La baisse du pouvoir d’achat et des revenus depuis la pandémie est une impression, l’étude de la Banque mondiale l’affirme par des chiffres. En effet, la dernière étude de la Banque mondiale sur la région MENA comporte un chapitre consacré à la Tunisie. La BM s’appuie sur les récentes enquêtes en Tunisie pour mettre en lumière l’impact de la Covid-19 sur le bien-être des ménages pendant la pandémie, et notamment sur les changements survenus sur le marché du travail – c’est-à-dire les pertes d’emploi et la réduction des revenus du travail. En particulier, il montre comment la baisse du niveau de vie signalée par les ménages se poursuit, malgré la réouverture de l’économie tunisienne après le verrouillage.
Il y a un recul sensible du niveau de vie, en particulier pour les plus vulnérables (les 40 pour cent inférieurs de l’échelle de consommation). Le bien-être a diminué pour environ la moitié des ménages par rapport à la période précédant la pandémie. Les revenus du travail ont reculé, en particulier chez les indépendants, avec des revenus toujours inférieurs aux niveaux prépandémiques. Le niveau de vie s’est détérioré, résultant d’une hausse des prix des aliments et d’une baisse des envois de fonds de l’étranger.
Impact de la Covid-19 sur les travailleurs
Sur le marché du travail, les travailleurs ont une perte de revenus due à la maladie ou à la nécessité de s’occuper des membres de la famille malades. Il y a une réduction de revenus
en raison de la perte d’emploi et de la réduction des heures de travail parmi les travailleurs salariés (formels et informels). Les indépendants eux aussi ont souffert d’une perte de revenus. Pour les revenus hors travail, il y a une baisse des envois de fonds internationaux. Pour les auto-entrepreneurs, le confinement et les restrictions sanitaires ont été un obstacle au travail. Même après le confinement, il y avait un manque de clients qui a causé une baisse de revenus. Les employés dans le privé ont été moins nombreux à recevoir un salaire complet comparé aux employés du secteur public, ce qui fait que leurs revenus ont été très affectés par la pandémie.
En mai, au milieu du confinement, l’emploi parmi les répondants est tombé à 23%. Il s’agit d’une forte baisse par rapport à un ratio d’emploi estimé en 2017 à environ 62% parmi les chefs de ménage (selon les données de l’enquête sur les forces de travail). Avec la fin du confinement et la réouverture de la plupart des activités économiques, la part des personnes interrogées qui avaient travaillé au cours de la semaine précédant l’entretien est passée de 38% dans la seconde moitié de mai à 52% dans la première moitié de juin, puis 59% dans la seconde moitié de juin et 59% en octobre.
Malgré ce net rebond aux niveaux proches de ceux d’avant la crise parmi les répondants, tout le monde n’est pas retourné au travail. Les données de l’enquête sur les forces de travail en Tunisie indiquent que l’emploi total au troisième trimestre de 2020 était encore 1,5 pour cent en dessous du niveau estimé au premier trimestre. En d’autres termes, environ 54 000 emplois avaient été supprimés entre les trimestres 1 et 3.
Les prix ont flambé. La Tunisie connaît une augmentation des prix des produits essentiels, ainsi qu’une pénurie des produits de base. Le coût des services de santé a augmenté. L’accès aux services s’est détérioré, avec une perturbation de l’accès à l’éducation et à la santé (saturation du système de santé).
Inflation, en particulier pour les produits alimentaires
La série de l’indice des prix à la consommation (IPC), construite par l’Institut national de la statistique de Tunisie, montre qu’en octobre 2020, l’IPC total a augmenté de 4% par rapport à janvier 2020. Par rapport à 2019, il a augmenté de 4,5%. Néanmoins, les hausses de prix observées pendant les mois de mars et mai sont légèrement plus élevées en 2020 par rapport à 2019. En outre, l’indice des prix des produits alimentaires a augmenté de manière beaucoup plus importante entre janvier et octobre 2020 (hausse de 4,1 %), par rapport à la même période en 2019 (hausse de 2,9 %). Et la tendance de l’IPC des produits alimentaires montre une première accélération pendant le confinement, suivie d’une seconde à partir de septembre. Parce que les ménages moins aisés dépensent généralement une part plus importante de leur consommation en produits alimentaires (environ 40 % pour les ménages des deux quintiles inférieurs, contre 35 % pour le reste de la population).
Cette dynamique des prix pénalise davantage les ménages situés dans le bas de la pyramide de consommation.
Baisse des transferts d’argent de l’étranger
D’autres sources de revenus, en particulier les transferts de fonds, peuvent affecter le niveau de vie des ménages en période de récession. Environ 1,22 million de Tunisiens vivaient à l’étranger en 2012, principalement en Europe. Ces expatriés contribuent à soutenir le niveau de vie des membres de leurs familles en Tunisie grâce aux transferts de fonds. Bien qu’aucune information sur la valeur des envois de fonds ne soit disponible au niveau des ménages, la Banque mondiale (2020) estime que les envois de fonds, évalués à 1,9 milliard de dollars US, représentaient 4,9 % du
du PIB du pays en 2019. La Banque mondiale prévoit une forte baisse des envois de fonds d’environ 15% en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, qui a contribué à une détérioration du niveau de vie, notamment parmi les ménages qui ont le plus bénéficié de cette source de revenus.