Mehdi Bouzouita est un médecin de famille devenu entrepreneur. Il a lancé avec Hela Kammoun, Hamed Baltagi et Hedi Baltagi la startup Viventis Healthcare qui fabrique des dispositifs médicaux intelligents pour soigner les maladies chroniques à domicile et dont l’ergonomie est adaptée à la région MENA.
La startup, qui a reçu le label startup Act en avril 2020, vise à rompre la dépendance vis-à-vis de l’importation et pourquoi pas exporter dans la région MENA du matériel connecté et adapté aux conditions locales. L’un des produits phares de Viventis est le concentrateur d’oxygène, crucial en cette période de pandémie. L’accès à un concentrateur d’oxygène 100% tunisien, produit localement et disponible, contrairement aux concentrateurs chinois par exemple, serait une arme capitale pour lutter contre la pandémie.
La startup est encore au stade de pré-production. Et Mehdi Bouzouita d’expliquer : “Nous attendons l’autorisation du ministère de la Santé pour pouvoir produire en masse et ensuite exporter en ciblant la région MENA.”
Un parcours du combattant
Les dispositifs médicaux produits en Tunisie sont pour la plupart avec peu ou pas de valeur ajoutée. Il explique : “En Tunisie, nous n’avons pas d’industrie de dispositifs médicaux avec une valeur ajoutée. Notre industrie des dispositifs médicaux est plutôt liée au jetable et au consommable ; dans notre cas, nous avons développé de la R&D. Étant donné que nous passons aussi par la barrière de la certification et des normes CE pour obtenir une autorisation, il a fallu concevoir une ingénierie et un design capables d’obtenir toutes les autorisations internationales nécessaires. Il est compliqué de trouver cela en Tunisie parce que les ingénieurs qui font de la R&D ne sont pas sensibilisés aux différentes normes et spécificités des certifications en cours. Nous nous sommes alors tournés vers l’étranger.”
La startup en est encore à ses débuts, en attente d’autorisations et de financement. “Tout ce qu’on a fait jusqu’au jour d’ aujourd’hui pour la mise en place des prototypes de concentrateurs ainsi que pour le développement de notre application nous a coûté dans les 95 000 dt, ce qui est un budget dérisoire pour une startup européenne. Nous sommes une petite équipe. D’habitude, le budget pour le domaine de la health tech est beaucoup plus élevé. Pour être compétitifs, nous avons comprimé nos coûts . C’est ce qui nous a pris beaucoup de temps.”
La lenteur bureaucratique et le manque de transparence ont largement freiné l’avancée de Viventis. Et d’insister: “La lenteur bureaucratique nous fatigue. Nous avons une machine qui produit un désinfectant naturel protégeant contre le Coronavirus et qui est utilisé dans plusieurs pays en Amérique, en Europe et au Moyen-Orient . En Tunisie, nous venons vérifier où en est la procédure d’homologation et ils nous disent qu’ils sont en train de traiter les demandes déposées six mois auparavant, soit celles de janvier 2021. Pour quelqu’un qui veut fabriquer des produits et rompre la dépendance à l’importation, il faut attendre de longs mois pour obtenir une autorisation. L’attente nous coûte très cher dans le budget. Les investisseurs étrangers perdent leur intérêt face à ces difficultés qui ajoutent un risque important pour l’évolution de Viventis. Ce n’est pas pour rien que les startup à partir d’idées tunisiennes finissent par être délocalisées en Europe.”
Des projets d’envergure
La concurrence est forte, surtout en cette période de forte demande des concentrateurs d’oxygène. “La concurrence locale ou internationale se situe principalement au niveau des distributeurs. Les fabricants américains et chinois sont nos concurrents internationaux. Les produits de Viventis sont spécifiquement adaptés au marché MENA. La différence entre eux et nous est que notre implantation locale facilite la garantie, le transport et la maintenance, ce qui est beaucoup plus compliqué pour un produit importé. Viventis regarde le marché local comme un marché de préparation à une internationalisation se voulant être la plus rapide possible“
La vision de Viventis est à long terme et ses projets sont nombreux. “Nous aspirons à fonder des centres de prévention des maladies chroniques, surtout dans les régions défavorisées de la Tunisie, afin d’aider à l’éducation thérapeutique des malades, facilitant ainsi la compréhension de leurs conditions et donc leur prise en charge médicale. Nous souhaitons également développer une gamme complète de dispositifs médicaux pour les soins à domicile des maladies chroniques.”