La création d’emplois passe par la création d’entreprises, et cette dernière dépend du climat des affaires. En Tunisie, tous les maillons de cette chaîne affichent des faiblesses. Selon les statistiques de l’APII jusqu’à la fin du mois de mai 2021, le nombre d’entreprises nouvelles créées s’est établi à 6 369 contre 7 823 sur la même période en 2020, une baisse de 18,6%. Celles qui opèrent dans l’industrie ont représenté 16,3% du nombre total de ces constitutions, soit 1 041 entités.
L’essentiel de ces créations sont réalisées dans le Grand Tunis, au siège de l’APII, avec 2 962 entreprises, en baisse de 29% par rapport à 2020. Sousse et Sfax, avec respectivement 1 298 et 1 236 nouvelles créations complètent le podium. Ce trio contribue ainsi à hauteur de 86,3% de la dynamique économique de la Tunisie. A l’outre bout du spectre, il y a le Kef avec une seule création, devançant Jendouba et Kairouan où aucune nouvelle entreprise n’a vu le jour durant les cinq premiers mois de l’année !
Ces chiffres résument tout le mal de ce pays. Ceux qui se lancent dans l’entreprenariat déterminent l’emplacement de leurs projets selon la structure de la demande, qui reste largement concentrée dans les grandes villes. C’est une question de pouvoir d’achat et de population.
Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi tout un écosystème favorable au lancement des projets dans ces gouvernorats, avec les centres d’affaires et les structures d’appui. Tous les événements de networking se déroulent dans la capitale et l’administration est plus souple qu’à l’intérieur car les agents sont habitués à traiter les différentes problématiques liées à l’investissement.
Si nous voulons rectifier le tir, la première étape est d’améliorer le climat des affaires dans ces régions. Il faut impérativement atteindre le seuil minimum d’égalité des chances entre les jeunes de ce pays. Les programmes de financement qui sont dédiés aux zones intérieures ne manquent pas, mais pour qu’un investisseur passe le cap, il faut qu’il soit certain qu’il trouvera le suivi durant le cycle de vie de son entreprise.
L’investissement dans les infrastructures de ces régions est une condition nécessaire car une entreprise implantée à Kébili doit être capable de servir l’ensemble du territoire. Nous retrouvons ici la question de la digitalisation de l’économie. L’amélioration des conditions de vie dans l’intérieur du pays permettra également d’attirer une main d‘œuvre qualifiée. Si une société est incapable de recruter des ingénieurs ou des cadres qui préfèrent le littoral, quel avenir pour le reste des villes ?
Plus le gap s’élargit entre les gouvernorats, plus l’équation socio-économique se complique. Il faut des décisions révolutionnaires pour inverser la tendance. Au lieu d’enchaîner les réunions et la création de comités qui ne servent à rien, qu’on libère l’initiative privée, déverrouille les monopoles publics et lance les PPP à grandes envergures. C’est beaucoup plus utile.