Le décompte définitif a vocation à régler des situations qui n’évoluent plus et qui, sauf exception, engage irrévocablement les parties contractantes. Le solde d’un marché de travaux est arrêté à l’issue d’une procédure comportant plusieurs étapes. Des incidents peuvent se produire.
Processus d’établissement du décompte définitif
L’entrepreneur dresse le projet de décompte définitif. Ce projet est accepté ou rectifié par le maître d’œuvre. Le projet établi par le maître d’œuvre et accepté par le chef du projet devient le décompte définitif. L’entrepreneur est tenu de transmettre son projet de décompte définitif au maître d’œuvre dans un délai de 45 jours à compter de la date de notification de la décision de réception provisoire des travaux. Un document adressé avant la réception des travaux ne peut être considéré comme un projet de décompte définitif.
En cas de retard dans la présentation du projet de décompte définitif, l’entrepreneur est passible d’une pénalité. Elle est 1/10.000 du montant du décompte. Cette pénalité est appliquée après un ordre de service rappelant à l’entrepreneur ses obligations et est calculée depuis la date limite fixée par l’ordre de service jusqu’à la remise effective du projet de décompte attendu.
Le projet de décompte définitif établit le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l’exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées. Ce projet de décompte est établi à partir des prix de base comme les projets de décompte provisoire et comporte les mêmes parties que ceux-ci à l’exception des approvisionnements et des avances. Il est accompagné des cahiers des quantités prises en compte, effectués à partir des éléments contenus dans les constats contradictoires ainsi que le calcul, avec justification à l’appui, des coefficients de révision de prix si ces éléments et pièces n’ont pas été précédemment fournis. L’entrepreneur est lié par les indications figurant au projet de décompte définitif établi par lui-même ainsi que sur le montant des intérêts moratoires éventuels. Dans le projet de décompte définitif, l’entrepreneur doit récapituler les réserves qu’il a émises et qui n’ont pas été levées, sous peine de les voir abandonnées.
Deux possibilités s’offrent à l’entrepreneur pour obtenir le règlement des travaux exécutés au cours du dernier mois du chantier. Il peut établir un décompte mensuel afférent aux travaux et cela concurremment avec la production du décompte final. Le terme “concurremment” ne signifie pas simultanément car le décompte mensuel concerne les travaux exécutés en fin d’achèvement des travaux alors que le décompte final est nécessairement postérieur à la date de leur réception. Il peut ne fournir que le décompte final. Cette deuxième modalité peut retarder le paiement des sommes correspondant aux prestations effectuées au cours du mois précédant l’achèvement des travaux.
Le projet de décompte définitif établi, signé par le maître d’œuvre et accompagné du projet de décompte définitif établi par l’entrepreneur, si ce dernier a été modifié, est transmis au chef du projet. Le projet de décompte définitif établi par le maître d’œuvre et accepté par le chef de projet devient le décompte définitif. Il doit être signé d’une autorité qualifiée. Cette autorité est la personne responsable du marché. Dans le cas où le maître de l’ouvrage n’établit pas le décompte définitif, il appartient à l’entrepreneur, avant de saisir le juge, de mettre celui-ci en demeure d’y procéder. En revanche, lorsqu’il omet d’y apposer sa signature, l’entrepreneur peut saisir directement le juge. Le décompte définitif, signé par le chef du projet, doit être notifié à l’entrepreneur par ordre de service dans un délai fixé.
L’ordre de service irrégulier ou la notification irrégulière empêche le décompte définitif d’acquérir un caractère définitif. Si un décompte définitif irrégulièrement notifié ne peut donc devenir définitif, il doit néanmoins être contesté dans des conditions régulières. Le retard dans la notification du décompte définitif n’entraîne ni la nullité de ce décompte, ni son acceptation tacite. Elle ouvre cependant, au bénéfice de l’entrepreneur, droit à intérêts moratoires sur le solde du marché.
À compter de la notification du décompte définitif, l’entrepreneur dispose d’un délai de 45 jours pour renvoyer au maître d’œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de signer. Si la signature est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification devient le point de départ du délai de paiement. Dans le cas où l’entrepreneur n’a pas renvoyé au maître d’œuvre le décompte définitif signé, dans le délai de 45 jours ou encore dans le cas où ayant renvoyé dans ce délai, il n’a pas motivé son refus ou n’a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte définitif est réputé accepté par lui.
Incidents dans l’établissement du décompte définitif
Lors de l’établissement du décompte définitif, il peut y avoir des incidents. Ces derniers tiennent à des faits du titulaire ou à des faits de l’administration contractante.
