Saviez-vous que 45% des entreprises sont indifférentes au recrutement d’un ingénieur ou d’un technicien et qu’elles affirment que, dans un cas comme dans l’autre, ce sont elles qui prennent le profil et qui le forment en interne ?
C’est loin d’être la seule donnée étonnante révélée par l’étude menée par SHK Consulting et le magazine Le Manager en collaboration avec la Fondation Friedrich Naumann sur les universités et l’employabilité en Tunisie; une étude qui affiche l’ambition d’être un guide à la fois pour informer les universités sur les préférences des entreprises et orienter celles-ci vers les universités qui correspondent le plus à leurs besoins.
Réfléchir out of the box
“L’idée est de donner un input pour le recrutement et d’informer les universités sur le marché du travail, la manière d’orienter les programmes et les filières, la perception des compétences recherchées par les entreprises tunisiennes”, atteste Sahar Mechri, directrice du magazine Le Manager. En écho, Karim Kharrat, DG de SHK Consulting, assure que tous les secteurs sont représentés dans l’étude ; télécoms, banques, distribution, assurances, industrie, cabinets de conseils, hôtellerie, construction… conformément au tissu économique tunisien.
Beaucoup de chiffres émaillent l’étude pour faire ressortir que l’IHEC et l’ISG sont en haut de la demande, sauf pour la logistique où les institutions spécialisées prennent le témoin. Côté, technologies de l’information, c’est ESPRIT qui se démarque. Quant aux compétences métier, c’est en premier lieu auprès de l’ENIT qu’on recherche.
Ce qui attire singulièrement l’attention, c’est le fait que les compétences purement “techniques” passent après les qualités de caractère et d’entregent. C’est ainsi que l’étude révèle que les entreprises souhaitent des recrues disposant de l’esprit d’équipe et de l’aptitude à communiquer, qui savent mener des réunions, qui ont des aptitudes à résoudre les problèmes, qui sont créatifs et qui sont capables d’imaginer des solutions.
“L’étude nous fait découvrir que nous sommes en train de remettre en cause notre système d’éducation pour mettre sur les devants de la scène les langues, les qualités de leadership, la façon de raisonner et de gérer des situations d’urgence… Je ne veux pas être alarmiste mais ce sont ces compétences dont nous avons besoin et le problème va aller en s’aggravant si nous ne bougeons pas”, commente Sahar Mechri.
En cela, elle est soutenue par Alexander Rieper, directeur de Friedrich Naumann Tunisie, qui engage les universités à se pencher sur les problèmes de langue, de l’esprit d’équipe et de la capacité à résoudre des problèmes. C’est Karim Kharrat qui résume le principe de cette demande en compétences non conventionnelles en soulignant que, plus la PME est jeune, plus elle a besoin de gens qui prennent de l’initiative et plus elle avance, elle a besoin de gens qui adoptent le travail d’équipe. Et, selon lui, les créatifs et ceux qui réfléchissent out of the box restent un must tous secteurs confondus, et c’est pour cela que la définition des compétences avec une plus grande précision est incontournable pour une prochaine mouture. Dans le même esprit, les recommandations de l’étude insistent sur 4 points : proximité avec les entreprises, travail sur les référentiels de compétences, travail sur le leadership, renforcement de certaines filières en haute demande.
Derrière le rideau, une notoriété à défricher !
N’ayons pas peur des mots ; les données mises en scène dans l’étude sont de l’or en barres pour les doyens des universités et les départements gouvernementaux liés à l’enseignement supérieur. D’abord, parce que c’est la toute première fois que ce genre de correspondance terme à terme entre universités et entreprises est abordé d’une manière aussi systématique.
Ensuite, quand on soulève le rideau, par les possibilités d’une explication de l’absence de nos universités dans les grands palmarès internationaux. Une simple interrogation : Si nous sommes ainsi exclus du classement de Shanghai et consorts, ne serait-ce pas parce que nous n’avons pas, en Tunisie, un classement national digne de ce nom à proposer aux enquêteurs? Et, dans ce cas, pourquoi l’étude n’est-elle pas allée au bout de cette logique ?
C’est Sahar Mechri qui répond à la question : “L’idée de départ était de réaliser le classement des universités privées. Nous sommes évidemment partis de ce qui se passe dans le monde et nous avons suivi toutes les étapes, à commencer par un questionnaire où nous nous sommes inspirés du classement de Shanghai ainsi que d’autres pour lesquels toutes les réponses doivent être accompagnées d’arguments. C’est alors que nous nous sommes heurtés à l’opinion de certains de nos interlocuteurs qui nous ont clairement fait comprendre qu’ils ne participeraient au classement que si les universités publiques étaient également concernées. En vérité, les retours ont été modestes même si, lors des va-et-vient, certains comme Dauphine ont été très coopératifs. Pour tout dire, nous ne pouvons pas réaliser un classement avec seulement une demi-douzaine d’universités.’’
Cela a le mérite d’être clair… mais, comme elle le souligne, ce qui est regrettable dans tout cela, c’est que le champ de la notoriété de nos universités n’a pas été suffisamment défriché à l’occasion de cette première radioscopie alors que le paysage universitaire tunisien affiche une richesse incontestable avec 193 établissements publics et 76 universités privées.