
À part le (prochainement ancien) résident de la Maison-Blanche, tous les gouvernements du monde sont en train de développer leurs capacités de production en énergie renouvelable. Objectif: remplacer, aussi rapidement que possible, les sources fossiles d’énergie pour lutter contre le réchauffement climatique.
La bonne nouvelle est que les derniers développements technologiques font que produire une électricité propre est, souvent, une option plus économiquement viable que l’électricité traditionnelle. En Tunisie, en revanche, les porteurs de projet de production électrique propre n’ont pas un accès facile aux financements.
Plus jamais de subventions !
Pour ce type de projets, il n’est pas rare de voir les développeurs faire appel à des fonds d’investissements locaux ou étrangers. Mais il semble que la Tunisie ne soit pas un marché très attractif pour ces investisseurs. Certes l’engouement y est, comme l’a noté Amina Abdelkarim, Senior Investment Officer à Proparco, lors d’un entretien avec Le Manager, mais il y a encore du chemin à faire. Mais pourquoi la Tunisie, un marché quasi-vierge récemment ouvert, n’a pas fait l’objet d’afflux des investisseurs ? Nous avons posé la question à Stéphane Boudon, CEO du fonds d’investissement AIM Luxembourg.
Sa réponse a été sans ambiguïté aucune. “Ce type de projets nécessite un amortissement de 12 à 20 ans. Il faut donc avoir la sécurité juridique pour pouvoir assurer les financements nécessaires alors que l’État tunisien se réserve le droit, dans le cadre de la clause de sortie, de changer le prix à tout moment”, a-t-il indiqué. L’investisseur a ajouté que “ce genre d’insécurité rend difficile l’obtention de financements parce que la réussite du projet dépend de la couleur et de l’humeur du politique et ceci est un risque que les financeurs n’acceptent pas”. Quid des subventions? Sont-elles capables de rectifier le tir ? Pas vraiment, car “les projets d’énergie renouvelable n’ont plus besoin de subventions pour être rentables”, souligne l’investisseur. Et d’ajouter: “Au départ, le prix des panneaux photovoltaïques nécessite l’intervention de l’État pour que le projet soit rentable”. Mais grâce au boom des industries photovoltaïques en Chine, ceci n’est qu’un (mauvais) souvenir.
Les banques à la rescousse ?
Mais face à la faible offre du private equity, les porteurs de projets d’énergie renouvelable n’ont de solution que de passer par les banques pour financer leurs projets. Seul hic: ces institutions financières ne sont pas toujours ouvertes à financer ces projets. Pourquoi sont-elles réticentes ? Pour Abdelkarim, les causes sont nombreuses. Pour les projets dans le régime des concessions, d’une capacité d’au moins 10 MW pour le photovoltaïque et de 30 MW pour l’éolien, les financements sont généralement importants que les banques locales n’ont pas les capacités nécessaires pour les financer. “Ces projets sont à maturité longue pouvant aller jusqu’à 20 ans alors que les banques locales ne peuvent pas dépasser les deux ans pour ce genre de subvention”, a expliqué l’experte.
Elle a aussi noté que les montants nécessaires sont aussi au-delà des capacités des banques tunisiennes. Pour remédier à cela, trois solutions s’offrent à nous selon l’experte. D’abord, les banques peuvent s’unir en pool pour financer ces projets et se partager les risques et la Proparco, assure l’experte, peut développer des mécanismes pour les soutenir. Deuxièmement, les partenariats public-privé peuvent être, d’après l’experte, une issue de taille pour accélérer le développement des projets de production de l’énergie renouvelable.
Cependant, l’experte prévient qu’il faut accompagner la structuration de ces projets à cause de leur haute technicité et sophistication surtout que les banques locales n’ont pas l’habitude de financer ce genre de projets. “Il faut peut-être accompagner les banques pour monter en compétences et leur doter de l’expertise nécessaire”, a-t-elle indiqué. La troisième solution consiste à l’apparition de fonds d’investissement spécialisés dans le financement de ces projets. Pour les projets dans le régime des autorisations, la situation est un peu plus délicate. Au fait, les projets ayant de faibles capacités de production, i.e. de moins de 10 MW, peuvent accéder facilement aux financements bancaires, estime Amina Abdelkarim, grâce notamment au soutien des programmes tels que Sunref.
Initié par l’AFD, ce programme vise à encourager les banques à financer les projets entre autres de production d’énergies renouvelables, a indiqué Alexandra Chauveau, Chargée de mission Secteur Privé/Secteur Financier à l’AFD. Ce programme, précise la responsable, offre une ligne de financement aux banques, un programme d’accompagnement technique pour les institutions financières, l’ANME et l’ANPE, ainsi qu’une prime pour les entreprises qui investissent dans des projets verts. Ce sont donc les projets dont la capacité est située entre 10 et 30 MW qui trouvent d’énormes difficultés pour accéder aux financements.
“Ces projets sont trop grands pour profiter du programme Sunref, mais d’une taille insuffisante pour jouir d’un accompagnement de la part de Proparco”, a indiqué Amina Abdelkarim. Selon elle, la solution serait donc par une intervention de l’État dont la mission serait de “donner plus de confort aux banques pour pouvoir financer ces projets”. Comme vous pouvez le constater, les problématiques impactant la capacité des projets à accéder aux financements sont nombreuses. Des solutions sont cependant possibles à mettre en place. La question serait alors: pourquoi ces solutions ne sont-elles pas implémentées ? À suivre…