La microfinance ne cesse de jouer un rôle primordial dans le financement des plus petits acteurs de l’économie tunisienne. Les chiffres de 2019 en attestent. Pour les IMF-SA (au nombre de 7 avec une part de marché de 79,5%), l’encours de crédits s’est élevé à 1,038 milliard de dinars grâce à plus de 422 mille clients actifs. La taille du microcrédit moyen accordé aux activités génératrices de revenus est de 3 328 TND, ce qui montre la petite taille et la vulnérabilité des emprunteurs.
Mais les IMF-SA attirent aussi les clients des autres établissements de crédits. Ainsi, 20,9% de leurs clients actifs le sont auprès des banques et des compagnies de leasing et détiennent 28,5% de l’encours de prêts (295,5 millions de dinars), soit 5% de plus par rapport à 2018. Cela montre que les restrictions d’octroi de crédits imposées par la BCT ont poussé les entreprises à partir à la recherche d’autres sources de financement. L’encours de cette catégorie de clientèle est égal à 4,7x la valeur de celui auprès des IMF. De leur côté, ces dernières ont trouvé une clientèle solvable et de bonne qualité, avec un taux de défaut limité à 1,53%.
Les clients soulagés
L’impact de la crise de la COVID-19 sur cette industrie est très important puisqu’il s’agit de petits opérateurs dont les activités sont directement touchées par les mesures de confinement et de distanciation sociale.
L’Autorité de Contrôle de la Microfinance (AMC) a pris des décisions qui n’ont pas été sous les projecteurs des médias autant que celles de la BCT. Elle a invité les IMF à reporter d’une période comprise entre trois et six mois, le remboursement des échéances des microfinancements de leurs clients, dont les délais de remboursement sont initialement prévus entre les 01/03 et 31/08/2020.
En revanche, l’application des conditions de retrait de l’accord de l’AMC donné auparavant à une IMF pour octroyer des microfinancements d’un montant pouvant aller jusqu’à 40 000 dinars sur 7 ans, a été provisoirement suspendue jusqu’au 31 décembre 2020.
Cela devrait permettre aux clients de reprendre tranquillement l’activité. Il s’agit généralement d’artisans et des business de proximité qui devraient répartir avec la levée totale des restrictions liées à la crise sanitaire.
Un stress test pour le modèle économique des IMF
Tout cela est bon. Néanmoins, la question la plus importante concerne la solidité à moyen et long termes des IMF. Pour cette année, les bilans sont préservés. La classe de risque d’un client telle que consignée à la veille du report de ses échéances de remboursement, sera exceptionnellement maintenue la même jusqu’à la fin de la période de franchise. Par conséquent, aucune dotation aux provisions supplémentaire ne sera requise.
Est-ce que ces clients vont pouvoir continuer à honorer à leurs engagements ? Il ne faut pas oublier que tout le modèle économique des IMF est basé sur un taux de remboursement élevé. S’il s’aligne avec celui des banques par exemple, c’est la catastrophe. Cela explique d’ailleurs les récentes levées de fonds par certains opérateurs qui ont préféré galvaniser leurs trésoreries pour éviter toute mauvaise surprise. Celles qui ont des actionnaires étrangers vont pouvoir bénéficier de plus d’argents de leur tour de table grâce à la récente décision de la BCT. C’est un secteur qui requiert donc un peu de vigilance car il ne faut surtout pas qu’il dérive.