Nous sommes un pays de tourisme. Certes, mais lequel ? Des années, des décennies passées mais la stratégie n’a nullement changé. Le pays est resté confiné au balnéaire, attirant une clientèle à moyen voire à faible pouvoir d’achat. Et pourtant, ni les compétences, ni les sites, ni les paysages ne manquent pour séduire des touristes aspirant à une expérience unique et à une évasion en mode découverte.
Le secteur du tourisme, un secteur stratégique en Tunisie qui s’est développé en se focalisant sur le tourisme de masse. Les attentes des consommateurs locaux et étrangers, cherchant un tourisme de qualité et demandant des produits et services de haut de gamme ont été mises de côté. Aujourd’hui, la Tunisie fait face à un nouveau défi face à une farouche concurrence étrangère. Oui ! Des entrepreneurs y ont cru et ont relevé le défi ! Ils sont la preuve que rien n’est impossible. Nebil Sinaoui, propriétaire de la Maison Dedine, et Mouna Ben Halima, fondatrice de La Badira, en parlent …
Les côtes de Hammamet ont vu s’établir La Badira fin 2014, Tabarka s’est enchantée au son de La Cigale, la Médina de Tunis s’est réconciliée avec des touristes à la quête d’un hôtel de charme Dar El Jeld et aussi à Gammarth a été greffée une autre enseigne des plus luxueuses, le Four Seasons. Tozeur, à son tour, s’est tout récemment garnie de son petit bijou l’Anantara. Sans compter l’hébergement alternatif des maisons d’hôtes luxueuses qui ont fleuri partout en Tunisie comme par exemple la Maison Dedine à Sidi Bou Saïd en juin 2019.
Une diversité de paysages, d’architectures d’Antan et régionales (désert, montagne, plage, archéologie, Histoire) qui fait de la Tunisie “plusieurs pays en Un”, lui procurant un fort potentiel dans l’hôtellerie du luxe et rendant celle-ci une destination plus attractive. Ces réalisations partent toutes d’une idée commune : celle de créer une nouvelle image du tourisme tunisien, à travers la valorisation du patrimoine national, qui permet aux clients d’embrasser un univers visant le luxe lors d’une expérience client authentique en Tunisie.
Deux impératifs : le sens du détail et la formation continue
Les métiers du Luxe sont sans nul doute les métiers qui se plient à une discipline et des normes particulières. En effet, le maintien et la réussite de l’hôtellerie de luxe tiennent compte impérativement de prérogatives précises comme charte du métier. Nous en citerons à cet effet l’innovation. Deux hôteliers à la tête d’enseignes luxueuses se rejoignent sur cette voie.

Mouna Ben Halima – celle qui a toujours cru en son rêve, celui de créer une unité hôtelière de luxe – met l’accent sur un mot d’ordre “l’innovation en continu et à tous les niveaux : dans le luxe, il ne suffit pas de faire beau une seule fois, l’important c’est la continuité dans l’excellence du service. Un service qui se doit d’être privilégié pour tous les clients en les considérant tous comme des V.I.P”.

À son tour, Nebil Sinaoui – un passionné de l’excellence – évoque “l’innovation en continu dans les recettes de cuisine, le suivi des dernières tendances technologiques dans le management de l’équipe, ce qui nous amène à penser sans cesse à l’innovation du produit, du service et du procédé”.
Ce dernier rajoutera que “les prestations sont les mêmes pour tous les clients, quelque soit leur nationalité. Dans ce sens, il est question de personnalisation des services pour le client étranger et le client tunisien, tout deux à la quête des services avec les standards du Luxe et une perception valorisante. Pour plus de précision, la charte des standards du luxe intègre la qualité des matières utilisées qui doit incontestablement être suprême pour ne pas faire faille. Mouna Ben Halima rajoute à cela “le sens du détail au niveau de tous les départements, à savoir l’équipement ultra-confort des chambres (isolation phonique et acoustique dans les chambres, oreillers, couettes, etc.) et la diffusion d’une image cohérente avec l’ADN et l’identité propre à l’enseigne sont de rigueur”. Autre élément essentiel est la main d’œuvre qui doit être parfaitement formée pour offrir les services et les informations nécessaires aux demandes d’une clientèle assez exigeante. Il n’en reste pas moins que Mouna Ben Halima précise que la main d’œuvre disponible (restauration, accueil, nettoyage, service, etc.) n’est pas initialement formée au luxe et particulièrement à l’hôtellerie de luxe. De ce fait, l’ensemble du personnel est en perpétuelle formation dès son intégration au sein de l’hôtel”. Il faudrait selon celle-ci mettre au premier plan la formation et la motivation du personnel “en véhiculant les mêmes valeurs du luxe pour toutes les catégories des employés (exigence, rigueur, diffusion de la culture de l’excellence et du mérite et souci du détail sont les mots clés de La Badira)”.
Nebil Sinaoui a, quant à lui, évoqué l’indisponibilité de la main d’œuvre qualifiée pour assurer un service de luxe tout en précisant que “la main d’œuvre disponible (1000 diplômés/an pour les 7 écoles de tourisme et hôtellerie) sur le marché de l’emploi n’est pas formée (nombre réduit d’écoles de formation) pour le secteur du Luxe. Une formation adéquate est importante à ce niveau”.
Ayant fait le tour de ce que doit comporter une charte des standards de l’hôtellerie de luxe, il serait judicieux de parler d’autres obstacles quant au maintien d’une image de luxe du secteur. En effet, pour renforcer l’image d’une destination de luxe, il faut indéniablement élargir la saison touristique. “Changer les codes standards du Tourisme de Luxe en Tunisie en étendant la saison touristique d’octobre à mai et non plus de juin à septembre”, a déclaré Mouna Ben Halima. Ensuite, et toujours selon Mouna Ben Halima, pour relancer le tourisme tunisien et monter en gamme dans l’offre existante vers une offre de luxe, “il serait souhaitable de mesurer l’apport de l’Open Sky pour l’économie tunisienne”.
Last but not the least, Nebil Sinaoui n’a pas manqué de rappeler “l’inexistence d’un cadre réglementaire du secteur du Luxe en Tunisie qui ne facilite pas la coordination entre les différents acteurs du marché”.
De belles perspectives …
En somme, une série d’obstacles est à surmonter pour le maintien du cap et vers la construction d’une image rehaussée du secteur de l’hôtellerie du luxe en Tunisie. Aujourd’hui, face aux changements des comportements des touristes tunisiens ou étrangers, le but est de capter une clientèle à forte valeur ajoutée et désireuse entre autres de la découverte des richesses et de l’authenticité de la Tunisie de ses régions. Ce secteur à fort potentiel recense également une émergence d’une classe moyenne qui se permet l’acquisition et la consommation de produits et services de luxe.
Le plus pour les enseignes serait de décrocher des labels de référence mondiale, par exemple le Label “Les Collectionneurs” et “Alain Ducasse”. Toutefois, pour promouvoir cela convenablement, il faudrait que les enseignes (actuelles et futures) travaillent davantage sur leur notoriété qui est “étroitement liée à la communication digitale et à la e-réputation”, Mouna Ben Halima. Autre impératif, l’alignement des activités des structures d’appui et des organisations professionnelles telles que la FTAV, le FTH, le ministère du Tourisme avec les prérequis et les défis du Luxe, en l’occurrence communiquer sur des aides concrètes. De beaux challenges qui feront rayonner la Tunisie. Un effort à déployer pour instaurer la culture du Luxe, la valorisation du patrimoine dans le nord-ouest et le sud du pays pour couvrir l’intégralité du territoire tunisien afin de redorer le blason d’une destination millénaire.