Se faire plaisir en achetant un produit de Luxe fait référence de tout temps à se procurer un produit importé à des prix exorbitants. Notoriété et renommée obligent. Et si le savoir-faire tunisien se fait une place dans ce beau monde…
La mondialisation, paramètre né depuis plusieurs années, a mis diverses civilisations en accord sur un comportement d’achat des produits de luxe. À la fois identique et imperceptiblement différent, le temps des marques a ainsi pris le pas sur les pratiques et activités artisanales.
Toutefois, l’avènement d’une crise amène les décideurs à repenser les ancrages de leurs activités ainsi que leurs particularités. Le but est d’anticiper des mesures de relance et de définir de nouvelles stratégies à entreprendre. Qu’en est-il des activités déjà existantes dans le domaine de luxe en Tunisie ? Quelles sont les éventualités qui s’offrent aux entrepreneurs tunisiens et enfin les habitudes de consommation vont-elles être touchées ?
Nouvelle feuille de route pour un nouveau départ
Le secteur du Luxe est par excellence le secteur qui résiste aux diverses turbulences qu’elles soient d’ordre économique, social ou bien culturel.
Toutefois, aujourd’hui faisant face à la crise sanitaire mondiale du virus Covid-19, les dés vont être inversés. Du moins en ce qui concerne la Tunisie. Nous pouvons, dans un premier temps, déjà dire que la crise a finalement eu raison de cette situation et va sans doute modifier le comportement d’une majeure partie des consommateurs. Nous ne saurons dire si, dans un contexte traversant une crise aussi bien sur le plan sanitaire que sur le plan économique, les biens matériels constituent-ils un luxe primordial à avoir ?
Il serait souhaitable alors d’orienter la réflexion vers des expansions horizontales dans différentes catégories traditionnelles du luxe. En effet, un des changements sera de dresser un nouveau paysage économique en Tunisie après la Covid-19. Et ce, en modifiant conséquemment la production et la distribution des produits haut de gamme. Le tout, en essayant de transmettre un héritage en cohérence avec nos habitudes de consommation. À titre d’exemple et suite à la crise financière en 2008, François-Henri Pinault, CEO de Kering, considérait que « il y a une nouvelle perception de ce qu’est le luxe. Un luxe moins sophistiqué et discret où les notions d’héritage et de savoir-faire jouent un grand rôle ». L’opportunité s’offre donc aujourd’hui au marché tunisien pour la valorisation du patrimoine national. On parlera donc de rediriger le comportement d’achat des tunisiens face aux produits de luxe. Et ce, avec un retour notamment à la consommation de nos produits locaux faisant appel au savoir-faire ancestral des artisan(e)s. À ce titre, Bottega Venetta a ainsi continué à manufacturer ses produits en Italie après la crise en 2008. Il a également investi dans ses artisans pour garantir une production de qualité selon les savoir-faire traditionnels. Cette décision mûrement réfléchie a assuré à la marque deux coups d’avance sur ses concurrents paniqués.
Parallèlement, il est à noter qu’il faudrait saisir cette crise comme une opportunité pour s’étendre, s’adresser à de nouveaux segments de consommateurs potentiels. Ainsi que de mettre à leurs dispositions un large éventail de produits accessibles. En effet, il n’y a pas de réponse ni de langage universel quand il s’agit d’appréhender l’étendue des consommateurs potentiels. Mais plutôt fixer une stratégie basée sur un langage spécifique. Outre cela, garder à l’esprit de répondre au rêve recherché par les consommateurs avec une touche de créativité. Comme l’a souligné Bernard Arnault après la crise de 2008 « La capacité à apporter de la nouveauté demeure le moteur le plus vital », claironnant « La créativité c’est [le choix] pragmatique ».
Le redémarrage va certainement être progressif et de nouvelles pratiques vont certainement voir le jour. Toutefois, il serait indispensable de songer pour cette relance à créer un langage spécifique. Et ce, en relatant tout simplement l’histoire de l’authenticité de nos produits.
« Back to the roots »
La Tunisie regorge de secteurs d’activités porteurs. Le textile, à titre d’exemple, est un domaine plus que maîtrisé en Tunisie et regorge, quant à lui, de compétences. Partant de cette volonté de création, le tissage de la soie est devenu par exemple un défi continu pour offrir un produit authentique répondant aux exigences du luxe. Le pays est également connu pour être un des meilleurs producteurs d’huile d’olive. Il se positionne dans le renforcement et la valorisation de ce produit du terroir. Néanmoins, et pour s’aligner aux exigences et aux standards du luxe à l’international, il est souhaitable de décliner cette production d’huile d’olive en l’élaboration de propres marques. Toujours dans la gastronomie tunisienne, certaines enseignes ont su revisiter les codes du raffinement. Et ce, en mélangeant nos matières premières exceptionnelles à un savoir-faire culinaire. La présentation originale de ces mets reste toutefois incontournable pour rehausser le plat. Sans oublier, l’artisanat tunisien, un des drapeaux de notre pays par sa richesse et son originalité. Pour ce faire, la pérennité de ce savoir-faire ancestral est cruciale. Toutefois, pour relever ce défi de l’excellence et de mise en valeur du patrimoine national, il est impératif de conjuguer soigneusement la perfection, l’innovation et le sens du détail à la haute qualité.
