Aurions-nous fourni tous les équipements, les intrants et les opportunités nécessaires à un ménage pour pouvoir produire, générer des revenus et scolariser ses enfants, qu’il n’en reste pas moins qu’à la première inondation, à la première sécheresse, il sera obligé de vendre ses biens, ses actifs, et retombe en conséquent dans la pauvreté? Et ce qui est plus effrayant, c’est que le cycle de pauvreté se transmet de génération en génération. Au niveau de la communité, le changement climatique vient aggraver tensions et difficultés préexistantes, et affecter les infrastructures et la prestation des services.
C’est dire qu’on ne peut pas réduire la pauvreté sans développer la résilience dans les communautés vulnérables afin qu’elles puissent s’adapter au changement climatique. Et c’est au cœur de la mission même du PNUD que de vaincre la pauvreté dans le monde et de promouvoir un développement durable qui intègre les dimensions sociale, économique et environnementale sans laisser personne pour compte.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus ignorer l’étroite relation entre le changement climatique et les inégalités. D’une façon générale, tant au niveau des pays qu’à celui des individus, les moins riches sont les plus vulnérables au changement climatique, quand bien même ce sont les plus riches qui sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre. Les gaz à effet de serre, et en particulier ceux de dioxyde de carbone, sont à la base de l’ensemble du fonctionnement de nos sociétés et de nos économies. Notre façon de nous déplacer, de nous alimenter, de nous loger, de nous chauffer, de produire les biens et services, d’organiser nos villes, etc., dépendent de la combustion d’énergies fossiles, c’est-à-dire, du charbon, du pétrole ou du gaz naturel.
Il y a donc une sorte de double peine pour ceux qui subissent – et subiront – le plus les impacts du changement climatique et qui sont en même temps ceux qui contribuent le moins au problème. Il faut néanmoins reconnaître que les effets du changement climatique (vagues de chaleur, sécheresses, montée du niveau de la mer…) touchent également les pays et les personnes riches. Bien que les discussions au niveau global aient porté principalement sur les inégalités entre pays dans le cadre du débat sur la justice climatique, il convient de prêter davantage attention aux inégalités au sein des pays. Le changement climatique est un multiplicateur d’inégalités et une des causes d’exclusion de certains groupes en situation de vulnérabilités. Certaines inégalités ont pour origine des facteurs démographiques, tels que le sexe, la race, l’ethnie, la religion et l’âge ; d’autres sont relatives aux actifs et au niveau de revenu. Un troisième type d’inégalités concerne la prise des décisions publiques (pouvoir politique) et l’accès aux ressources publiques, tels que les services de santé, d’éducation, de logement, de financement et autres financés par l’État. Il va sans dire que ces différents types d’inégalités sont interdépendants.
Les inégalités structurelles et sous-jacentes dans une société exposent les pauvres et les défavorisés. La relation entre le changement climatique et les inégalités sociales est caractérisée par un cercle vicieux : L’inégalité initiale faisant que les groupes défavorisés sont vulnérables et souffrent de manière disproportionnée des aléas climatiques, ce qui réduit leur capacité de s’en remettre, aggravant davantage leur précarité et l’inégalité ultérieurement.
Les femmes encore au premier plan de la précarité
Incontestablement, les changements climatiques touchent différemment la vie des femmes et des filles. Elles ont en charge les moyens de subsistance des familles et les tâches domestiques que le changement climatique rend encore plus difficiles, comme l’approvisionnement en eau et en denrées alimentaires, ainsi que l’accès à l’énergie, hélas parfois polluante. Ceci se fait au dépend de leur temps, de leur éducation et de leur santé. L’injustice est double car les femmes ont toujours été à l’origine de nombreuses réponses et solutions d’adaptation. Indéniablement, le climat constitue une problématique locale d’envergure planétaire, de nature à cristalliser toute une série d’enjeux environnementaux, économiques et politiques qui transcendent les divisions sectorielles.
Cette question doit faire l’objet d’une coopération entre l’Etat, les collectivités locales, le secteur privé et la société civile. Il y a aussi des décisions de gouvernance très importantes tels que l’aménagement du territoire, le développement des infrastructures résilientes, mais également les décisions de subventions et autres qui doivent prendre en considération les thèmes climatiques et la dimension genre du point de vue des besoins différents des femmes et des filles mais aussi des impacts différentiels sur leur bien-être, leurs opportunités et leur développement. L’efficacité des actions climatiques en dépend fortement.
