Avec seulement 140 mille tonnes de production nationale d’huile d’olive, la récolte 2020-2021, qui demeure en deçà de la moyenne, n’a pas pu dissimuler le chiffre record enregistré durant la campagne 2019-2020, estimé à 420 mille tonnes et représentant 12% de la production mondiale d’huile d’olive. « C’était une saison exceptionnelle sur tous les plans », comme elle a été qualifiée par Abdessalem Loued, président du Groupe « Rivière d’Or ». Il déplore le fait que 80% de cette quantité exportée ait été destinée à l’Europe et défend farouchement la nécessité de diversifier les pays cibles des exportations tunisiennes de l’huile d’olive. «Heureusement que les 20% restant de la quantité destinée à l’exportation était marchandée vers les États-Unis et le Canada», a-t-il précisé.
L’huile d’olive tunisienne fortement appréciée dans le monde
« Un total de 2,25 milliards de dinars pour 375 mille tonnes d’huile d’olive exportée reflète le rôle important que peut jouer ce secteur dans l’économie nationale et sur la balance commerciale », a expliqué Loued qui considère que «ce secteur devrait apporter jusqu’à 5 milliards de dinars sans même qu’il y ait des intrants importés». Un objectif que permettraient les multiples accords préférentiels que la Tunisie a signés depuis des années, selon Loued, et ce, avec la Ligue des États Arabes d’où la possibilité de faire pénétrer l’huile d’olive tunisienne dans plusieurs marchés arabes tels que l’Arabie Saoudite, l’Égypte, le Maroc, le Soudan… sans conditions, ni restrictions, ni droits de douane. Un autre accord est celui de la Suisse qui concerne 1000 tonnes d’huile d’olive tunisienne. L’année dernière, nous en avons exportés 90%. « Notre requête aujourd’hui est de l’étendre à 2000 tonnes », précise Abdesslam Loued. L’accord conclu avec les États-Unis, le plus grand importateur mondial d’huile d’olive, est quant à lui des plus favorables car il ne prévoit pas de contingent. À ce titre, la Tunisie a pu exporter 47000 tonnes. Le Canada, quant à lui, a importé l’année dernière aux alentours de 11 mille tonnes d’huile d’olive tunisienne. Abdesslam Loued insiste sur l’importance de la zone COMESA et prochainement du récent accord de la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) dans l’intensification des échanges commerciaux. « C’est une opportunité en or pour la Tunisie et non seulement dans le secteur de l’huile d’olive mais aussi dans d’autres secteurs ».
Les restrictions pesantes de l’UE
Le contingent avec l’Union européenne est de 56.700 tonnes. Il n’a pas changé depuis presque 25 ans. « À l’UTICA, nous voulons le ramener à 100 mille tonnes », réclame Abdesslam Loued. En revanche, d’autres mesures restrictives ont été annoncées par l’UE, depuis juin dernier, touchant même directement les importateurs. « Même avec des demandes qui ont atteint, en ce début de l’année 2021, plus de 55 fois les demandes existantes, le taux de satisfaction ne peut pas dépasser le 1.18% », a précisé Loued qui a également expliqué que «Parallèlement à cette exigence du quota, les sociétés importatrices en Europe sont accablées par d’autres conditions qui rendent difficile, voire impossible, l’obtention d’une licence pour l’importation de l’huile d’olive tunisienne ». Par ailleurs, outre ces conditions contraignantes, d’autres mesures plus pénalisantes entreront en vigueur en 2021 et selon lesquelles les importateurs opérant sur le marché européen devront importer sur les deux dernières années 25 tonnes d’huile d’olive par an. Ils doivent également payer la caution de 200 euros par tonne. Des conditions contraignantes qui écartent du marché les petits importateurs et qui les contraignent à fermer boutique. « Face à ces mesures restrictives, on ressent le besoin incessant d’unir les efforts des secteurs public et privé pour appeler les décideurs européens à réviser le mode d’obtention de ces licences », a insisté Loued. Ils appellent les autorités tunisiennes à « adopter des mesures adéquates pour contrer cette injustice en encourageant, par exemple, la vente de l’huile d’olive emballée au lieu de l’huile d’olive en vrac pour être emballée à l’étranger et vendue sous d’autres labels », quand on sait que 90% de l’huile d’olive tunisienne, de qualité exceptionnelle, est exportée en vrac et vendue à une quinzaine de grands importateurs européens pour leur servir à rectifier leur huile.
Le Brexit, une opportunité à saisir
Exprimant son optimisme quant au Brexit, le PDG de «Rivière d’Or», Abdessalem Loued espérait que les négociations avec le vis-à-vis britannique faciliteraient les conditions d’octroi des licences exigées par le Royaume-Uni qui ressemblent à celles qui sont instaurées par l’UE. Il n’en reste pas moins que, selon lui, « les négociations qu’on mène avec un seul pays restent moins difficiles qu’on doit mener avec plusieurs pays en même temps, surtout que c’est un marché qui ne contient pas de concurrents qui bénéficient de subventions». Ayant le même regard optimiste, Abdelaziz Makhloufi, PDG de CHO Group spécialisé dans la production, le conditionnement et la distribution d’huile d’olive et produits dérivés, pensait que les opportunités sont réelles pour la Tunisie avec le Brexit en matière d’huile d’olive. « L’Angleterre, après sa sortie de l’Union européenne, a donné un avantage à la Tunisie d’un autre contingent estimé à 7723 tonnes », et d’ajouter que « Si l’Angleterre consomme aujourd’hui dans les 70 mille tonnes d’huile d’olive par an et la Tunisie n’y exporte que 3 tonnes en valeur absolue, on peut déduire que le potentiel est énorme et qu’on n’est pas en train d’en profiter ».
Certes, le Brexit pourrait créer de nouvelles opportunités commerciales pour les producteurs et les exportateurs d’huile d’olive qui se trouvent en dehors de l’UE. Selon le député britannique et envoyé commercial du Premier ministre au Maroc et en Tunisie, Andrew Murrison : « Les petits pays avec une capacité d’exportation, comme la Tunisie, pourraient être la clé d’une plus grande disponibilité, source d’huile d’olive à prix compétitif pour les consommateurs britanniques ». Pourrait-on ainsi dire qu’il est temps d’explorer les besoins de ce marché ? « Bien évidemment que oui », a répondu Makhloufi sans cacher une forte motivation. «Nous travaillons depuis quelque temps sur ce créneau avec un organisme facilitateur qui nous accompagne au Royaume-Uni. Nous espérons trouver le meilleur business-model pour placer nos produits en Grande-Bretagne», a-t-il expliqué. Mettre en place toute une stratégie de marketing qui met en valeur l’huile d’olive tunisienne semble devoir être une priorité des travaux, selon Makhloufi, qui pensait que « Nous devons accompagner notre produit pour que le consommateur britannique le reconnaisse et apprécie sa consommation. Au Royaume-Uni, notre produit et notre pays en général jouissent d’une image positive qu’il faut préserver. Nous devons soigner cette chance que nous procure l’accord d’association Tunisie-Grande Bretagne». Saisir l’opportunité du marché britannique ne doit pas certes éliminer d’autres marchés cibles tels que les marchés indien et brésilien qui commencent à susciter leur intérêt à l’huile d’olive tunisienne, encore faut-il mettre en place une bonne stratégie de communication qui met en valeur nos produits.