Tous ces métiers ont su attirer des entrepreneurs tunisiens et des premiers noms sont d’ores et déjà à la tête de ces activités. Nous citerons, à titre d’exemple, Skila pour la soie, Traiteur signature pour la gastronomie, ou encore Musk & Amber, Cinq étoiles pour l’artisanat, l’art et le design.
Ces noms ont fait l’honneur de se réunir lors de la première édition de la conférence qui a eu lieu en novembre dernier autour de la thématique du luxe en Tunisie (*). Enfin, le paysage du secteur du luxe est fier de compter ces marques. Il ne peut être reconnu à l’international que s’il y a dans les prochains temps une expansion de ces activités avec un accompagnement des divers organismes de l’État. Pour appuyer ces réalisations et expliquer le cadre réglementaire dans lequel agissent les différents acteurs du secteur, des personnalités de la sphère socio-politique ont apporté leurs témoignages. M. Slim Feriani, ancien ministre de l’Industrie et des PME, avait cité les secteurs stratégiques et d’avenir. Et ce, en pointant notamment du doigt le secteur du textile et de l’habillement. Mais également la construction des catamarans et la production de l’huile d’olive. De son côté, SEM l’Ambassadeur de France en Tunisie – Olivier Poivre d’Arvor a également énuméré plusieurs exemples précieux de productions tunisiennes dans diverses villes à mettre en valeur. Citons à titre d’exemple l’éponge de Kerkannah, la soie de Mahdia et le «Mrach » d’eau de fleur d’oranger de Tunis (également en argent). Produire donc en Tunisie serait souhaitable selon lui pour rendre le luxe accessible. Et les recettes qui permettent le décollage sont la production de la valeur ajoutée et l’exigence de l’excellence. M. le Président de la Chambre Tuniso-Italienne du commerce et de l’industrie et associé du cabinet Mazars – Mourad Fradi a quant à lui insisté sur le fait qu’il faudrait valoriser et faire rayonner l’artisanat tunisien. Par exemple, le Tapis Kerouanais qui “répond aux normes et spécificités du luxe et qui respecte la charte d’un développement artisanal de luxe” ne se trouve pas dans des hôtels à l’étranger. Il ajoute qu’il serait nécessaire d’innover et suivre les tendances. Et ce, pour faire faire un produit de luxe qui serait commandé dans le monde entier”.
Ce flashback montre que ces initiatives existent bel et bien depuis quelques temps. Et que l’arrêt brutal de toutes les activités dans le monde permettra de se focaliser encore plus sur les potentialités et les capacités locales. Et ce, pour un éventuel développement de nouvelles créations et de nouveaux marchés.
Et demain … ?
À la lumière de tous ces constats et des propositions énumérées, l’avenir du marché naissant du luxe en Tunisie reste plus que possible et concrétisable !
D’une part, la légitimité de l’application des démarches marketing a pendant longtemps été remise en cause par les acteurs de ce secteur naissant qui souhaitaient ignorer tout ce qui ne relevait pas du registre de la tradition et de l’artisanat. Or, il s’avère que cette conception n’a plus que très peu de raisons d’être. Et ce, compte tenu des mutations profondes que le secteur du luxe a connues.
En effet, les entrepreneurs ont désormais une double tâche pour entamer les démarches dans ces métiers d’avenir. Il y a donc et tout d’abord cette culture du détail – l’exigence même des codes du Luxe – qui est primordiale à inculquer. Et ce, en vue de s’aligner aux standards internationaux du secteur. Ensuite et en se plaçant dans l’esprit du consommateur, il faudrait inculquer une nouvelle culture de consommation. La vision actuelle du luxe qui revisite la vision traditionnelle. Une nouvelle perception des produits et services du luxe dans leur intégralité, mais également du marché du luxe tunisien. Une place existe effectivement pour cette activité niche aux notions culturelles particulières. En effet et tenant compte du fort potentiel (savoir-faire, matières premières et ressources), un effort est à déployer pour la contribution économique nationale ainsi que l’organisation d’un plan de continuité.
(*) : lien de l’article : https://www.lemanager.tn/2019/11/05/les-metier-du-luxe-une-histoire-de-reves-qui-a-ses-propres-exigences/?fbclid=IwAR1L2nB5aJnDbEFsC1YGqm5bW_Wpr14hpO9jQ82q151T92171cc24lGOeGA