Dès le début, Tobias Seiberlich n’a pas cessé de répéter le vocable “équipe” comme s’il s’agissait d’un sésame. “Ce projet est hors normes, ce n’est pas la GIZ seule en ligne mais toute une équipe allemande qui englobe l’AHK, la Friedrich Ebert et la Konrad Adenauer. Tous ces acteurs ont des traditions de coopération avec le partenaire tunisien, c’est-à-dire le ministère des Affaires Sociales ainsi que l’UTICA et l’UGTT. Notre but est de créer un cadre pour réunir les partenaires sociaux et autres acteurs tunisiens du dialogue social et de l’emploi pour les mettre en contact avec les partenaires allemands afin d’enrichir le dialogue sur l’employabilité”, nous confie-t-il à la faveur de l’atelier de réflexion organisé, le 21 février à Tunis, par la GIZ et l’AHK sur le thème de l’employabilité, un des axes phares du projet “Alliance pour la croissance économique et pour l’emploi et le dialogue social” mandaté par le ministère fédéral de la Coopération Economique et du Développement (BMZ).
Tout le monde doit communiquer
Nous avons interrogé Seiberlich sur le triangle emploi/chômage irréductible/modèle de développement et sa réponse nous fait remonter le temps vers les premiers gouvernements de Bourguiba. “Nous avons constaté que pendant les 40 ans d’analyse du taux de chômage en Tunisie, le taux était établi pendant les trois quarts du temps autour des 15%.
On s’est interrogé pourquoi pas 5% ou 6%. Qu’est-ce qui se passe ? Le draft de notre dernière étude se penche sur trois thématiques choisies avec nos partenaires : employabilité, formalisation (passage de l’informel vers le formel), Fonds de perte d’emploi”, répond Tobias Seiberlich qui pense qu’il aurait fallu commencer par là !
Il nous parle encore de principe d’équipe et insiste sur le fait que les thématiques ne sont pas le fruit d’un travail en aparté mais ont été traitées dans les comités techniques et les acteurs en rapport, pour en ressortir des recommandations à l’adresse des faiseurs de la politique économique en Tunisie : “Nous sommes liés au Conseil national de dialogue social qui, lui-même, conseille le gouvernement ; et il est même représenté dans notre comité de pilotage pour nous assurer que tout le monde soit dans le bain”.
Cette inclinaison à la coopération entre toutes les parties continue à transpirer des propos de notre interlocuteur : “L’idée est aussi d’enrichir le dialogue en Tunisie avec les bonnes pratiques allemandes, et la Tunisie doit développer ensuite son propre modèle. Et dialogue veut dire que tout le monde doit communiquer avec tout le monde”.
Développer un autre modèle d’intégration
Seiberlich s’attarde sur ce concept de dialogue qu’il semble placer au centre de tout effort pour l’employabilité. “L’un des éléments-clefs est de développer un dialogue social continu pour peaufiner le modèle de développement. Car, aujourd’hui, le dialogue se concentre essentiellement sur les crises ou les négociations salariales, alors qu’il dispose d’énormément plus de potentiel et qu’il serait un atout majeur pour l’employabilité s’il était continu. C’est à ce moment que l’on pourrait développer un autre modèle d’intégration”, répond-t-il à notre interrogation sur la relation entre le modèle économique tunisien et nos aspirations à plus d’emplois.
Nous insistons sur les conseils que pourrait apporter l’expérience allemande. “Il y a beaucoup de complexité dans cette question et je reste sur la recommandation de dépasser les traditions et le déjà-éprouvé pour voir comment intégrer les jeunes dans les régions défavorisées et, surtout, comment porter les acteurs à travailler ensemble, cibler ensemble l’intégration des jeunes dans l’emploi. L’union fait la force. Le chômage de 15% en Tunisie ne peut baisser sans la révision de la communication entre tous les partenaires, l’employabilité a besoin de travail en commun, d’esprit de collaboration et de dialogue. La clef est là !”, assure Tobias Seiberlich.
Rappelons que l’atelier a réuni différents acteurs tunisiens et allemands (dont Jörn Bousselmi, DG AHK) disposants de l’expertise dans les politiques du marché de travail avec l’objectif d’assistance du projet (à travers le CoTech Employabilité) pour l’élaboration d’un plan d’action concernant la problématique de l’employabilité en Tunisie. Hafedh Atab, consultant indépendant en emploi, formation, R&D innovation, statistiques et systèmes d’information, a exposé les défis et les opportunités de l’employabilité des jeunes en Tunisie. Et Mark-Cliff Zofall, chef du département orientation professionnelle et chef du projet des systèmes d’information pour la recherche des emplois au sein du siège de l’agence fédérale de l’emploi (Nürnberg), a présenté le modèle allemand de l’employabilité.
Maryam OMAR