Dès la toute première conférence au programme, le ton a été clairement donné : la Com est désormais en grande partie synonyme des nouveaux médias (aux dépens des médias classiques). C’est Norchène Ben Dahmane-Mouelhi, maître de conférences, et Aicha Kallel, Formatrice et consultante en marketing, qui dévoilent cette réalité en demandant aux participants s’ils avaient regardé la TV la veille des TCD 2021, ou vu des affiches sur la route sur leur trajet le matin, ou encore écouté la radio. Leurs réponses sont décapantes : ils ne regardent plus beaucoup la télé et l’ont plutôt remplacée par des vidéos sur Youtube ou Netflix, les affiches publicitaires leur semblent monotones et, du coup, ils ne les remarquent plus, on se détourne de plus en plus des médias classiques et la pub n’en est pas mieux lotie… Trop de pub tue la pub ! Pourtant, on continue de dépenser.
Pourquoi ? S’il est évident qu’il ne faut surtout pas arrêter de communiquer, il faut le faire moins et mieux, en s’attachant au sens… Les speakerines recommandent l’originalité, insistent sur l’engagement de l’entreprise, soulignent qu’il faut surtout rester à l’écoute des consommateurs afin de s’adapter à leurs attentes qui évoluent continuellement… en un mot ; il faut innover dans sa communication traditionnelle et digitale.
Les médias classiques, encore là, mais…
C’est sur ce défi des médias par rapport au digital que Norchène Ben Dahmane-Mouelhi, qui est également la modératrice des TCD 2021, donne la parole à deux experts médias : Sahar Mechri, directrice exécutive Le Manager, et Sofiene Boussetta, DGA iFM. «Comme tous les secteurs, personne dans le domaine des médias n’est épargné par l’introduction du digital et la démocratisation de l’Internet, avec les implications que nous connaissons du changement, sur le comportement des lecteurs qui vire largement vers l’instantané et par conséquent sur l’offre», atteste Sahar Mechri, directrice exécutive Le Manager.
Elle dépeint un nouvel environnement au sein duquel la production de l’information subit son lot d’ambivalence, entre menaces et opportunités, car la presse écrite est toujours là alors que nous sommes en 2021 mais elle doit prendre très au sérieux la nécessité d’adapter le contenu entre digital et papier. Pour Sahar Mechri, ce qui fait la différence c’est la manière de ‘travailler’ l’info jumelée, la synergie qui peut être créée entre le contenu digital et le contenu papier à un changement de Business Model. Et ce n’est pas Sofiene Boussetta, DGA iFM, qui la contredira. En vérité, il va dans le même sens : « La transformation digitale s’est plutôt exprimée dans l’évolution de la radio vers la radio filmée ; aujourd’hui, grâce à la technologie, on ‘regarde’ la radio ! ».
Pour lui, s’il est vrai que nous sommes à l’ère du digital et que l’évolution se fait à un rythme rapide, il reste cependant que les gens écoutent encore la radio. Il ajoute qu’il y a un travail à faire sur chaque canal, y compris les réseaux sociaux qui eux-mêmes sont multiples dans leur abord.
Sahar Mechri revient sur l’identité-même des médias écrits mais ne raisonne pas en termes de presse écrite et de presse web, au bénéfice de l’expérience consommateur : « Nous offrons un univers complet ; notre lecteur peut écouter des podcasts dans sa voiture ou dans le transport en commun, il a le journal en ligne pour s’informer rapidement, il peut visionner nos vidéos et quand il a le temps, il peut lire le magazine papier, on lui propose des Events et du Networking. On s’associe et on fait entrer le consommateur de contenu médiatique dans notre univers : nous l’accompagnons toute la journée ! ».
Attention aux mirages du digital
Les considérations de Mechri et Boussetta braquent ainsi l’attention sur la nécessité des réseaux sociaux à être à la hauteur d’autant de défis et c’est à propos de leur efficacité que cogitent Bahia Nar, consultante et trainer, et Amir Aouiti, consultant transformation digitale. Bahia Nar déverse une cascade d’idées sur les objectifs des campagnes, sur l’interprétation des chiffres (10 millions de vues, est-ce 10 millions d’intéressés ?), sur les fibres sensibles à atteindre… et met le doigt sur les dichotomies : « J’ai fait mon job pour certains clients, j’ai converti, j’ai déclenché le besoin, mais, de l’autre côté, il y a le circuit de distribution, le conseiller en face qui n’a pas l’info, l’info en interne qui part dans l’autre côté, un employé arrogant sape le flux… Quand on balance sur le digital, le client a l’impression que c’est la baguette magique, c’est moins cher, etc… Eh non, ce n’est pas moins cher, et c’est le début des problèmes, l’implication du client est capitale… ».
