“L’ambition dont on n’a pas le talent est un crime”, disait Chateaubriand. Bourguiba, qui avait incontestablement le talent diplomatique, a donné une dimension telle à notre politique extérieure que l’influence de notre diplomatie dépassait largement la taille de la Tunisie.
Ce prestige n’a pas cessé de péricliter, mais si la majorité de nos politiciens semble encore se complaire dans la confusion, la dernière enquête de Sigma Conseil montre que le Tunisien moyen n’a rien perdu des grands principes qui ont serti notre politique internationale depuis Bourguiba.
Des Phéniciens ouverts sur le monde !
Selon Hassen Zargouni, DG Sigma, les Tunisiens sont encore fidèles à la doctrine diplomatique tunisienne qui s’articulait, depuis l’indépendance, autour de trois axes : une politique bienveillante vis-à-vis de nos voisins Maghrébins, un rapport d’intérêt fort avec les pays occidentaux (notamment sur le plan économique), et une référence arabo-islamique affichée parmi laquelle brille notre engagement pour la cause palestinienne.
“Cette enquête est une sorte d’évaluation assortie d’attentes de notre politique étrangère, et si les Tunisiens interrogés ne sont pas des diplomates professionnels, ils ont montré une grande clarté d’idées”, atteste-t-il lors de la présentation de l’enquête KAS-SIGMA sur la nouvelle place de la Tunisie en matière de relations internationales.
Leurs réponses aux interrogations de l’enquête le prouve. Quand on vous parle de politique étrangère, quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit? ils ont répondu : relations internationales, et commerce/échanges. Cela veut dire que l’économie est durablement mariée à la diplomatie dans leurs perceptions mais nous sommes loin de la satisfaction en bloc du travail de nos diplomates. En vérité, les deux tiers se disent déçus. Pas en gros, quand même, puisque tout le monde n’est pas logé à la même enseigne dans cette perception et si Béji Caïd Essebsi est encensé, Moncef Marzouki et Kaïs Saïed leur semblent sans brio.
Parmi les partenaires évoqués, l’Algérie vient en tête et les Tunisiens ressentent une franche appartenance quand on les questionne sur le Maghreb. Autre partenaire, l’Allemagne ne cesse de monter dans l’estime des Tunisiens mais, concernant la Turquie, la France et l’Italie, plus de 50% des interrogés diraient “Je t’aime, moi non plus !” Quant aux USA, ils n’ont pas bonne presse dans notre pays. Les Emirats aussi. Côté Chine, Arabie Saoudite et Qatar, cela reste un peu flou dans les têtes.
Ce qui attire l’attention, c’est que les Tunisiens sont attentifs à la notion de nécessaire, d’équilibre, de négociation, d’opportunité, de souverainisme… Ce qui fait dire à Zargouni : “Les Tunisiens sont globalement Phéniciens, ouverts sur le monde !”
Ahmed Ounaies, ancien chef de la Diplomatie tunisienne, donne la formule : “La première idée, c’est le grand Maghreb sans frontières. Le second relief, l’Allemagne, la France et l’Italie sont nos partenaires principaux sur le plan vital. Trois, la société tunisienne est ouverte”.