L’analyse des chiffres du chômage publiés par l’INS ne laisse aucun doute que ce pays est sur le mauvais chemin et qu’il est très loin d’atteindre la trajectoire de la croissance inclusive.
En fait, les taux de chômage les plus élevés sont enregistrés dans les régions de l’Ouest et du Sud : Nord-Ouest (33,0%), Sud-Ouest (26,3%), Centre-Ouest (23,0%) et Sud-Est (22,5%). Les écarts, par rapport au taux national (18,4%), sont significatifs.
Par comparaison avec le deuxième trimestre 2021, le Nord-Ouest a connu la plus forte augmentation (+3%) suivi du Sud-Ouest (+1,3%), du Centre-Est (+1%) et du Centre-Ouest (+0,9%). Seules les régions du Nord-Est et du Sud-Est ont vu leurs taux de chômage baisser (respectivement de -1% et -0,9%). Le littoral continue à créer l’essentiel des postes d’emploi par l’économie, une tendance qui justifie les mouvements de migration interne.
Cette physionomie ne permet pas à la Tunisie d’avancer car le pays ne peut pas fonctionner avec un seul poumon. Les régions de l’Ouest représentent le cœur de l’agriculture du pays. Si les flux migratoires internes continuent, les exploitations agricoles ne trouveront plus de main-d’œuvre ou d’investisseurs. Il s’agit du secteur le plus stratégique et celui qui a le potentiel de croissance le plus élevé.
Pour les grandes villes, ce phénomène augmente la pression sur leurs infrastructures et crée un sentiment de manque d’investissements publics, ce qui est le cas. En réalité, ces villes sont juste équipées du minimum syndical et ne sont pas prêtes pour accueillir des millions de personnes supposées habiter d’autres régions.
Face à ce constat, les autorités publiques ont historiquement choisi de ne pas investir dans les villes qui se dépeuplent. Le résultat est l’absence de croissance dans les régions intérieures et l’émergence de pseudo-grandes villes qui ressemblent plutôt à de grands villages.
Mécaniquement, l’évolution du tissu économique va suivre. Selon les derniers chiffres de 2020, le nombre des entreprises au Nord-Est s’élève à 390 219 et au Centre-Est à 204 302. Ces deux zones abritent donc 74,2% de toutes les entités économiques du pays. La répartition régionale du PIB a déjà montré que le Grand Tunis accapare à lui seul 35,9% de la valeur ajoutée globale. 23,8% est générée par le Centre-Est et 13,5% par le Nord-Est. Tout le reste du pays produit 26,9% du PIB.
Le PIB par habitant dans le Grand Tunis est de 11 780 TND, de 7 952 TND dans le Centre-Est et de 7 641 TND dans le Nord-Est. Toutefois, il est seulement de 4 472 TND dans le Centre-Ouest ! Les jeunes sont donc attirés par des perspectives plus larges et l’illusion d’un meilleur pouvoir d’achat en se déplaçant de l’ouest à l’est.
Inverser la tendance et s’inscrire dans une croissance inclusive nécessite des moyens financiers colossaux. Il faudra des investissements très lourds dans les régions internes, surtout en infrastructures, pour convaincre la population de rester dans un premier temps et de les transformer en zones attractives dans un second temps. Dans ce contexte, créer une nouvelle capitale politique est une bonne idée, et choisir une ville comme Kairouan à titre d’exemple va donner une grande dynamique à toute la partie intérieure du pays. Nous pouvons choisir le modèle égyptien et faire émerger une nouvelle ville. Il faut prendre des initiatives avant que cette bombe du chômage ne détruise tout.
Nord-Ouest : Béja, Jendouba, Le Kef et Siliana
Nord-Est : Nabeul, Zaghouan, Bizerte, Grand Tunis
Centre-Ouest : Kairouan, Kasserine, Sidi-Bouzid
Centre-Est : Sousse, Mahdia, Monastir, Sfax
Sud-Ouest : Gafsa, Tozeur, Kebili
Sud-Est : Gabès, Médenine, Tataouine