La Tunisie tarde à se positionner parmi les pays de la région MENA qui enregistrent de grands chiffres dans le secteur des crypto-monnaies. Selon Samir Ksibi, directeur général de kickoff.tn Crowdfunding, entreprise spécialisé dans la finance alternative en Tunisie, la technologie évolue rapidement et plusieurs innovations, comme les stablecoins ou les actifs numériques adossés à des biens réels, offrent des opportunités considérables. « L’actif numérique, c’est qu’on utilise la technologie pour désigner un actif bien précis… Aujourd’hui, on parle de tokens qui permettent de prouver la propriété d’un bien », explique-t-il.
Un cadre légal encore flou
Pour le spécialiste, le retard tunisien s’explique principalement par l’absence d’un cadre légal clair. Il insiste sur le fait qu’il ne suffit pas de créer des lois, mais qu’il faut que celles-ci soient adaptées à la nature de ces technologies. « Il faut un peu d’audace… mettre en pratique cette manière d’utilisation par les crypto-monnaies », souligne-t-il. Selon lui, un cadre légal approprié permettrait non seulement de sécuriser les transactions mais aussi d’attirer des investisseurs et des entreprises spécialisées.
Ksibi rappelle que la technologie des crypto-monnaies est décentralisée, ce qui complique le rôle des banques centrales. Cependant, des exemples internationaux montrent que des régulations intelligentes peuvent coexister avec cette liberté. « Les Américains ont reconnu la crypto-monnaie, mais certaines banques permettent un switch crypto-vers-dollar… en Europe, tu peux utiliser la crypto pour les transactions bancaires, mais il faut déclarer les bénéfices à l’État », précise-t-il.
Sensibilisation et opportunités pour le futur
Au-delà de la législation, la sensibilisation et la formation apparaissent comme des leviers essentiels. « Ce qu’il faut faire, c’est plutôt laisser la voie libre à certaines expériences, observer comment ça fonctionne et bâtir ensuite une loi adaptée », recommande le directeur général de kickoff.tn. Selon lui, les entreprises tunisiennes pourraient ainsi profiter d’un accès plus rapide et plus sûr aux marchés internationaux, en contournant certaines barrières financières traditionnelles.
Samir Ksibi note que, malgré les obstacles, un secteur parallèle existe déjà dans le pays. Certaines startups et entreprises utilisent la crypto comme moyen de paiement, voire même comme un moyen de valoriser leurs applications, notamment en offrant des tokens propres à leurs applications, un modèle qui valorise l’usage et la demande réelle. « Plus l’activité développe de nouveaux services, plus la valeur du token augmente… c’est une solution pour améliorer le processus de paiement », indique-t-il.
Enfin, le spécialiste reste optimiste quant à la possibilité de rattraper le retard tunisien. « Rien n’est trop tard. On peut se rattraper sur le coup », assure-t-il, citant l’exemple de pays du Golfe ou de certains États subsahariens qui ont déjà intégré cette technologie avec succès. Pour Ksibi, la Tunisie dispose des compétences nécessaires, mais il lui manque la volonté politique et la vision stratégique pour exploiter pleinement le potentiel des crypto-monnaies.