Constat indéniable : on passe notre vie à négocier : un meilleur salaire, des prix inférieurs des biens achetés, un périmètre d’action plus approprié… alors si en matière de négociation, la situation gagnant-gagnant est généralement un mythe rarement matérialisé, il serait accablant d’en payer constamment les prix. Dans son livre Secrets of Power Negociating, Roger Dawson présente plusieurs stratégies et tactiques pour augmenter vos chances de conclure des arrangements qui vous portent satisfaction.
Il y a quelques années, Donald Trump avait connu des problèmes financiers. Ses activités dans l’immobilier étaient fortement endettées et le marché New-Yorkais était en baisse. Craignant le crash, le besoin de lever des fonds devenait imminent. Il s’est alors décidé de vendre l’hôtel Saint-Moritz qu’il avait acheté trois ans auparavant à 79 millions $. D’autant plus que cet hôtel se situait à côté de l’acquisition du flagship réalisée ultérieurement: le Plaza Palace. À l’époque, Alan Bond, un milliardaire australien, avait exprimé le souhait d’acheter l’hôtel. Trump lui a répondu “C’est ma propriété favorite. Je ne la vendrai jamais, je tiens à la laisser à mes petits-enfants. Mais, à part le Saint-Moritz, tout le reste est à vendre”, après quelques échanges, Trump rétorqua “Regarde, c’est quoi ton meilleur prix?”. Finalement, Alan Bond a payé 160 millions $ et Trump a pu disposer du cash nécessaire pour payer ses dettes. En réalité, Trump avait utilisé une tactique de négociation, celle du vendeur réticent. Celle-ci fait partie d’une série de tactiques que Roger Dawson expose dans son fameux livre, un véritable trésor de stratégies précieuses à utiliser dans le business autant que dans la vie quotidienne.
C’est dire, ce livre offre un vrai savoir-faire en la matière. D’entrée de jeu, l’auteur explique que l’objectif d’un négociateur est d’arriver à faire sentir l’autre partie qu’elle a gagné. Alan Bond devait penser qu’il avait fait l’affaire du siècle. Pour Roger Dawson, le pouvoir de négociation c’est comme un jeu d’échecs, à la différence qu’aux échecs, la partie opposée connaît les règles du jeu. Pour un talentueux négociateur, le résultat tient plus à la science qu’à l’art. Les négociateurs influents savent qu’il est préférable de laisser la partie adverse s’engager en premier dans une position et proposer son prix. Et pour cause, cette première offre peut être meilleure que leurs attentes et leur permet de surcroît de collecter de l’information. Les négociateurs influents ne manquent pas aussi de féliciter leurs adversaires, quand bien ils savent qu’ils ont mal joué. Il n’y a pas de secrets : il faut que ces derniers sentent qu’ils l’ont emporté dans la négociation. Clairement, selon Dawson la négociation est un processus qu’il divise en trois étapes. À chacune ses tactiques qu’il présente d’une manière ludique et pédagogique. Si le négociateur les mobilise dans chaque étape de la négociation, il mettra la chance de son côté.
Les tactiques de début de négociation
La règle n°1 est de demander au-delà de vos attentes. Les négociateurs savent déjà que les premières demandes sont exagérées et qu’au fur et à mesure que les négociations progressent, le compromis se dirige vers le milieu. Il n’en reste pas moins qu’il n’est pas certain que le milieu soit toujours le point de chute. Tout dépend des positions d’ouverture de la négociation. De fait, Dawson affirme qu’il ne faut jamais accepter la proposition initiale. La partie adverse pensera automatiquement qu’elle aurait pu mieux faire ou qu’il y a anguille sous roche. Dawson va jusqu’à préconiser de sursauter face à l’offre ou aux concessions demandées par l’autre partie. “Si vous ne manifestez pas votre grande surprise, quasiment votre état de choc devant votre adversaire”… Celui-ci pensera qu’il est possible qu’elle puisse vous faire accepter son offre.
