Enda inter-arabe, en partenariat avec l’Agence française de développement, a lancé samedi, lors du salon SIAMAP 2021, Souk Al Kahina. Il s’agit du premier label entièrement tunisien qui certifie les produits issus du commerce équitable.
Mohsen Boudjebel, ancien secrétaire d’Etat à l’agriculture et actuel PDG de Boudjebel SA VACPA, dénonce les problèmes structurels de l’agriculture tunisienne. Ils se situent au niveau de l’eau et de la terre. Pour la terre, il y a un morcellement des terres agricoles lié à l’héritage, ce qui fait que la moyenne d’un terrain agricole est aujourd’hui de seulement 6 ha. La terre connaît aussi un problème d’érosion et de perte de fertilité. Pour l’eau, nous exploitons aujourd’hui 85% des ressources en eau de la Tunisie. L’eau va en se raréfiant et les derniers 15% sont les plus difficiles à exploiter. Les perspectives d’avenir ne sont pas optimistes : “Le changement climatique prévoit +2°C d’ici à 2050. Il y a également un vieillissement des agriculteurs, puisque plus de 50% des agriculteurs ont plus de 60 ans.”
Pour Boudjebel, le premier but à atteindre est celui de la sécurité alimentaire. L’exode rural s’accentue, l’équilibre territorial est menacé.
“Aujourd’hui, après la Covid-19, la sécheresse dure depuis 4 ans. La situation est dramatique, surtout pour les petits agriculteurs”, a-t-il affirmé. Il poursuit : “Le taux de pauvreté est passé de 15 à 26% après la Covid-19. Il faut une politique sociale pour aider les agriculteurs. L’agriculture représente 18% des emplois. Les femmes y représentent 70% des travailleurs, pourtant elles sont payées 50% de moins. C’est en cela que le commerce équitable va contribuer à rétablir l’équilibre chez les travailleurs agricoles”.
Hanen Missaoui, directrice du projet Souk Al Kahina chez Enda inter-arabe, définit le commerce équitable : “Le commerce équitable, selon la World Fair Trade Organization (WFTO), est un partenariat commercial basé sur le dialogue, la transparence et le respect, qui vise plus d’équité dans le commerce international”. Le commerce équitable a commencé dans le monde il y a 20 ans et 90% des produits équitables sont labellisés bio. En Tunisie, il a commencé il y a 10 ans pour les produits destinés à l’export. La Tunisie est pionnière dans l’équitable local dans la région MENA et l’Afrique. Souk Al Kahina soutient les projets communautaires et sociaux. Son cahier des charges est complet. Il garantit un salaire égal entre hommes et femmes, une assurance de travail, un contrat de travail, la CNSS. Il y a des projets futurs pour un label bio tunisien. Un partenariat en cofinancement avec l’AFD a déjà concrétisé le projet dans trois zones pilotes : Nabeul, Sidi Bouzid et Le Kef.
Kheireddine Kahia, directeur stratégie agricole chez Enda Tamweel, évoque le financement des projets. “Il y a un problème de financement de l’agriculture en Tunisie. Pour un prêt, le secteur bancaire demande des conditions que les agriculteurs ne remplissent pas, donc ils n’y ont pas accès. En Tunisie, il y a 516 000 exploitants agricoles, dont 80% sont des petits agriculteurs. En 2007, Enda Tamweel a choisi le financement des projets agricoles en rapport avec la production animale, pour passer aux produits végétaux en 2010.” Il y a 30% d’agriculteurs dans l’ensemble des projets financés par Enda Tamweel. Le modèle de financement est inclusif. Il demande des garanties morales. De 2007 à septembre 2021, 135 000 agriculteurs ont bénéficié de 25 000 crédits, d’un montant total de 1.725 MDT. Selon une étude de l’AFD, en 2015, 70% des crédits en Tunisie ont été accordés par Enda Tamweel.
Sur le long terme, Enda Tamweel a un objectif de durabilité. D’ailleurs, Enda soutient le financement vert. En effet, le prix de l’arrosage, du traitement des déchets et de l’électricité augmente beaucoup. C’est pour cela qu’Enda soutient le recyclage des déchets et le pompage solaire.