L’appui du PNUD pour que la croissance et le climat fassent bon ménage
L’Organisation des Nations Unies, dont le PNUD, s’intéresse à la question climatique parce qu’elle constitue une menace multi-dimensionnelle à multiples faces pour la sécurité humaine et le développement durable. Avec une présence dans 170 pays, le PNUD constate directement comment les risques liés au climat sapent les efforts des pays pour réaliser le Programme de Développement Durable à l’horizon 2030 (connu comme l’Agenda 2030) et ses 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) auxquels ont souscrit les 193 États Membres de l’ONU en 2015, dont la Tunisie, et comment ils amplifient l’exclusion et les inégalités. De plus, les coûts associés aux catastrophes climatiques sont de l’ordre de toute la coopération au développement. En 2018, Munich Re, une société mondiale de réassurance et de gestion des risques, a estimé le coût des sécheresses, inondations, tempêtes, glissements de terrain et incendies à environ 145 milliards de dollars américains, un montant égal à l’investissement en aide globale durant cette même année !
Avons-nous encore le temps de faire ce qu’il faut ?
Tous les pays qui ont signé l’accord universel sur le climat et le réchauffement climatique, connu comme l’Accord de Paris, se sont engagés à intensifier la réponse planétaire à la menace du changement climatique en maintenant l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2°C, et de mener des efforts encore plus poussés pour limiter cette hausse à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels par l’intermédiaire des contributions déterminées au niveau national (CDN). Cependant, pour que les CDN débouchent sur une action climatique réelle, elles doivent être ambitieuses et promouvoir des changements économiques, politiques et sociaux à grande échelle. La Tunisie a soumis sa CDN visant à réduire de 41% l’intensité de carbone d’ici 2030 par rapport à 2010. Cet objectif a été confirmé comme engagement national avec la ratification de l’Accord de Paris par l’Assemblée des Représentants du Peuple en octobre 2016.
Le PNUD appuie au niveau global les pays à réduire leur émission de gaz à effet de serre. Le dernier plan stratégique du PNUD au niveau global (2018-2021), qui définit le cadre programmatique et opérationnel de tous les bureaux nationaux du PNUD, met en avant la problématique phare du changement climatique. En outre, lors du Sommet Climat en Septembre 2019, l’Administrateur du PNUD a annoncé le compromis de cibler 100 pays pour recevoir des financements et appui technique additionnels pour atteindre leur CDN. La Tunisie figure parmi les 26 premiers pays à avoir obtenu un financement pour appuyer le gouvernement à accélérer les engagements pris en 2015 dans la CDN Tunisienne.
En Tunisie, le PNUD dispose d’un portefeuille diversifié de 17 millions de Dollars Américains investis dans des actions climat tant au niveau de l’atténuation qu’au niveau de l’adaptation. Ces investissements, ainsi que le reste du programme du PNUD, sont soumis à des normes et procédures d’examen des dimensions sociales et environnementales (Social and Environmental Standards Procedures, SESP) pour intégrer la durabilité environnementale et sociale dans les projets et programmes soutenus par le PNUD afin de favoriser le développement durable. En outre, le PNUD maintient en ligne des dispositifs permettant de répondre aux préoccupations concernant les projets et programmes soutenus par le PNUD, notamment, des mécanismes de règlement des griefs et de réponse aux parties prenantes.
Une unité spécialisée au niveau du Siège est chargée du respect des normes environnementales et sociales et de la garantie de la reddition de comptes sur les projets et programmes soutenus par le PNUD envers les personnes et les communautés. Cette redevabilité et cette transparence vont dans le sens du compromis du PNUD et de l’efficacité de ses actions. Au niveau de ses opérations, j’évoquerais à cet égard avec forte conviction l’initiative onusienne “greening the blue”. Celle-ci fait référence à la notion de la préservation de l’environnement et la réduction de l’empreinte climatique des agences, Fonds et Programmes des Nations Unies. L’Administrateur du PNUD a mis la barre encore plus haut et s’est engagé à diminuer de 25% les émissions de gaz à effet de serre du PNUD d’ici 2025 et de 50% à l’horizon 2030.
Ceci a des implications sur le modèle des affaires comme les voyages et les déplacements, la gestion du parc automobile, l’achat du volume important de biens et de services (mise en œuvre d’une politique d’achats écologiques) et la gestion des déchets, y compris l’élimination des produits en plastique à usage unique dans tous les bureaux du PNUD.
Pour finir….
La Tunisie est parmi les pays les plus engagés au niveau du changement climatique. Je prends acte de toute la force de sa jeunesse et de son poids dans la transition démocratique. J’aimerais qu’autant de créativité et de conscience soient déployées pour protéger l’environnement et pour promouvoir des changements économiques, politiques et sociaux à grande échelle pour contrecarrer et réduire les risques et les impacts du changement climatique. Ils peuvent sûrement actionner un changement positif à travers leurs projets d’entrepreneuriat, leur plaidoyer et leur model de production, de transport et de consommation. Ils sont une source d’espoir et d’inspiration. Ce sont ces signaux que nous saisissons sur le terrain qui m’entraînent et qui font que je me réveille tous les jours pleine d’enthousiasme.