D’un autre côté, Dawson conseille d’éviter la négociation conflictuelle. Celle-ci est déclenchée lorsque des altercations surgissent aux premières étapes de la négociation. Il insiste sur l’importance de soigner ce qui se dit au tout début du contact. Dawson recommande à ce titre la formule Feel, Felt, Found (FFF). C’est une démarche qui préconise de reconnaître les sentiments de la partie adverse, de déclarer que beaucoup d’autres ont ressenti la même chose, puis de dire que «vous avez trouvé cela…». Cette méthode attribue au négociateur un temps de réflexion pour récupérer son sang-froid et bichonner ses arguments. Autre tactique, celle qui a été utilisée par Trump, est celle du vendeur réticent ou de l’acheteur réticent. La première avance qu’il n’a jamais envisagé de vendre quelque chose, et à l’inverse l’acheteur réticent nie sa volonté d’acheter. Cette tactique peut être particulièrement utile lorsque vous êtes désespéré d’acheter ou de vendre. C’est un excellent moyen pour faire pression sur l’autre partie avant même que la négociation ne commence. Cette dernière cède généralement la moitié de sa plage de négociation.
La dernière technique de début de négociation est celle de resserrer l’étau. Il suffit d’utiliser l’expression «Tu devrais faire mieux que ça», suivie d’un silence. Pour contrecarrer cette technique, il suffit de pousser l’acheteur à quantifier sa demande “Combien exactement ?”
Les tactiques de milieu de négociation
La première consiste à gérer les personnes qui n’ont pas d’autorité à décider. À vrai dire, une des situations les plus frustrantes est d’essayer de négocier avec une personne qui prétend n’avoir aucune autorité pour prendre une décision finale. Donc, en tant que négociateur, il ne faut jamais laisser l’autre partie savoir que la décision finale vous revient, autrement elle ne déploiera pas beaucoup d’efforts à vous convaincre. Elle est censée savoir que vous allez la soutenir pour défendre l’offre devant une autorité supérieure. Pour que cette tactique soit efficace, il faut que l’autorité en question soit une entité vague, telle qu’une commission ou un conseil d’administration. Si vous réalisez que l’acheteur a recours à cette technique, n’hésitez pas à titiller son égo, précise Dawson. Ensuite, l’auteur affirme que les services consentis lors d’une négociation ont une valeur décroissante. Pour dire vrai, une fois consentis, ils n’auront plus aucune valeur. “Il ne faut jamais croire que l’autre partie renverra l’ascenseur après que l’arrangement soit conclu”, affirme-t-il. Dawson souligne également qu’il n’est pas toujours indiqué de partager la pomme en deux. Tout dépend de la situation à l’ouverture de la négociation. “Ne proposez jamais de partager la différence, mais encouragez l’autre partie à le faire”. En cas d’impasse, l’auteur préconise de demander à l’autre partie de mettre de côté un problème dont l’issue est impossible et de continuer à négocier sur les éléments restants. Le fait de trouver des solutions aux autres points donnera un momentum positif à la négociation. Dans ce contexte, il faudrait parfois changer un élément de la négociation pour gérer une situation de blocage, où les discussions se poursuivent quand même. Si l’impasse est aiguë de telle sorte que les discussions sont interrompues, il conseille de chercher de l’aide ou de faire appel à un médiateur. Enfin, il indique de demander toujours un compromis ou une contrepartie. C’est un pari qui s’applique à toutes les concessions, quelle que soit leur taille. Il faut demander quelque chose en contrepartie.
Les tactiques de fin de négociation
Le bon / le méchant est l’une des tactiques de négociation les plus populaires. C’est un moyen efficace pour faire pression sur l’autre personne sans créer de confrontation. Il s’agit de présenter une personne incarnant le méchant qui refuse l’offre et une deuxième dans le rôle du sauveur qui va essayer d’aider à faire aboutir l’arrangement. A titre d’illustration, cette méthode est très utilisée par la police. Pour la contrer, il faut l’identifier. Un autre procédé est celui du grignotage. Il revient à demander encore quelque chose de plus après que les négociateurs se soient entendus, juste avant la signature. En général, il s’agit d’éléments ou de faveurs que certaines parties n’ont pas pu obtenir pendant les négociations. Clairement, il signifie que c’est cette capacité à faire cet effort additionnel vers la fin qui différencie les meilleurs vendeurs de ceux qui sont bons. À ce titre, Dawson insiste sur l’importance de mentionner par écrit toutes les faveurs obtenues. Il ajoute que les gens donnent plus de crédit à ce qu’ils voient écrit que. Ce qu’ils entendent. D’ailleurs, il est mentionné que la dernière concession faite ne doit être la plus, une telle attitude est susceptible de créer de l’hostilité. Enfin, la dernière tactique explique comment se positionner pour une acceptation facile est un pari utile lorsque vous traitez avec un négociateur expérimenté. Un livre très riche en enseignement à recommander vivement.