La quatrième édition du Rapport national sur l’Emploi publié par l’IACE a donné un état des lieux très intéressant sur la situation du marché de l’emploi en Tunisie. Rappelons d’abord que les chiffres de l’INS montrent qu’il y a actuellement 634 900 chômeurs. Les chiffres présentés par l’IACE sont basés sur deux enquêtes auprès de 10 000 diplômés et 1 200 entreprises privées tunisiennes de moyenne et grande taille.
1ère conclusion : si vous cherchez un emploi, les bureaux de l’emploi seront votre meilleure chance
Pour recruter des cadres et des dirigeants, les entreprises passent dans 58,9% des cas par les bureaux de l’emploi, devançant les cabinets de recrutement (17,4%) et les annonces (16,4%). Les candidatures spontanées et les réseaux sociaux ne représentent, respectivement, que 2,8% et 2,5%.
Le tableau n’est pas très différent lorsqu’il s’agit de recruter des travailleurs de production et professions élémentaires. Les bureaux de l’emploi assurent 44,3% des recrutements contre 31,5% pour les annonces. Les cabinets de recrutement et les candidatures spontanées n’assurent que 7,5%. Ici, les relations familiales jouent un rôle plus important et assurent 6% des postes. Encore une fois, les réseaux sociaux contribuent à hauteur de 2%.
Reste ici à préciser que 36% des diplômés étant en poste d’emploi confirment qu’ils ont eu leur première insertion professionnelle à travers leurs parents et amis contre 20,2% via les bureaux d’emploi. Cela montre que l’accès au marché de travail est plus compliqué pour ceux qui ont un niveau universitaire, mais également encore plus difficile pour ceux issus de milieux défavorisés.
2ème conclusion : le diplôme n’est pas particulièrement décisif
Les compétences les plus demandées par les entreprises sont celles techniques et numériques (77,5% des cas). Celles transversales, qui favorisent la mobilité vers différents métiers, sont également assez demandées (14,9%). Les compétences du candidat pèsent 46,8% dans la décision de son recrutement, devançant de peu l’expérience dont le poids est de 44%.
Bizarrement, le diplôme n’est pas influent et intervient à hauteur de 5,7% seulement. Cela signifie que les entreprises n’ont pas confiance en nos universités dont le produit final est souvent loin de ce qui est effectivement demandé. D’ailleurs, la qualité de la formation universitaire et professionnelle ne représente que 7,6% des compétences demandées. Les entreprises compensent cela par l’expérience.
3ème conclusion : pas de croissance de l’emploi durant les douze prochains mois
Les attentes des chefs d’ entreprises sont mitigées : plus de 96% estiment que l’emploi ne va pas baisser, mais seulement 24,3% pensent que la situation va s’améliorer. Les estimations positives sont en fonction croissante de la taille de l’entreprise. 48,8% de celles qui embauchent plus de 200 personnes pensent que l’emploi va augmenter alors que seules 18,9% des plus petites l’avancent. La grande majorité préfère l’hypothèse que la situation va stagner durant la prochaine année.
4ème conclusion : l’industrie offre le plus de postes vacants
47 027 postes sont vacants actuellement, dont 68% dans l’industrie. Contrairement à l’idée générale, ce n’est pas l’agriculture qui souffre le plus d’un manque de main-d’œuvre (632 postes vacants). Il y a un déficit plus important dans l’hébergement et la restauration (2 184 postes) et la construction (2 372 postes). Autre constat : même les postes hiérarchiques les plus élevés sont concernés. Actuellement, 1 768 postes dans des professions intellectuelles et scientifiques et 1 330 postes de direction et de cadre direction attendent des candidats. Mais globalement, les emplois offerts concernent des personnes qui ont un niveau intermédiaire d’études.
5ème conclusion : a flexibilité des horaires est déterminante pour les jeunes
Pour les candidats, l’attractivité d’un emploi est loin d’être déterminée par la couverture à la négociation collective (3,9%), par la disponibilité d’une garderie pour enfant (1,4%) ou par les activités culturelles et sportives (3,2%). Ce qui prime sont cinq facteurs : les congés payés (66,4%), le transport (23,5%), les tickets restaurant (17,6%), l’accès bonifié aux produits de l’entreprise (16,5%) et la présence de syndicat (14,5%). En d’autres termes, l’employé tunisien cherche d’abord tout ce qui est avantages pécuniaires, ce qui est normal étant donné les conditions économiques et l’inflation actuelles.
Pour les diplômés, les critères changent. C’est le cadre du travail et la flexibilité des horaires qui priment (65,5% des interrogés), bien avant les avantages sociaux (58,8%), le développement des compétences (58,7%) et même la rémunération (55,7%). Les jeunes pensent plus au développement de leur carrière puisqu’ils sont encore au début de leur vie professionnelle.
Le rapport montre enfin une réalité : le chemin pour une adéquation entre l‘offre et la demande du marché de travail en Tunisie n’est pas pour demain. Cela restera l’un des principaux facteurs qui handicapent une vraie relance économique.