Plus de 1,4 milliard de consommateurs : c’est l’ampleur du marché chinois désormais ouvert aux exportations africaines dans le cadre de l’initiative « zéro tarif ». Ce programme, lancé par Pékin, doit bénéficier à 53 pays du continent entretenant des relations diplomatiques avec la Chine, dont la Tunisie. L’objectif affiché est de rééquilibrer les échanges commerciaux sino-africains, longtemps dominés par les exportations de matières premières africaines vers l’empire du Milieu.
Cette mesure, annoncée en juin 2025 par le président Xi Jinping, prévoit une exonération complète des droits de douane pour 100 % des produits importés depuis ces pays. La seule exception concerne l’Eswatini, qui maintient des liens diplomatiques avec Taïwan. Pékin avait déjà appliqué une mesure similaire à 33 pays africains les moins avancés depuis décembre 2024, mais l’extension à l’ensemble du continent marque un tournant majeur.
Une ouverture sans précédent
Selon un rapport de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), cette initiative pourrait stimuler les échanges dans des secteurs à fort potentiel tels que la transformation agricole, l’industrie légère ou encore le traitement des minerais. En ouvrant son marché à des produits africains à valeur ajoutée, la Chine offre à l’Afrique une occasion unique de diversifier ses exportations et d’accroître ses revenus extérieurs.
Auparavant, plusieurs pays africains à revenu intermédiaire – comme l’Égypte, le Nigeria, l’Afrique du Sud et désormais la Tunisie – étaient soumis à des droits de douane chinois pouvant atteindre 25 %. Désormais, ces économies bénéficient d’un accès préférentiel inédit au marché chinois, ce qui pourrait améliorer leur compétitivité et renforcer leurs marges de négociation avec d’autres partenaires tels que les États-Unis ou l’Union européenne.
Cependant, cette opportunité ne pourra être pleinement exploitée que si les pays africains lèvent plusieurs obstacles. D’abord, les exportations vers la Chine restent concentrées sur un petit nombre d’États – notamment l’Angola, la RDC et l’Afrique du Sud – et concernent essentiellement du pétrole et des minerais bruts. Pour profiter de l’exemption tarifaire, il faut donc diversifier les produits exportés et les aligner sur la demande chinoise en forte évolution.
Ensuite, la qualité et la certification constituent un défi majeur. Les produits destinés au marché chinois doivent répondre à des normes strictes en matière d’emballage, d’étiquetage et de traçabilité. Les entreprises africaines devront également s’adapter aux canaux numériques de vente comme Alibaba, JD.com ou Pinduoduo, où les préférences des consommateurs évoluent rapidement.
Enfin, les infrastructures logistiques restent insuffisantes. Ports saturés, corridors ferroviaires limités, zones industrielles éloignées des axes d’exportation : ces contraintes réduisent la compétitivité des produits africains. Afreximbank recommande d’investir dans les zones économiques spéciales, les ports secs et les chaînes de froid pour fluidifier le commerce vers l’Asie.
Au-delà des infrastructures, le rapport souligne l’importance d’une intégration régionale plus forte via la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Celle-ci pourrait permettre de créer des chaînes de valeur régionales — par exemple, un corridor textile en Afrique de l’Est ou un pôle minier pour les batteries en Afrique australe — afin de produire et d’exporter à plus grande échelle.
La digitalisation des procédures douanières, l’harmonisation des normes et la simplification administrative figurent également parmi les leviers indispensables pour tirer parti de la politique « zéro tarif ».