L’entrepreneur peut refuser de signer, ce qui signifie un désaccord total, comme il peut signer avec réserves, ce qui implique un désaccord partiel. Qu’il refuse de signer ou qu’il exprime des réserves, l’entrepreneur doit adresser un mémoire au maître d’œuvre. Le délai imparti est de 45 jours. Le mémoire doit exposer les motifs du refus ou des réserves ; il doit également préciser le montant des sommes revendiquées. Le mémoire doit être accompagné des justifications nécessaires. Le mémoire reprend les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n’ont pas fait l’objet d’un règlement définitif.
La contestation du décompte définitif peut porter sur l’ensemble du compte ou sur certains éléments. Si l’opposition est générale, le décompte ne devient pas définitif. Les parties sont libres de former de nouvelles demandes relatives à l’exécution financière du contrat. Si la contestation est partielle, l’entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. Le règlement du différend intervient suivant les modalités indiquées à l’article 50 du CCAG. Il est prévu deux procédures selon que le différend est entre l’entrepreneur et le maître d’œuvre ou entre l’entrepreneur et le chef du projet.
Un différend peut également survenir entre le maître d’œuvre et l’entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme. Dans ce cas, l’entrepreneur remet au maître d’œuvre, aux fins de transmission au chef du projet, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. Les réserves de l’entrepreneur sont susceptibles d’être confirmées lors de l’établissement du décompte définitif. Une fois que ce mémoire a été transmis par le maître d’œuvre, avec son avis, au chef du projet, celui-ci notifie ou fait notifier à l’entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception par le maître d’œuvre du mémoire de réclamation. L’absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l’entrepreneur.
Lorsque l’entrepreneur n’accepte pas la proposition du chef du projet ou le rejet implicite de sa demande, il doit le faire connaître par écrit au chef du projet en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître d’ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons du refus. Cette notice doit être faite dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l’expiration du délai de quarante-cinq jours ci-dessus, sous peine de forclusion. Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception par le chef du projet de la lettre ou du mémoire de l’entrepreneur, aucune décision n’a été notifiée à l’entrepreneur, ou si celui-ci n’accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l’entrepreneur peut saisir les juridictions compétentes. Il ne peut porter devant ces juridictions que les chefs et motifs de réclamations énoncés dans la lettre ou le mémoire remis au chef du projet.
Cette saisine pouvait s’effectuer sans condition de délai lorsque le maître de l’ouvrage n’avait pas pris position. En revanche, en cas de décision expresse de sa part, l’entrepreneur était, sous peine de forclusion, tenu de saisir le tribunal dans un délai de six mois suivant la notification de cette décision.
Si, en revanche, un différend survient directement entre le chef du projet et l’entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation au chef du projet aux fins de transmission au maître d’ouvrage. Si l’entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise par le maître d’ouvrage, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures,contentieuses.
Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l’entrepreneur de la décision prise par le maître d’ouvrage sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte définitif du marché, l’entrepreneur n’a pas porté ses réclamations devant les juridictions compétentes, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable.
Il peut également y avoir des difficultés du fait de l’administration contractante. Elles sont liées à la réception avec réserves, à la résiliation du marché ou à l’inertie de l’administration contractante d’établir le décompte définitif.
Compte tenu du caractère intangible du décompte général et définitif, le maître d’ouvrage doit s’abstenir de notifier le décompte général à l’entrepreneur. S’il le fait, il ne serait pas en droit de réclamer au titulaire les sommes correspondantes à la levée des réserves qu’il serait amené à débourser pour procéder lui-même à la levée des réserves. Le maître d’ouvrage peut cependant inscrire une somme provisionnelle au risque que celle-ci apparaisse inférieure au coût réel des réfactions.
L’établissement du décompte général et définitif est suspendu jusqu’à ce que le décompte général et définitif du marché de substitution soit établi. Le maître d’ouvrage peut cependant renoncer à conclure un marché de substitution auquel cas, il y a lieu d’établir le décompte général et définitif du marché résilié. Le titulaire d’un contrat ayant fait l’objet d’une résiliation peut saisir le juge du contrat afin de faire constater l’irrégularité ou le caractère infondé de cette mesure et demander en conséquence le paiement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché.
Le CCAG ne comporte aucune règle régissant cette situation. Le titulaire du marché ne pouvait que mettre le maître de l’ouvrage en demeure d’établir le décompte et, en cas d’insuccès de cette démarche, saisir le juge pour qu’il procède à l’établissement de celui-ci.