Avec des millions de Tunisiens passant la plupart de leur temps sur Internet, la Toile est devenue l’une des destinations préférées des annonceurs tunisiens. Profitant de cette hausse des dépenses publicitaires sur Internet: Facebook, YouTube et Google.
Bien que les chiffres manquent, il est clair que les géants californiens sont en train d’accaparer une partie considérable du marché local tunisien … sans pour autant être soumis aux mêmes exigences fiscales que les entreprises locales.
Un énorme manque à gagner
La Tunisie n’est certainement pas le seul pays où ce phénomène est en train d’accroître: “Au vu de l’évolution des modèles économiques grâce au numérique, à la non-localisation des activités, à la prolifération de plateformes de services et d’intermédiation (Airbnb, Google, etc.) qui réalisent des bénéfices importants en raison du volume d’affaires généré, et vu que ces plateformes sont basées dans des paradis fiscaux ou à l’étranger et prêtent leurs services à distance, elles ne sont pas imposables et ne payent pas de taxes dans les pays où elles exercent effectivement”, a souligné l’ITES dans un rapport intitulé “Transformer l’Etat et l’Administration via le numérique vers une rupture de paradigme”.
L’impact de ces optimisations est certes considérable. En Europe, par exemple, l’ITES estime que grâce aux techniques d’optimisation fiscale et à l’installation de leurs filiales dans des pays où leur taux d’imposition est plus léger, “les géants du numérique supportent 14 points d’impôts de moins sur leurs bénéfices que les PME européennes (9,5% contre 23,2%)”.
Plusieurs actions ont été entamées, notamment en Europe, pour limiter les effets de ces fraudes fiscales. La France, par exemple, a adopté, en juillet 2019, une taxe dite des services numériques. Cette taxe est applicable aux entreprises du numérique exerçant trois types d’activité en France : la publicité ciblée en ligne, la vente de données personnelles à des fins publicitaires et les activités de plateformes d’intermédiation.
Cette taxe de 3% du chiffre d’affaires est applicable aux services disposant d’une large audience et générant des revenus importants. Deux seuils d’assujettissement sont ainsi prévus : 750 millions d’euros de services numériques taxables au niveau mondial et 25 millions d’euros de services numériques taxables au niveau français. L’impact de cette mesure : un rendement de 500 millions d’euros par an, selon le rapport de l’ITES.
La Grande-Bretagne a également envisagé une telle taxe mais uniquement à hauteur de 2% du chiffre d’affaires.
Taxer le peer-to-peer
Une autre source de fuites fiscales concerne les utilisateurs des plateformes et non les plateformes elles-mêmes. À Airbnb, par exemple, les hôtes ne procèdent souvent pas à déclarer les revenus générés sur la plateforme. Ceci est aussi le cas pour certains qui, souhaitant capitaliser sur le succès de la plateforme, sont allés jusqu’à acheter des locaux spécialement destinés à la location et à en faire un métier à part entière.
Ceci a eu deux effets négatifs, souligne l’ITES dans son rapport. D’abord, ces particuliers qui mettent leurs biens à la location échappent à toute fiscalité en termes d’impôt sur le revenu. Pis encore, la prolifération d’Airbnb a privé certains pays de la TVA et la taxe de séjour que payaient les touristes en hôtel. Afin d’y remédier, plusieurs villes dans le monde ont conclu des accords avec la plateforme de location pour qu’elle collecte les taxes de séjour pour leur compte.
En France, note le rapport de l’ITES, Airbnb demande même aux propriétaires de locaux de s’immatriculer et de collecter et reverser la TVA.
Pour la Tunisie, où tous ces services sont très actifs, ne serait-il pas aussi intéressant de penser à collecter les taxes sur les revenus générés par ces entreprises sur le marché local ? Pour l’ITES, la réponse est certainement une affirmative. L’Institut recommande dans ce cadre de “bien encadrer la fiscalité du numérique afin d’endiguer et de limiter les risques de l’optimisation fiscale ainsi que les risques de fuites fiscales”.