La Culture, un secteur économique aux contours flous
L’économie créative et culturelle est un secteur d’activité dont les définitions varient en fonction des pays et des approches de leurs politiques culturelles. Malheureusement, pour ce secteur et ses acteurs, en Tunisie, l’héritage des politiques culturelles de la dictature a empêché d’offrir une définition large, exhaustive et contemporaine de ce secteur. Ainsi, beaucoup de sous-secteurs d’activités qui sont considérés de par le monde comme faisant partie intégrante de l’économie créative et culturelle ne le sont pas en Tunisie (le gaming, la publicité, l’architecture, le design, la mode, une grande partie des nouvelles technologies, etc…). La nomenclature éclatée de ce secteur entre différents ministères empêche, d’une part, de pouvoir saisir de manière harmonisée l’étendue de sa réalité économique et, d’autre part, de pouvoir réellement développer un programme politique ambitieux de développement de ce secteur à l’échelle nationale en vue de positionner la Tunisie comme acteur régional. C’est d’ailleurs la raison des échecs des nombreuses tentatives de ces dix dernières années de cartographier ce secteur. Les différentes études que les acteurs privés tentent du secteur se heurtent toutes à la même difficulté qui est de pouvoir évaluer l’ampleur réelle du secteur afin d’élaborer un échantillon d’étude qui serait représentatif.
Des tentatives de chiffrer le secteur
Pourtant, des tentatives ont été faites, de celle de la Fondation Biat en 2018 jusqu’à celle de la Fondation Rambourg en 2019-2020 en n’oubliant pas l’initiative de l’Observatoire des Politiques Culturelles en 2017. Ces différentes études ont toutes tenté de répondre à ce défi qui était de mesurer et de chiffrer l’étendue de ce secteur porteur. La dernière en date, celle de la Fondation Rambourg qui sera publiée très prochainement, a administré un questionnaire quantitatif à 202 entrepreneurs créatifs et culturels. Ce questionnaire a été élaboré suite à des entretiens qualitatifs avec 24 experts des sous-secteurs de l’économie créative et culturelle. Cette étude donne des pistes de changements réglementaires et légaux qui pourraient être adoptés en vue de réparer les dysfonctionnements qui freinent un réel développement du secteur aujourd’hui. Entre autres, une nouvelle nomenclature concernant les secteurs d’attribution du ministère, mais aussi des réformes législatives concernant le droit à la circulation des œuvres, ainsi que des pistes de réflexion en ce qui concerne l’exploitation du patrimoine national. Sans oublier l’expression des besoins des entrepreneurs des différents sous-secteurs en termes d’accompagnement et de développement de leurs entreprises.
La Covid-19, une crise et une opportunité pour ce secteur
Les résultats de cette étude risquent malheureusement de n’être qu’une radiographie d’un temps qui n’existe plus puisque la crise mondiale du Coronavirus qui se répercute sur l’ensemble des secteurs économiques touche le secteur de la culture avec encore plus de violence. L’ensemble des festivals publics d’été ont été annulés et personne ne peut dire avec certitude quand est-ce qu’il sera possible à nouveau de réunir un public pour assister à des événements. Cela signifie d’une part que la manière de faire de la Culture et la manière de consommer de la Culture vont radicalement évoluer et d’autre part, cela est le signe d’une opportunité pour les acteurs publics, privés, institutionnels et indépendants de ce secteur de dépasser les choses qui les empêchaient de se développer. L’équipe ministérielle en place semble avoir dessiné un programme ambitieux où l’échange entre les différents membres de l’écosystème est le maître mot. Espérons que le temps soit laissé à cette équipe pour réussir son pari d’améliorer les choses et que ce secteur puisse enfin connaître l’impulsion nécessaire à son développement. Cette impulsion, il faut le dire, n’est pas à chercher dans le contrôle ou dans un ministère opérateur, mais bien plutôt, dans une ouverture de la législation et une souplesse dans la réglementation afin de laisser les entrepreneurs créatifs et culturels prendre d’assaut le marché mondial de la création et de la culture.