Lors de la deuxième édition du forum « Tech the Justice Gap », tenue le 18 novembre à Tunis, Ronald Lenz, directeur de l’innovation au HiiL, a souligné le rôle central de la justice économique dans le développement des petites et moyennes entreprises (PME) tunisiennes.
En Tunisie, les PME représentent 97 à 99 % du tissu privé, mais une large partie peine à accéder à la protection juridique nécessaire pour investir, recruter et se développer. Selon l’enquête présentée par Lenz, près de 60 % des propriétaires de PME ont rencontré un problème sérieux au cours des deux dernières années, un chiffre encore plus élevé pour les entreprises informelles. Payer ou récupérer des créances, résoudre des litiges avec des clients ou fournisseurs, ainsi que les démarches d’enregistrement et de licence sont les obstacles les plus fréquents. Pour les entreprises informelles, la criminalité, le vol et les interactions floues avec les autorités s’ajoutent à ces difficultés.
Ces problèmes restent largement non résolus : 80 % des cas sont encore en cours ou abandonnés, même lorsque la procédure est close. Seuls 16 % des entreprises formelles et 8 % des informelles savent où trouver une assistance juridique. La plupart se tournent vers leurs proches, révélant à la fois la force des liens communautaires et l’opportunité de rendre la justice formelle plus accessible et fiable. Le coût et la durée des litiges – parfois plusieurs centaines de jours et plus de 20 % du montant en jeu – accentuent cette incertitude, avec un impact direct sur l’économie : les PME perdent jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires annuel à cause de litiges non résolus.
Mais des solutions existent. Les entreprises qui parviennent à résoudre leurs conflits sont trois fois plus susceptibles de se développer l’année suivante. La justice devient ainsi un moteur de croissance. Plusieurs réformes récentes en Tunisie facilitent cette transition. La suppression des chèques postdatés améliore la sécurité financière, tandis que le déploiement rapide du système d’identité numérique ouvre l’accès aux services financiers et à la justice numérique, incluant la signature et la résolution de contrats en ligne.
Les innovations locales jouent également un rôle clé. Des startups comme E-Tafakna et Contractzlab utilisent l’intelligence artificielle pour fournir des contrats numériques, des conseils juridiques instantanés et des modèles fiables, transformant des accords verbaux fragiles en engagements formels sécurisés. Ces outils permettent de simplifier la formalisation des entreprises et d’encourager le développement d’un écosystème numérique inclusif, notamment pour les femmes entrepreneures, encore trop souvent exclues de l’accès à la justice en dehors des grandes villes.
Pour Ronald Lenz, la justice économique n’est pas un coût, mais un investissement stratégique. « Quand la justice est rapide, abordable et prévisible, elle renforce les fondations du secteur privé et libère croissance, emplois et confiance », a-t-il souligné. Grâce au forum « Tech the Justice Gap », le lien entre innovation juridique et performance économique se dessine comme un tournant majeur pour les PME tunisiennes en 2025.







