L’endettement public en Afrique du Nord atteint un niveau critique. Selon une note publiée par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (ECA), le ratio moyen dette/PIB dans la sous-région est passé de 79,7% en 2019 à 88,4% en 2023. Cette hausse rapide s’explique par les effets conjugués de la pandémie de Covid-19, du conflit entre la Russie et l’Ukraine, des tensions régionales au Soudan et à Gaza, ainsi que des impacts croissants du changement climatique.
Les gouvernements nord-africains font désormais face à une pression fiscale accrue, les obligeant à réorienter des ressources vers le remboursement de la dette, souvent au détriment des programmes sociaux et des investissements publics. L’ECA, à travers son policy brief intitulé “Debt Management and Sustainable Finance in North Africa”, publié en août 2025, alerte sur les risques d’un cercle vicieux entre dette, croissance ralentie et vulnérabilité climatique.

En ce qui concerne la Tunisie, elle figure parmi les pays les plus exposés à la montée de la dette. D’après l’ECA, le ratio dette publique/PIB est passé de 67,3% en 2019 à 83,7% en 2024. Plus de la moitié de cette dette est désormais contractée à l’intérieur du pays. En 2015, la dette extérieure représentait 51,23% du PIB contre 33,29% pour la dette intérieure. En 2022, la tendance s’est inversée: la dette intérieure (48,36%) a dépassé la dette extérieure (46,32%).
Cette dépendance accrue à l’endettement domestique s’explique par la difficulté d’accès au financement international. Mais elle a un coût: les emprunts internes sont souvent assortis d’échéances plus courtes et de taux d’intérêt plus élevés, ce qui pèse lourdement sur les finances publiques. Le service de la dette mobilise une part croissante du budget national, réduisant l’espace disponible pour les dépenses d’éducation, de santé ou d’infrastructures.
Une région aux trajectoires contrastées
Dans la région, l’Algérie, la Mauritanie et le Maroc parviennent à stabiliser, voire à réduire leurs niveaux d’endettement. L’Algérie est citée par l’ECA comme un exemple de bonne gestion de la dette publique. À l’inverse, la Tunisie, l’Égypte et le Soudan subissent des tensions budgétaires aiguës, aggravées par une inflation persistante et un affaiblissement des réserves de change.
L’étude souligne également le lien grandissant entre dette et climat: les catastrophes naturelles, la sécheresse et la variabilité météorologique accentuent la vulnérabilité financière des États, en les contraignant à recourir davantage à l’endettement pour financer les mesures d’adaptation.
Des solutions à repenser?
Pour inverser la tendance, l’ECA recommande de renforcer la gestion de la dette intérieure, d’accroître la transparence budgétaire et de promouvoir le financement en monnaie locale afin de limiter les risques liés à la volatilité des devises. Elle appelle également à attirer davantage d’investissements étrangers et à développer des instruments financiers innovants, comme les échanges “dette contre climat”, permettant de convertir une partie de la dette en investissements pour la résilience climatique.









