Vendre en direct aux consommateurs en contournant les distributeurs a gagné en popularité ces dernières années. Mais ce modèle a peiné à décoller … jusqu’à ce que le Coronavirus a tout changé. Détails.
Le modèle de vente directe aux consommateurs s’est construit autour d’une désintermédiation de la chaîne logistique de distribution traditionnelle : les marques vendent directement aux consommateurs en s’affranchissant des revendeurs et des distributeurs. Elles entendaient ainsi intégrer toute la chaîne de valeur et maîtriser l’ensemble de la relation avec leurs clients.
Le direct to consumer (D2C) prend de l’ampleur auprès des marques historiques sous pression des nouveaux concurrents, les DNVB (digitally native vertical brands) qui s’adressent, nativement, en direct à leurs consommateurs.
Depuis cinq ans, les marques D2C se multiplient, profitant des opportunités offertes par le e-commerce ou le social selling (vente via Instagram ou Facebook). Les premières à avoir attiré les clients en masse sont Warby Parker ou Bonobos aux Etats-Unis, suivis en France par Jimmy Fairly, Le Slip Français ou encore Sézane. Ce succès a peu à peu attiré tous les secteurs de la grande consommation, de l’alimentaire à la mode en passant par l’équipement de la maison…
Un engouement constaté également dans les grands groupes. Grâce au D2C, Nike a affiché une croissance de 33% de ses recettes entre 2016 et 2018[1]. Unilever, a, quant à lui, pris cette option par croissance externe avec le rachat d’un concurrent émergent Dollar Shave Club (marque de rasoirs vendue sur abonnement). Tout comme Walmart, qui a fait l’acquisition de pure players comme Bonobos et ModCloth en 2017.
Et cela devrait s’intensifier puisqu’en 2017, les ventes D2C avaient progressé de 34% en glissement annuel, représentant 13% de la totalité des ventes e-commerce.
Et les chiffres de eMarketer ne font que le confirmer. En 2019, les ventes de commerce électronique D2C ont atteint 14,28 milliards de dollars aux États-Unis. En 2020, nous prévoyons que les ventes augmenteront de 24,3% pour atteindre 17,75 milliards de dollars. Bien qu’il soit trop tôt pour prédire le plein impact de la pandémie de Coronavirus sur les ventes de D2C, nous prévoyons que les marques du secteur seront confrontées à des défis croissants.
En vendant directement aux consommateurs, les enseignes D2C, affranchies d’intermédiaires, peuvent gagner en compétitivité grâce à une meilleure maîtrise des prix et offrir un parcours client plus fluide. Par ailleurs, les prix peuvent être plus intéressants pour les consommateurs si les coûts de distribution sont inférieurs à ceux demandés par les distributeurs.
Enfin, les marques D2C peuvent pérenniser leur relation avec leurs clients en collectant et analysant des données sur leurs comportements, leurs besoins, etc. pour leur proposer des produits et services sur-mesure. Ce procédé, qui pourrait sembler évident pour n’importe quelle enseigne à l’ère digitale, a vraiment fait la différence avec les distributeurs qui s’y sont essayés avec plus ou moins d’efficacité.
L’exemple le plus marquant de la pression exercée par les marques D2C sur les circuits de distribution traditionnels est celui de Gillette, dont les parts de marché se sont effondrées, passant de 70% en 2010 à 54% en 2016, au profit de nouvelles enseignes directes. Dollar Shave Club et Harry’s se sont respectivement arrogés à 8% et 2% du marché du rasage masculin, valorisé à 2,8 milliards de dollars depuis leur lancement (en 2012 pour Dollar Shave Club, en 2013 pour Harry’s).
Si les barrières à l’entrée réduites favorisent le développement des canaux D2C, la croissance et l’optimisation de ces derniers représentent un vrai enjeu, nécessitant des investissements conséquents. En mettant en place leurs propres canaux de vente directe aux consommateurs, les marques ou fabricants doivent en effet développer des expertises, équipes et infrastructures nouvelles et ne peuvent plus s’appuyer ni sur le savoir-faire et le réseau en place des distributeurs.