problèmes de financement, plusieurs spécialistes de capital développement et de capital risque se retrouvent avec des fonds non investis à l’expiration du délai légal pour leur utilisation. Rares sont les lois de finances durant les dernières années qui n’ont pas comporté un article prolongeant les délais d’usage de cet argent.
Cette situation est en train d’évoluer, mais lentement. Il y a une demande croissante de la part des entreprises, surtout jeunes, mais ces fonds préfèrent surtout des entités en phase de croissance pour rentabiliser leurs trésoreries. En tout, le cœur du problème est une question de cycle de financement qui n’est pas en phase avec celui de vie de l’entreprise. Dans la phase de lancement, les mécanismes d’appui ne suffisent pas et il faut compter sur ses propres moyens en premier lieu pour passer le cap. Si la société passe à la phase de croissance et commence à générer du cash, l’entrepreneur récupère les bénéfices et investit peu dans la société.
Le dividende sert à la réalisation de projets personnels, ce qui est légitime. La société rate donc ses meilleures années pour constituer un actif, réduisant sa capacité d’endettement et son attractivité. Lorsque la phase de déclin débute et l’entrepreneur sent que son projet vache à lait est en danger, il commence à exploiter les sources de financement de haut de bilan, mais il sera déjà trop tard. Le changement commence donc par une refonte des principes de gestion dans nos entreprises.