Dans une interview accordée au Journal Le Maghreb, le Chef du Gouvernement (CDG) a donné sa feuille de route économique.
Une croissance revue à la baisse
Le premier chiffre concerne le taux de croissance pour 2020. Contrairement aux prévisions de la Loi de Finances 2020 qui tablait sur 2,7%, la Tunisie se dirige vers un taux effectif de 1% seulement. 50 points de base seront perdus à cause du Coronavirus.
En ce qui concerne la relation avec le FMI, le CDG s’est montré clair : la Tunisie n’a pas le choix. Elle doit collaborer avec le Fonds pour tenter d’arracher une tranche de 1,3 milliard de dinars dans le cadre du programme en vigueur. Non seulement cela permettra d’alléger les pressions sur les finances publiques, mais il contribuera à une sortie sur les marchés internationaux dans de meilleures conditions. Une visite de l’équipe du FMI avant le 20 mars serait un bon signe dans ce sens. Autrement, nous n’aurons plus le temps et le pays devrait retenir sérieusement l’hypothèse de l’absence de ces ressources.
Par ailleurs, le Gouvernement compte négocier un nouveau programme et de rattraper le retard dans l’exécution des engagements antérieurs. L’objectif serait un redressement définitif de la situation économique, matérialisé par un meilleur rating souverain. Le pays doit avoir la capacité de sortir, sans la garantie implicite du FMI, sur les marchés.
A priori, le Gouvernement ne dépasserait pas le seuil prévu d’endettement pour 2020. Pour cela, il devrait aller piocher dans ses dépenses, sans exception et y compris la masse salariale. Cela ne signifie pas qu’il compte réduire les salaires ou les geler. C’est plutôt une rationalisation des revalorisations salariales de sorte à ce qu’elles riment avec l’amélioration des services publiques et les équilibres budgétaires. Le Gouvernement compte procéder au redéploiement de ses ressources humaines comme un pas vers une meilleure qualité des services administratifs.
Vers un nouveau modèle de croissance
Les actions envisagées de l’équipe de la Kasbah peuvent être réparties en deux grands groupes. Les premières sont de nature urgente et seront annoncées dans une conférence nationale le 28 mars 2020. La question du bassin minier sera traitée en impliquant toutes les parties prenantes à ce dossier épineux et en tenant compte du fait que la démarche actuelle va finir par la faillite de la CPG.
L’essentiel de la politique économique fera l’objet d’un plan stratégique 2021-2025 qui sera publié au cours du mois de novembre 2020. Il doit mettre en place les jalons d’un modèle économique moderne, dans lequel l’Etat joue le rôle de régulateur. Mais d’ici là, il devrait intervenir dans le développement des infrastructures nécessaires à la transformation digitale et la création d’une nouvelle génération d’entreprises à forte valeur ajoutée. Un fonds sera dédié et dont l’intervention sera directe et indirecte et via un nombre réduit de mécanismes fixés par avance. Ainsi, et contrairement au modèle actuel basé sur une main-d’œuvre à faible coût, la croissance recherchée a besoin de ressources humaines hautement qualifiées.
Un point important est à signaler. Le nouveau modèle compte bien s’intégrer dans une logique de décentralisation de décision économique, où l’acteur devrait assumer ses responsabilités devant une population locale.
Quelle place pour les partenaires sociaux ?
Tout cela est beau, mais il ne faut pas oublier qu’il y a une forte présence syndicale dans le pays. Pour le CDG, l’UGTT sera impliquée dans cette démarche avec comme objectif un nouveau contrat social. Il n’y aura plus de place à ceux qui cherchent à arracher le maximum d’avantages sectoriels. La nouvelle approche est celle d’une amélioration des conditions de vie de tous les Tunisiens, notamment via des services publics plus efficaces de santé, d’éducation et de transport.
Pour atteindre tous ces objectifs, qui font réellement l’unanimité de tous les Tunisiens, il faut une condition sine qua non : la stabilité gouvernementale. C’est là où réside toute la difficulté.