Tunis abrite cette semaine la 21ᵉ édition du CorporateRegisters Forum (CRF), la plus importante association mondiale des registres de commerce. Placé sous le thème « Nouveaux défis pour les registres du commerce : plus de transparence et d’efficacité », l’événement réunit 180 délégués représentant 65 pays. Il s’agit de la première organisation du forum au Maghreb et dans un pays francophone, marquant ainsi une étape symbolique dans l’histoire de cette instance internationale.
Le secrétaire général du CRF, Martin Fidler Jones, a confirmé la tenue de cette édition à Tunis en saluant « un dossier magnifique » présenté par la Tunisie. Il a souligné que cette rencontre mondiale place la lutte contre le blanchiment d’argent et le renforcement de la transparence économique au cœur des priorités. Selon lui, les registres de commerce à travers le monde sont confrontés à une tension permanente entre la nécessité de transparence, la lutte contre le blanchiment et la protection de la vie privée. Cette problématique universelle pose la question du niveau d’information que les pays doivent exiger des entreprises pour pouvoir combattre efficacement les flux financiers illicites.
Interrogé sur le rôle de la technologie dans ce combat, Martin Fidler Jones s’est montré optimiste. Il considère l’intelligence artificielle comme un outil essentiel pour renforcer la capacité des registres à détecter les comportements suspects et à anticiper les risques. Cette vision trouve un écho particulier en Tunisie, où le Registre National des Entreprises (RNE) a annoncé une stratégie ambitieuse de modernisation. Son directeur général, Mohamed AdelChouari, également directeur de cette session du CRF, a affirmé que le RNE vise une digitalisation complète d’ici 2027, dans le but de devenir un registre intelligent capable de repérer automatiquement les fraudes et d’anticiper les menaces liées au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.
Selon Mohamed AdelChouari, près des trois quarts des services du RNE sont déjà digitalisés. L’objectif est d’atteindre le 100 % numérique dans les prochaines années afin de permettre aux usagers d’effectuer l’ensemble de leurs démarches à distance. Cette transformation nécessite une mise à niveau parallèle de l’infrastructure nationale, notamment en matière de signature électronique et de sécurisation des dépôts en ligne, pour garantir la valeur juridique des documents électroniques. Le directeur général a également évoqué la possibilité d’adopter à terme le « smart contracting », ou contrat électronique, pour éliminer totalement l’usage du papier.
Les discussions au sein du forum ont permis d’identifier plusieurs défis majeurs pour les registres à l’ère de la mondialisation. Le premier concerne l’équilibre délicat entre l’ouverture des données au public et la protection des informations personnelles, dans un contexte où les exigences de transparence se multiplient. Le second défi réside dans la nécessité d’assurer un accès rapide et fiable aux informations, en particulier pour les institutions financières et les organismes publics. Le troisième enjeu découle des pressions réglementaires internationales, notamment celles du Groupe d’action financière (GAFI), qui impose des règles strictes en matière de conformité, d’analyse de données et de lutte contre le blanchiment.
Cette édition du CRF à Tunis se distingue également par son ouverture au secteur privé. Le RNE a souhaité dépasser le cadre strictement institutionnel en intégrant une dimension économique et technologique. Des entreprises partenaires ont participé au forum à travers des expositions et des échanges dédiés, favorisant les rencontres entre acteurs publics et privés. Une plateforme numérique a été créée pour mettre en relation les participants avant même le début de l’événement, tandis que des espaces de rencontre ont été aménagés à Tunis pour faciliter les échanges entre représentants des gouvernements, institutions et entreprises.