Alors qu’un dinar fort par rapport aux devises étrangères est quasiment devenu une obligation pour les politiciens, la réalité microéconomique ne partage pas nécessairement cet objectif. La Tunisie, avec son petit marché interne ne pourra réussir que si elle devient une plateforme de services et d’industrie régionale. Les exportations vers nos voisins jouent un grand rôle dans les comptes nationaux, ce qui exige un minimum de compétitivité de notre monnaie.
Ainsi, la baisse du dinar lors des deux dernières années a profité à beaucoup de sociétés exportatrices. Mais sa reprise en 2019 leur a coûté cher, avec des pertes de change importantes. Nous devons attendre la fin de l’année pour avoir le chiffre exact, mais nous sommes certains qu’il s’agira de quelques dizaines de millions de dinars pour les seules sociétés cotées à la Bourse de Tunis. Sur les 81 sociétés de la cote, 35 réalisent un chiffre d’affaires en devises. Nous disposons des indicateurs de 34 d’entre elles, ce qui nous donne une idée claire sur les conséquences de la tendance haussière du dinar.
Depuis le début de l’année, ces entreprises ont réalisé des exportations pour une valeur de 1,495 MdTND, une progression annuelle de 10,4%. Néanmoins, si nous analysons par l’évolution par trimestre, la physionomie change. Durant le troisième trimestre, les exportations n’ont progressé que de 3,9% à 462,627 MTND. Durant la période avril – juin 2019, la croissance était limitée à 3,5%. En réalité, le bond a été observé lors du premier trimestre de l’année, où les revenus d’export ont atteint 529,532 MTND, une hausse de 25%. Cette période coïncidait avec une stabilité relative du cours du dinar par rapport à la fin de 2018. Il faut donc s’attendre à une fin d’année modeste et un affaiblissement de l’impact positif du taux de change sur le chiffre d’affaires de nos entreprises.
Même la hausse observée depuis le début de l’année est à relativiser. 82,6% de la progression des exportations proviennent des 5 principaux exportateurs (OTH, PGH, ICF, ALKIMIA et Euro-Cycles). D’ailleurs, ces sociétés représentent 71,2% des exportations totales contre 70,2% en 2018.
Nous avons devant nous un vrai problème puisque nous risquons de perdre un nouveau moteur de croissance pour les bénéfices des entreprises. Durant l’année dernière, la faible demande intérieure a été compensée par celle extérieure. Les revenus générés ont été supérieurs aux charges financières supplémentaires causées par les taux d’intérêts, ce qui incitait à l’investissement. Aujourd’hui, la demande extérieure a fléchi alors que les charges financières ont flambé. Un effet ciseau que les épargnants de la Bourse de Tunis ne regardent pas d’un bon œil, ce qui explique un Tunindex fébrile.
Conclusion : quel que soit sa tendance, le dinar fait toujours des victimes !