Amir Aouiti enfonce le clou en dénonçant le manque de réflexe pour l’efficacité de campagne, sur le mirage du nombre de ‘Like’ : « On ne sait pas combien de personnes on va toucher, combien en convertir en clients alors que c’est à travers le nombre de clients convertis que l’on peut voir les KPIs… Ce qui est essentiel c’est d’informer votre équipe avant de le faire pour tout le monde, communiquer en interne, former les équipes quand il y a un nouveau produit.
Il faut comprendre que la communication sur le digital, c’est le déclic de toute une expérience client, s’il va découvrir le produit sur les réseaux sociaux, il va chercher des informations pour relativiser avec la concurrence. Une fois toutes ces informations collectées vient le tour d’aller en boutique pour poursuivre l’expérience ; cela va impacter le passage à l’acte du client (acheter ou pas). Si la chaîne n’est pas complète, c’est un client de perdu. »
La fameuse ‘raison d’être’ qui va fidéliser les collaborateurs
Les traits incursifs que Bahia Nar et Amir Aouiti ont puisé dans leur expérience versent en définitive sur les challenges charriés par les réseaux sociaux en tant que leviers incontournables pour booster la visibilité et la notoriété de l’entreprise. Et c’est à propos d’un cas particulier ; celui de LinkedIn en support de la marque employeur, que nous entretient Joelle Walraevens-de Luzy, spécialiste en LinkedIn. Selon elle, le point focal ne saurait se situer en dehors des pistes du recrutement, spécialement celui des jeunes générations : « Ils ont des atouts qui vont bien au-delà des salaires, et il faut rechercher une cohérence entre leurs valeurs et celles de l’entreprise. J’ai eu des collaborateurs tunisiens qui m’ont dit : les nouvelles générations en entreprise, c’est comme s’ils étaient dans un processus d’achat : cette génération a sacrément changé la donne ; toute entreprise a un site Web mais elle est obligée d’intégrer aussi les réseaux sociaux car, si elle n’est pas présente sur les réseaux, elle subit un préjudice majeur.
Si vous êtes une startup et que vous ciblez une population jeune, le premier enjeu est la cohérence de la com, et le second ce sont les collaborateurs. » Joelle Walraevens-de Luzy insiste lourdement sur le fait que l’entreprise ne peut vivre que par ses collaborateurs qui sont tous sur les réseaux sociaux, et qu’elle doit suivre l’exemple des grands groupes, multinationales et PME qui ont adopté la fameuse raison d’être qui va fidéliser les collaborateurs, antichambre nécessaire à la mise en place d’une marque employeur : « Il faut travailler avec les éléments constitutifs de la société (gros enjeu en DRH, mais aussi en département marketing, com, innovation) ; par-delà les produits et services, il faut définir quelle culture. Les collaborateurs vont être des ambassadeurs en relayant les infos ; ils sont tous acteurs avec professionnalisme et cœur ! »
L’identité résiliente via le Marketing
Nous retrouvons cette fameuse raison d’être commentée par Joelle Walraevens-de Luzy sous les traits d’une ‘identité résiliente’ dans le cas particulier de l’ATB. Le libellé de l’intervention d’Imen Messadi, directrice centrale de la transformation du Marketing et de la communication à l’ATB, est clair : Le Marketing, un moteur de l’ATB pour une identité d’entreprise résiliente. Imen Messadi nous parle de transformations qui commencent par le renforcement des capacités RH et l’orientation client via l’innovation technologique, là où le marketing est le vrai Driver de la transformation pour la résilience de l’entreprise. « Pour nous, le marketing est bien plus proactif que réactif car nous le considérons comme un levier de résilience (offre de valeur, digitalisation, communication interne, communication externe et médias sociaux).
Notre Business Model s’est adapté à la stratégie, la Data et les canaux se sont centrés sur le produit et le client et nous souhaitons faire en sorte que la culture de l’entreprise soit un modèle de gouvernance axé au cœur de l’expérience utilisateur », assure-t-elle. Dès ses premiers mots, on comprend déjà à quel point la Covid-19 a boosté des intentions bien ancrées à l’ATB, car Imen Messadi, sa directrice centrale de la transformation du Marketing et de la communication, n’a pas cessé de parler de ‘transformation’ comme s’il s’agissait d’un sésame à la lumière duquel l’ATB cherche désormais à scintiller : « Nous avons réalisé notre digitalisation en deux semaines; la communication interne était très importante parce qu’il y avait beaucoup d’incertitude en période Covid-19 ; nous avons été très réactifs et essayé de fournir un contenu éditorial capable de rassurer les collaborateurs, rassurer nos clients.
Nous sommes des marketeurs ; mon message est que chaque entrepreneur devrait s’y convertir: aujourd’hui, il n’y a ni survie, ni agilité, ni résilience pour ceux qui n’ont pas cette fibre», commente Imen Messadi avec forte conviction.