Nous revenons, encore une fois, à la question de la présence des étrangers à la Bourse de Tunis. Et pour raison, la rétraction de cette présence à des niveaux historiquement bas. Depuis le début de l’année (36 séances de cotation), les achats par les non-tunisiens ont seulement été de 1,532 million de dinars, soit moins de 43 000 dinars par jour ! Les ventes ont été plus importantes, de l’ordre de 7,165 millions de dinars. La Place de Tunis n’a jamais été aussi désertée et maintes raisons expliquent cette situation.
Primo, il y a l’attractivité du marché financier tunisien. Malheureusement, il n’y a ni croissance rapide de l’économie, ni une vision claire pour les années à venir. Nous attendons toujours qu’une nouvelle équipe prenne les rênes à la Kasbah pour discuter avec les bailleurs de fonds internationaux, eux même dans le flou. La semaine dernière, le site du magazine français “Le Point” a rapporté que « Les principaux bailleurs de fonds ne dissimulent plus leur impatience face aux engagements non tenus par les gouvernements successifs ». L’image actuelle du pays ne permet pas de vendre la destination Tunisie. D’ailleurs, l’investissement en portefeuille est le thermomètre des IDE d’une façon générale car il est le plus simple. Avec cette baisse, il ne faut pas s’attendre à une année exceptionnelle.
Secundo, le marché n’est plus liquide. Le volume quotidien des échanges est de 3,515 millions de dinars en ce début de 2020 et ce, en tenant compte des transactions de blocs. Le premier souci d’un investisseur étranger est de pouvoir liquider sa position en cas de mauvaises nouvelles. Cette option n’est plus possible car le marché est peu profond. Si les fonds locaux quittent l’Equity à la recherche des rendements monétaires élevés, il ne faut pas espérer voir les étrangers prendre du risque à leur place.
Tertio, les critères d’investissement ont changé durant l’année dernière. Aujourd’hui, on construit des stratégies d’investissement dites ESG (Environmental, Social and Governance). Les sociétés internationales publient leurs niveaux d’émission de CO², tous les détails en matière de gouvernance et leurs actions pour préserver la planète. Où sont nos entreprises cotées de tout cela ? Elles sont incapables de suivre ce rythme de transparence et de divulgation de l’information extra-financière. Le résultat est l’absence de toute la Place des radars des investisseurs.
La situation est donc plus profonde que l’absence de grandes capitalisations. La morosité observée est bien partie pour durer encore, et c’est toute l’économie tunisienne qui perd.
Bassem Ennaifar