Par Wafa Memmi, coach et formatrice en soft-skills
C’est vraiment dommage qu’un manager ne puisse pas utiliser les ressources dont il dispose. Et ce “je ne sais pas” vient d’où précisément ? Mon grand-père me disait toujours : “Je veux que tu saches qu’il est beaucoup plus facile de travailler soi-même que de faire travailler les autres”. Sur ce point, il a bien raison.
Déléguer veut dire affecter des tâches, un projet, quelque chose à faire à une autre personne. Il pourrait également être assimilé à s’attendre au même résultat, si ce n’est mieux que ce que nous aurions obtenu en faisant le travail nous-mêmes. Dire « Je ne sais pas » déléguer cacherait certaines peurs : la peur d’être déçu et/ou de décevoir, la peur de l’imperfection.
Dire je ne sais pas est ce qu’on appelle en coaching : une croyance limitante. Nous avons tout simplement besoin de lâcher prise et de casser cette croyance. Qu’est-ce qui me fait dire que je ne sais pas ou je ne peux pas ? Et si je le pouvais, qu’est-ce qui se passerait ?
Pour pouvoir déléguer, il suffit de se munir de ces 4 armes.
1. La volonté
Avez-vous déjà vu un enfant donner volontairement son jouet à quelqu’un en pleurant ? Possible, mais c’est très rare. En analyse transactionnelle, nous parlons de la position « Enfant » que prend chacun de nous dans plusieurs moments de la vie. Cette position est émotive et émotionnelle. C’est celle qui est responsable entre autres des pleurs, des rires, du plaisir. Un enfant est content lorsqu’il fait des choses qu’il aime.
Il a un grand sourire lorsqu’il va au manège, mange une glace ou plonge dans la piscine. Le sentiment est pareil pour le manager lorsque la délégation devient une volonté, un acte dont on est convaincu qu’il procure du « plaisir ». Alors pour que vous arriviez à déléguer, posez-vous la question : à quoi cela va-t- il me servir ? Quels sont les avantages à déléguer ? Quels en sont les inconvénients ? Quels sont les inconvénients s’il fallait faire le travail soi-même ? Mesurez et décidez !
2. La confiance
J’entends souvent des managers me dire : « Je ne peux pas déléguer, parce que je ne suis pas sûr d’obtenir le résultat souhaité à temps » ou « …parce que je n’ai pas confiance en la qualité du travail rendu ». La confiance est une ressource nécessaire à l’équilibre psychologique de la personne. Avoir confiance en soi et en ses capacités, nous facilite l’accès à la confiance aux autres.
Ces phrases mentionnées ci-dessus mettent le manager dans cette position d’accusateur ou de victime. Les sous-entendus peuvent être du genre : « Il n’y arrivera pas, il n’est pas assez compétent » ou « je lui ai déjà attribué des tâches, et il m’a causé un feed-back négatif du fait de son incompétence ». Ceci est néfaste pour le manager qui se trouve prisonnier dans ce triangle dramatique (de Karpman).
Alors, que faire ? Je vous propose de prendre la position Adulte de l’analyse transactionnelle et de dire : comment puis-je assurer un rendu de qualité ? Qu’est-ce que j’aurais besoin d’améliorer et en quoi je devrais travailler sur moi, pour un meilleur contrôle et suivi de la tâche ? Comment améliorer mes compétences d’encadrement pour avoir un résultat satisfaisant ? Et là, non seulement vous sortez du triangle, mais en plus vous cherchez à développer vos compétences managériales et vous vous apprêtez à passer à l’action.
3. L’écoute active
Quand on parle d’écoute active, on ne parle pas de la fonction auditive. Ecouter activement son équipe c’est comprendre le fonctionnement et le rôle de chacun, la sensibilité aux délais et aux détails de chacun. Et ceci me permet d’améliorer ma façon de donner les instructions : certains sont à tendance auditive, il suffit de leur dire oralement ce dont j’ai besoin pour qu’ils fassent avec récapitulation orale. Certains sont kinesthésiques, on peut alors intégrer des mots d’encouragement et leur tapoter l’épaule… et d’autres visuels qui auraient besoin de schémas ou instructions écrites.
Ensuite, il est question de mettre en place mes points de contrôle (certains ont besoin d’un suivi quotidien et d’autres une fois par semaine, certains travaillent mieux sous pression et d’autres bloquent quand on les brusque…). Personnellement, je trouve cette partie « observation » dans le travail d’un manager passionnante. Se mettre des défis différents chaque jour suite à l’écoute de l’autre, nous forge et nous rend plus intelligent émotionnellement et intellectuellement quant à la recherche de l’efficacité de l’équipe.
Si on a été choisi en tant que manager, ce n’est pas seulement pour nos Hard skills mais c’est pour nos soft skills et pour notre capacité à faire travailler l’équipe.
4. Se comporter en « Adulte »
Revenant à l’analyse transactionnelle, qui traite la position de Parent, Adulte et Enfant. Ce qui est recherché en comportement, c’est l’adulte. Le manager, chef d’équipe, a tendance à prendre la position de parent. Dans son livre « L’analyse transactionnelle », René Lassus parle du « Parent Normatif » qui donne des ordres et dicte ce qui doit être fait et comment le faire et de « Parent bienveillant » qui prend soin de son enfant et qui veille à ce qu’il ne manque de rien.
Dans la vie de l’entreprise, nous voyons des managers qui basculent entre ces positions, selon la situation, le contexte, le vis-à vis… Et lorsque nous sommes dans ces positions de parents, nous pouvons exercer ce que l’auteur appelle « les jeux psychologiques » — très bien expliqués par Eric Berne dans son livre « Des jeux et des Hommes ». Pour pouvoir déléguer correctement, et atteindre les objectifs de cette délégation, le manager a besoin d’être dans cette position neutre, la position d’adulte ; cet adulte qui observe, décide et agit.
Et maintenant que vous connaissez vos armes, quand allez-vous tester la nouvelle façon de déléguer ? De quoi avez-vous besoin pour passer à l’action ? Ces armes vont changer votre vie de manager. Comme je serai curieuse de voir combien vous serez fiers de vous. Tout en sachant qu’il y a certaines choses qui ne sont pas délégables.